Nous sommes des milliers, des millions à être touchés par l’acte final d’Aaron Bushnell


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Ce qu’a fait Aaron Bushnell est un acte d’amour féroce, fondé sur des principes, dans une situation de désespoir extrême. Il a déclaré sans détour que, même au cœur de l’empire, les mensonges du sionisme ne tenaient plus.

BY BRITT MUNRO    2

Aaron Bushnell (Photo: Social Media)AARON BUSHNELL (PHOTO: SOCIAL MEDIA)

La légitimité d’Israël en Occident n’est pas pour demain. Il est impossible de revenir sur ce que nous avons vu au cours des cinq derniers mois, impossible d’oublier collectivement les bombardements d’hôpitaux, les enfants blêmes sous le choc et le plâtre, les infirmières abattues par des tireurs embusqués alors qu’elles travaillaient dans des salles d’opération, les amputations sans anesthésie, les tout-petits qui réclament leurs parents martyrs, les femmes enceintes affamées, les hommes exhibés nus et ligotés, les personnes âgées emprisonnées et torturées, les corps des êtres chers dévorés par les animaux, les bébés qui crient de douleur parce qu’ils n’ont pas été nourris (et ne le seront pas), les corps des nourrissons qui se décomposent dans les couveuses des unités de soins intensifs. Nous ne reverrons jamais les adolescents qui campent pour bloquer les camions d’aide, les soldats qui paradent avec des sous-vêtements de femmes palestiniennes, les TikToks de célébration des Israéliens qui font exploser des bâtiments universitaires et des écoles, les politiciens qui appellent publiquement à « tout éliminer » et à  » les tuer tous ». En décembre dernier, après l’auto-immolation d’une citoyenne américaine devant l’ambassade d’Israël à Atlanta (lors d’une manifestation rapidement enterrée par les médias), le consul général de l’ambassade a qualifié cet acte de « haine » contre Israël, affirmant que « le caractère sacré de la vie est notre valeur la plus élevée ». Cette déclaration nous fait rire. Nous rions pour ne pas hurler.

Aaron Bushnell a crié « LIBEREZ LA PALESTINE » alors que son corps brûlait devant l’ambassade d’Israël à Washington le 25 février 2024. La force de son acte a réveillé les parties les plus profondes de ceux d’entre nous qui luttent contre le génocide israélo/américain depuis le cœur de l’empire. Nous nous ferons l’écho à ses cris et nous les amplifierons, un million de fois, et de tous les coins de la terre. Dans la mort, Bushnell rejoint les martyrs de la résistance en Palestine, non seulement tous les résistants mais aussi tous les civils tués. Le jour de la manifestation de Bushnell, près de cent personnes ont été martyrisées en Palestine, dont Muhammed al-Zayegh, âgé d’à peine 60 jours, qui est mort de faim. Nous les honorons tous.

Ce que l’acte de Bushnell a révélé – comme il le savait – c’est que les mensonges sionistes s’effondrent. Le jour où il s’est immolé, Aaron Bushnell a porté son treillis militaire et s’est déclaré membre actif de l’armée de l’air américaine, non pas parce qu’il voulait récupérer la nationalité américaine (c’était un anarchiste déclaré qui avait l’intention de quitter l’armée de l’air), mais parce qu’il avait compris le pouvoir de sa position par rapport à l’empire américain. Ce que son acte a déclaré de manière si indéfectible, c’est que même au cœur de l’empire – un homme blanc de vingt-cinq ans, un membre actif de l’armée américaine – les mensonges n’ont plus cours.

Upwards of 400,000 Pro-Palestine protestors take the streets in a national march in Washington DC to show support for Palestinians and call for a ceasefire and end the genocide in Gaza, January 13, 2024. (Photo: Eman Mohammed)
PLUS DE 400 000 MANIFESTANTS PRO-PALESTINIENS DESCENDENT DANS LA RUE LORS D’UNE MARCHE NATIONALE À WASHINGTON DC POUR MONTRER LEUR SOUTIEN AUX PALESTINIENS ET APPELER À UN CESSEZ-LE-FEU ET À LA FIN DU GÉNOCIDE À GAZA, LE 13 JANVIER 2024. (PHOTO : EMAN MOHAMMED)

Nous ne pouvons pas ignorer ce que cela signifie. Malgré une machine de propagande mondiale qui fait des heures supplémentaires pour nous dire que cibler des hôpitaux n’est pas cibler des hôpitaux et que tuer des civils n’est pas tuer des civils, la prise de conscience des crimes d’Israël se répand comme une traînée de poudre dans le monde entier. Cela est dû en grande partie à la ténacité de la résistance armée palestinienne, qui a réussi à défier le « mur de fer » israélien de 40 miles de long et qui continue à résister à une invasion israélienne sur le terrain. Parallèlement, des artistes, des écrivains, des journalistes et des universitaires palestiniens ont travaillé sans relâche pour démanteler la colonisation sioniste de l’imaginaire mondial, en particulier occidental, au moyen d’histoires, de chansons, de musique et d’œuvres d’art.

Cette résistance sous toutes ses formes a des répercussions. Depuis le 7 octobre, les gens continuent d’envahir les rues de tous les pays en scandant « Par milliers, par millions, nous sommes tous des Palestiniens ». Josephine Guilbeau, ancien membre de l’armée américaine, a déclaré lundi lors d’une veillée pour Bushnell : « Je ne pense pas que ce soit la dernière fois que nos militaires résistent. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup, beaucoup d’Aaron dehors. Qui parlera en leur nom ? Les mensonges d’Israël ont longtemps manqué de légitimité parmi les peuples du Sud, et en particulier du Moyen-Orient. Mais aujourd’hui, les fans de Taylor Swift se rendent à des manifestations en brandissant des pancartes déclarant « Swifties for Palestine » et des vidéos d’avocats proclamant l’occupation israélienne « existentiellement illégale » devant la Cour internationale de justice deviennent virales sur Twitter. Les journalistes palestiniens qui font des reportages à Gaza sont plus suivis en ligne que le président américain, et des bâtiments en Occident sont ornés de leurs images et de leurs citations. Dans un communiqué réagissant à la protestation de M. Bushnell, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a déclaré : « L’acte de M. Bushnell indique que le statut de la cause palestinienne, en particulier dans les cercles américains, est de plus en plus profondément ancré dans la conscience mondiale et révèle la vérité de l’entité sioniste en tant qu’outil colonial bon marché entre les mains d’un impérialisme sauvage ».

La légitimité d’Israël s’effondre, entraînant avec elle l’empire américain. Il ne s’agit pas de suggérer qu’Israël tire les ficelles, mais plutôt de montrer jusqu’où les États-Unis sont prêts à aller avant de risquer leur hégémonie dans la région. Le refus de tous les États, à l’exception d’une poignée, de rejoindre la coalition menée par les États-Unis dans le cadre de l’opération « Prosperity Guardian » pour vaincre le Yémen dans la mer Rouge (l’Arabie saoudite, qui a depuis rejoint le groupe des BRICS aux côtés de la Chine, de la Russie et de l’Iran, figure parmi les absents) est révélateur. L’impérialisme des médias occidentaux est de plus en plus dénoncé, et les voix du Sud qui situent ces mensonges dans l’histoire bien plus longue de la violence coloniale occidentale sont entendues d’une nouvelle manière, par une nouvelle génération.

Lors d’une conférence donnée le 21 octobre 2023, l’historien Ilan Pappé a déclaré : Avant le mois d’octobre, j’ai écrit un article disant que c’était le début de la fin du sionisme… après la semaine dernière, j’en suis encore plus convaincu. Comme cela s’est produit dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, nous vivons une période très dangereuse. Le régime lutte pour sa vie….historiquement, je n’ai aucun doute sur le fait que c’est ce que nous vivons, nous vivons la cruauté et la brutalité parce qu’un certain régime est en train de perdre, non pas parce qu’il gagne, mais parce qu’il perd ». Les attaques d’Israël contre l’Iran et le Liban, qui tentent d’entraîner les États-Unis dans une guerre régionale plus large, sont un autre signe de ce désespoir.

Lorsqu’il s’est tenu devant l’ambassade d’Israël lundi, englouti par des boules de flammes orange foncé, Aaron Bushnell a choisi d’incarner son refus de cette brutalité. Je ne serai plus complice d’un génocide », avait-il expliqué quelques instants plus tôt. « Je suis sur le point de m’engager dans un acte de protestation extrême, mais comparé à ce que les gens vivent en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n’est pas du tout extrême. C’est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal ». Ce que Bushnell a fait est un acte d’amour féroce, fondé sur des principes, dans une situation de désespoir extrême, dans laquelle la machinerie politique américaine et les médias sionistes ont confiné ceux d’entre nous qui ne souhaitent pas être complices d’un génocide dans un espace de plus en plus restreint.

L’acte de Bushnell sera (et a été) déformé par les médias impérialistes, ce qui n’est pas une surprise. Comme pour Mohamed Bouazizi, le vendeur tunisien qui s’est immolé par le feu pour protester contre la corruption du gouvernement tunisien, ils tenteront de vider la mort de Bushnell de son contenu politique, de pathologiser son acte comme étant en quelque sorte le résultat d’une maladie mentale individuelle (comme si cela s’opposait en soi à l’action), de le considérer comme une tragédie personnelle. Même au sein du mouvement, les organisateurs ont réagi à la mort de Bushnell en affirmant que nous devions agir « collectivement » et non « individuellement », déplorant son acte comme malavisé et désespéré. Mais ce que la manifestation de Bushnell a démontré, c’est que nous sommes toujours et déjà collectifs, et que c’est grâce à cela que la vérité de la violence israélienne ne sera pas supprimée. Cette vérité résonnera dans les fissures les plus profondes de l’empire, témoignant de la survie de ce qui nous lie à ceux qui résistent en Palestine. Elle apparaîtra dans un éclat de lumière, dans des millions de corps déferlant dans les rues, dans un chœur de voix tonnant les mots de Bushnell et ceux de chaque personne résistant en Palestine depuis 1948 :

LIBEREZ LA PALESTINE

LIBEREZ LA PALESTINE

LIBEREZ LA PALESTINE

N.d.T.Dans l’article original on dit de lui : «raised in a zionist household ». J’ai supprimé cette mention car elle ne correspond pas à la vérité.Vérification faite, Aaron n’était pas juif

Traduit au moyen de DEEPL et relu par anniebannie

Pourquoi la Catalogne n’est pas la Flandre


Pour comprendre la crise en Espagne et en Catalogne, nous devons retirer nos lunettes Belges / Flamandes. Il est un peu trop facile de faire des comparaisons superficielles avec la Flandre de la N-VA pour donner au mouvement Catalan un aspect de droite et non démocratique.

La Catalogne au bord de la declaration d independanceA l’inverse, on parle rarement des liens historiques qui existent entre le nationalisme espagnol et la droite, l’extrême droite, l’Eglise conservative, l’armée ou encore avec les 40 longues années de dictature. Ce nationalisme est pourtant bien vivace et s’impose – si besoin avec violence – aux autres peuples qui composent l’Espagne, sans oublier l’Amérique latine.

Nationalisme de riches ?

Certains disent que l’autodétermination de la Catalogne se fait sous la pression égoïste des riches qui ne veulent plus être solidaires du reste de l’Espagne, en particulier de ses régions les plus pauvres comme l’Andalousie. Le lien est donc facile à faire avec la N-VA et le Vlaams Belang en Flandre. Il existe en effet un nationalisme de ce type, mais ce n’est pas le courant majoritaire. La bourgeoisie catalane, ses organisations et ses personnalités les plus importantes, se sont clairement positionnées contre l’indépendance et font campagne en ce sens. Elles ont d’ailleurs agi en conséquence en délocalisant les sièges sociaux de centaines d’entreprises en dehors de la Catalogne.

A l’heure actuelle, le mouvement dominant en Catalogne est celui d’une aspiration démocratique profonde dénonçant un gouvernement espagnol de droite ainsi qu’un appareil d’Etat qui interfère systématiquement avec l’autonomie catalane. Cet appareil d’Etat nie les libertés démocratiques et ignore le droit à l’autodétermination. Ces dernières années, les Catalans ont subi toute une série de petits (et grands) harcèlements et humiliations de la part du régime de 1978 (voir plus loin dans l’article pour plus d’explications) qui a contribué à la naissance d’un sentiment de discrimination national et culturel. Avec la crise économique, ce sentiment n’a fait que se renforcer.

Le parlement Catalan a ainsi voté ces dernières années une série de lois (une soixantaine) qui ont toutes été annulées par la Cour Constitutionnelle suite à des plaintes du Parti Populaire (Partido Popular). Toutes ces lois avaient un caractère progressiste (contre les expulsions de logement, contre la pauvreté énergétique, pour un plafonnement des loyers etc.)

La « constitution » Catalane, l’Estatut de 2010, établissait dans son préambule que la Catalogne est une « nation » là où la constitution espagnole parle d’une « nationalité ». Cette partie a elle aussi  été annulée par la Cour Constitutionnelle.

Il y a également eu des cas de personnes interpellées par la police nationale (espagnole) car elles lui parlaient en Catalan.

Mais plus important encore, il existait un espoir d’inversion politique et de profonds changements dans tout le pays lors des élections du Parlement national en 2015 et 2016. La Catalogne a voté principalement pour la gauche, c’est à dire pour le ECP, une alliance entre le parti de la bourgmestre de Barcelone (Ada Colau), Podemos et ICV. La frustration a donc été grande lors de la mise en place du gouvernement minoritaire de la droite espagnole avec le PP et Ciudadanos. La seule issue que les Catalans voient en ce moment pour se libérer du régime de 1978 est donc… l’indépendance.

Avec le référendum du 1er octobre, c’est avant tout une aspiration démocratique et un vote pour la république qui s’est exprimé chez les Catalans. Il est tout à fait remarquable que, cette fois-ci,  des électeurs venant de quartiers peuplés d’immigrés espagnols intérieurs se soient  aussi exprimés pour le ‘oui’. C’est extrêmement progressiste. Les pompiers et les dockers se sont également mobilisés dans la rue afin d’y faire campagne pour le « Si ». Comment ce mouvement pourrait-il être celui de riches catalans égoïstes alors que les syndicats et les organisations de gauche ont manifesté ces dernières semaines dans toute  l’Espagne en appelant à la solidarité ? Si le contenu de ce vote n’était pas de gauche, pourquoi le député Diego Canamero, leader des travailleurs agricoles pauvres d’Andalousie, aurait-t-il pris position pour le « Oui » ? Pourquoi le Sindicato Andaluz de Trabajadores (qui s’occupe principalement des travailleurs agricoles pauvres) soutiendrait-il l’autodétermination des Catalans ?

La constitution de 1978

La constitution de 1978 ne reconnait pas la possibilité d’un référendum pour l’autodétermination. Un tel référendum n’est donc pas légal (même s’il reste tout de même bien démocratique).  Il y a en fait une bonne (en réalité une mauvaise) raison à cette interdiction. La constitution organise une soi-disant transition de la dictature de Franco à une démocratie parlementaire bourgeoise LIMITEE. Cependant, la constitution, tout comme le système juridique, contient encore des lois qui ont été des éléments constitutifs de la dictature de Franco. Ce régime a d’ailleurs été particulièrement remis en question dans la rue ces dernières années. Les principales caractéristiques de cette constitution sont :

  1. La famille royale, qui a réussi à s’imposer grâce à un soulèvement militaire fasciste et une longue et sanglante guerre civile dans les années 1930.
  2. L’unité et l’indivisibilité de l’Espagne, garantie par l’armée. Quand on sait qu’il existe un nationalisme espagnol autoritaire et réactionnaire qui s’impose aux autres peuples et  nations (comme les Basques, les Andalous, les Galiciens, les Catalans) qui composent l’Etat espagnol, on comprend ce que signifie réellement cette constitution : elle représente le déni d’une demande historique de la part de la gauche en Espagne pour le droit à l’autodétermination des peuples (cette demande figurait dans le programme du PSOE dans les années 1970).
  3. Une amnistie totale pour toutes les personnes responsables de 40 années de crimes, de tortures, de répressions, de meurtres etc. pendant la dictature. Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre eux ont conservé leur place, leur fonction et leurs privilèges dans l’appareil d’Etat. En d’autres termes, l’appareil d’Etat n’a jamais été nettoyé des partisans du Généralissime Franco. Amnesty International combat d’ailleurs cette loi d’amnistie depuis des années en Espagne.

Ce régime de 1978 vit ses derniers instants. Partout en Espagne, et particulièrement parmi les jeunes, il est remis en question. Le mouvement des Indignés a également contesté profondément ces institutions. C’est désormais le cas en Catalogne.

Pour toutes ces raisons, les gauches de Flandre, Bruxelles et de Wallonie auraient tout intérêt à soutenir la lutte démocratique des Catalans pour une république indépendante et à la voir comme un premier pas vers une république fédérale dans toute l’Espagne. C’est un moyen d’affaiblir la droite et de se débarrasser du gouvernement de Rajoy.

En tant que Marxistes, nous donnons naturellement une nature sociale (c’est-à-dire anticapitaliste) et socialiste à cette république. C’est pourquoi tout bon démocrate doit réagir avec horreur à l’application de l’article 155 de la constitution, véritable coup « constitutionnel » contre la Catalogne

Europe : s’adresser directement aux gens


Article de Pierre Defraigne à lire ici

 

et réponse de Philippe Grell

Cher Monsieur Defraigne,

La thérapie de choc consistant à s’adresser directement aux citoyens me paraît effectivement indispensable pour une remise en confiance de l’opinion et une reprise de sens du projet européen.

Mais comme vous le dites très bien, il y aurait lieu de bien préparer l’opinion et de fixer des modalités concrètes pour limiter les risques de la démocratie directe.

Et « la consultation populaire devrait porter sur des questions politiques préalables à une révision des Traités ».

Cela me rappelle la consultation populaire du G1000 en Belgique à laquelle j’avais participé lors de la crise des 538 jours sans gouvernement.

Mais nous sommes à une époque où les choses changent rapidement et où nous devons faire face à des conditions inéluctables telles que le réchauffement climatique, la pollution de notre planète et la limite de ses ressources. Cela nous amène à des choix précis sous peine de disparition de notre espèce.

– pour moi, il n’est plus possible de rêver à une Europe « grande puissance économique » située entre les USA et les BRICS dans un « Grand Marché concurrentiel mondial ». Mais bien comme une « grande puissance humaniste » mettant La Vie au sommet de ses valeurs et tout le reste au service de la protection et de l’épanouissement de la vie (ce n’est d’ailleurs que revenir aux « fondamentaux » de notre civilisation judéo-chrétienne et des Lumières);

– il n’est plus possible non plus dans nos pays développés de rêver à une croissance économique continuée mais bien à une meilleure répartition des richesses assurant à tous les européens une vie humaine digne (nous avons en effet atteint pour la plupart un niveau de vie suffisant, que les autres continents nous envient) ;

– notre activité économique, visant à maintenir ce niveau de vie, devrait se concentrer principalement sur la créativité et l’innovation de biens « durables et recyclables » dans de petites et moyennes entreprises à taille humaine. Cela signifie : fermer la porte aux multinationales qui ne mettent pas le bien-être de leurs employés au pinacle de leur raison sociale et aux industries alimentaires qui barrent la route à l’agriculture de proximité (voir le film « Demain ») ;

– excepté en cas de survie, je pense que le travail n’a plus pour but principal de « gagner sa vie » mais bien d’épanouir sa personnalité au service de la société. Et que la qualité d’une personne ne se mesure pas à la hauteur (parfois invraisemblable) de la rémunération qu’on lui octroie (valeur spéculative sur le marché du travail) mais à ses dons propres et compétences acquises qui sont valeurs humaines non monnayables ;

– il me semble indispensable pour l’Europe d’investir davantage dans l’éducation et l’instruction de ses ressortissants et dans la création pour eux d’emplois « outremer » visant à aider les populations autochtones à faire advenir dans leurs pays « en voie de développement » une économie capable de leur assurer un niveau de vie suffisant (il y aurait par le fait même moins de demandeurs d’asile en Europe – ce serait aussi prendre en charge officiellement ces ONG qui n’existent que comme palliatifs aux carences gouvernementales) ;

– nous devrions aussi veiller à une indépendance augmentée vis-à-vis des États-Unis et de l’OTAN et avoir notre propre politique internationale européenne unifiée (et ne plus voir deux pays européens qui disent « non » à Erdogan et un autre qui dit « oui » !) ;

– en ce qui concerne une armée européenne, je suis forcé de revoir mon opinion : de moins en moins d’européens sont prêts à « sacrifier leur vie pour leur pays » et certainement pas pour aller mener une guerre en-dehors de l’Europe. Même les troupes de l’ONU ne risquent plus leurs vies pour maintenir la paix mais s’enrôlent pour des soldes et des missions intéressantes ;

– s’il est bien dans la vocation européenne de protéger à vie, il serait temps aussi de renoncer à la fabrication d’engins qui n’ont pour but que de tuer ; cela ne peut éventuellement se justifier que pour la légitime défense en cas d’envahisseurs armés.

Philippe Grell

 

L’Europe entre partenariat atlantique et allégeance : le véritable enjeu du TTIP


Madariaga Newsletter: May

Jeudi 12/05/2015

 

 

Par Pierre Defraigne Directeur exécutif du Centre Madariaga – Collège d’Europe

Directeur Général honoraire à la Commission Européenne

 

Monsieur le Ministre d’État, Cher Professeur Wathelet,

Mes premiers mots à cette tribune seront pour vous exprimer ma gratitude de me donner ce soir l’occasion de parler aux étudiants de cette chère et vieille Alma mater liégeoise, où j’ai subi le baptême du feu universitaire, voici un demi-siècle. Qui plus est, je parle d’Europe sous l’égide de notre illustre ainé, Jean Rey, grand Liégeois et grand Européen au destin prestigieux et tellement singulier puisqu’il est passé des camps nazis, de 1940 à 1945, à la Présidence de la Commission européenne vingt ans plus tard. Et quel grand Président de la Commission il fût ! Les jeunes Liégeois au moins doivent le savoir et Liège gagnerait sûrement à tirer une plus grande fierté d’avoir donné un Jean Rey à l’Europe.

C’est le mérite des Conférences Jean Rey de l’ULg de cultiver la mémoire de ce grand Européen. Merci de m’avoir fait cet honneur.

Mesdames, Messieurs, Chères étudiantes, Chers étudiants,

Je ne suis pas venu ce soir pour vous divertir, quoique vous en ayez sans doute bien besoin après une longue journée de cours et d’exercices pratiques. Je ne suis pas non plus venu pour vous dire ce que vous avez à penser, mais simplement pour passer une consigne d’une génération à l’autre. Elle est celle-ci : ne vous laissez pas intimider, ne vous laissez pas endoctriner, ne cédez pas à la doxa commune, osez penser l’Europe par vous-même. Mon rôle ce soir sera d’éclairer la route, à ma manière. Je ne détiens pas la vérité. Je vous propose un point de vue réfléchi et informé. À vous d’en faire l’usage qu’il vous plaira. Mais de grâce, ne restez pas dans votre coin. Pensez, débattez, agissez ensemble, à la fois individualités singulières et membres d’une communauté, et en tous les cas acteurs d’un projet collectif !

 

  1. LA GRANDE PEUR DE L’EUROPE

 

Notre vieille et chère Europe est en route vers son unité depuis la fin de l’Empire romain. L’Europe est née dans la matrice de la Chrétienté au haut Moyen-âge ; elle a été éveillée à la modernité par la Renaissance et s’en est faite la championne dans le monde avec la Révolution industrielle, le capitalisme et l’État de droit à l’époque des Lumières et des Encyclopédistes. Elle a été contrainte à la justice sociale par les luttes ouvrières au XIXème siècle qui ont pavé le chemin vers la démocratie. Elle a subi au XXème siècle le fer et le feu dans le choc apocalyptique de deux utopies totalitaires – nazisme et stalinisme – avant d’advenir au terme de la seconde guerre mondiale comme projet politique organisé, comme utopie nouvelle pour notre temps. Aujourd’hui pourtant, l’UE vacille au moment même où s’ébranlent et s’entrechoquent les plaques tectoniques de la géopolitique du monde. Mais au fait, de quelles plaques tectoniques s’agit-il ?

D’abord, le capitalisme démocratique occidental est en crise systémique – croissance bloquée – et désormais exposé au schisme du capitalisme autoritaire en émergence en Asie, lui-même fragilisé par le ralentissement de l’économie mondiale.

Ensuite, la géopolitique du monde a été bouleversée par l’effondrement de l’URSS et par la Renaissance massive et fulgurante de la Chine tandis qu’aujourd’hui la rébellion islamiste radicale contre l’ordre occidental crée l’insécurité au cœur de notre continent. Enfin, le climat et l’environnement sont sévèrement affectés par la croissance démographique et surtout par la convergence économique qui se fait jour enfin entre Est et Ouest et entre Nord et Sud par l’effet de la globalisation. La planète est en danger.

 

L’Europe, en crise existentielle

 

Un vide stratégique s’ouvre donc devant l’Europe et face à ces bouleversements, face à des choix stratégiques fondateurs, on veut nous faire peur, on veut nous faire croire que l’Europe ne peut pas s’en sortir seule et qu’elle n’a d’autre alternative que de pousser plus loin son partenariat stratégique exclusif avec les États-Unis en construisant avec eux un marché intérieur transatlantique qui viendra compléter l’alliance militaire de l’OTAN. Nous voulons construire une Europe politique singulière et autonome et on nous embarque dans un condominium transatlantique censé organiser un ordre mondial nouveau. C’est en effet ce projet d’inféodation de l’Europe, au moment même où elle s’approche de son unité politique, qui se profile derrière l’acronyme TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership)

Ceux qui nous engagent dans cette voie ramènent en fait l’Europe à un marché. Ils ne ressentent pas le besoin pour l’Europe de s’accomplir comme une civilisation en marche, comme ensemble politique continental avec pour ambition, pour rêve collectif, de pousser plus avant les valeurs qui sont les nôtres : la dignité irréductible de l’être humain, la liberté et sa sœur jumelle la justice, la solidarité, et aujourd’hui bien sûr, la responsabilité environnementale. Ceux-là ne voient pas non plus le formidable potentiel économique, politique et stratégique d’une Europe politique unie. Ceux-là, je le crains, en réalité ne font pas confiance à l’Europe. Ils ne font pas confiance à votre génération, à laquelle il revient pourtant de prendre le relais pour transformer l’essai européen. Le défi est énorme, car l’Europe traverse aujourd’hui une crise existentielle et la tentation est forte de renoncer et de transformer subrepticement l’Alliance atlantique en allégeance stratégique et politique vis-à-vis de Washington pour finalement livrer le marché européen aux grands oligopoles américains et aux lobbys qui, hélas, dominent aujourd’hui Washington.

 

L’édito du Monde de vendredi dernier évoquait la désintégration de l’Europe. Aujourd’hui, Sylvie Kauffmann écrit dans le même journal sous le titre Les Somnambules :

« L’historien Christopher Clarke a brillamment décrit, dans son livre Les Somnambules (Flammarion, 2013), la marche des puissances européennes vers la guerre, les yeux fermés, au cours de l’été 1914. Un siècle plus tard, le même aveuglement semble frapper les Etats membres de l’Union européenne face à la crise migratoire. Somnambules du XXIe siècle, ils se transforment en fossoyeurs inconscients de leur propre Union, cette organisation -unique au monde, bâtie pour conjurer les fantômes de la seconde guerre mondiale.

Au Forum économique de Davos, en janvier, des dirigeants européens ont tiré le signal d’alarme et répété en chœur que cette crise-là ne pouvait se régler qu’avec  » plus d’Europe « . Puis ils sont repartis chez eux et se sont attelés à faire  » moins d’Europe « . Chacun voit midi à sa porte ; l’indispensable sursaut collectif qui prendrait la mesure d’un phénomène migratoire massif et durable paraît impossible. Pris de panique, tétanisés par la montée des mouvements populistes et les échéances électorales, de plus en plus d’Européens, qui ont eux-mêmes autrefois émigré par vagues immenses, dressent de nouvelles frontières entre eux, redessinant une Europe d’antan, au lieu d’organiser ensemble une frontière commune extérieure. »

 

Wolfgang Münchau, quant à lui, dans le Financial Times de ce matin écrit « Europe enters the age of desintegration ».

 

Dès lors que se fait jour ce pessimisme nouveau dans ces journaux de référence sous des plumes qui font autorité, je vous pose d’emblée une question simple : cette Europe-là, divisée sur les réfugiés, sur l’austérité, sur le Brexit, sur les frontières, sur le modèle social, sur la forme institutionnelle finale et sur l’autonomie stratégique, cette Europe-là est-elle en état de négocier le TTIP ? Doit-elle mener aujourd’hui jusqu’à son terme une négociation engagée avec les États-Unis pour créer un grand « marché intérieur transatlantique », selon le mot du Commissaire au Commerce Karel De Gucht, un TTIP qui serait en même temps un « OTAN économique » pour Hillary Clinton, dirigé contre la Chine selon Barak Obama ? En outre, et surtout, le TTIP est-il un bon deal pour l’Europe ? C’est la question dont nous allons débattre ce soir.

 

  1. JAMAIS PLUS NÉCESSAIRE, JAMAIS PLUS FRAGILE : LA TENTATION ATLANTISTE.

 

Jamais l’Europe n’a été plus nécessaire, jamais elle n’a été aussi fragile. Du coup, le traité commercial transatlantique en négociation suffirait à décrocher l’Europe de sa trajectoire vers l’unité politique pour la placer sur une orbite de dépendance excessive vis-à-vis de Washington. En d’autres mots, le remède proposé par le Conseil européen du 13 juin 2013 en lançant la négociation du TTIP serait pire que le mal. Loin de le guérir, il handicaperait le patient à vie. L’Europe renoncerait à l’espoir d’un partenariat d’égal à égal avec l’Amérique pour se diluer dans un espace atlantique dominé par Washington.

L’Europe n’a jamais été plus nécessaire parce qu’avec la globalisation, le monde a changé d’échelle. D’abord les firmes globales prennent rang parmi les États et arbitrent, par leurs investissements entre leurs régimes fiscaux et environnementaux. Viennent aussi et surtout s’ajouter aux deux superpuissances d’hier, l’Amérique et la Russie, de vastes États continentaux comme le Brésil, l’Inde, le Nigéria, l’Indonésie et la Chine. La montée de la Chine en particulier a fait basculer le centre de gravité du monde vers l’Asie et, par sa masse et la vitesse de sa croissance, a ressuscité le vieux dilemme malthusien, c’est-à-dire le conflit entre rareté des ressources – climat, océans, biodiversité – et convergence économique entre les pays émergents d’Asie et les pays avancés occidentaux. Nos trois plus grands États-membres de l’Union européenne – le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France – sont plus petits que les plus grandes provinces chinoises. Très vite, les Européens ne compteront plus dans le monde s’ils ne réalisent pas l’unité de leur continent. Les États-membres sont au mieux des puissances moyennes. La mondialisation appelle donc une Europe unie, non plus seulement sur un marché qui, en temps de crise, s’avère facteur de divergences internes, mais sur un projet politique qui vise à traverser la crise ensemble et à en sortir par le haut.

L’Europe n’a jamais été plus fragile. D’où lui vient donc cette fragilité ? D’abord de sa schizophrénie originelle par laquelle elle a abandonné sa sécurité à l’OTAN et a confié son intégration économique à la CEE. Or, sans défense commune, il n’est pas de politique étrangère possible, seulement une coordination diplomatique. Ensuite, l’Europe économique souffre de plusieurs défauts structurels de construction : ainsi du marché unique encore inachevé : sans politique industrielle commune, il n’y a toujours pas de champions industriels européens à l’exception d’Airbus. Il en va de même pour la monnaie : l’euro restera une « orphan currency » aussi longtemps que l’Allemagne n’aura pas cédé sur la tranfer union, c’est-à-dire sur la création d’un budget fédéral. Enfin, l’élargissement a renforcé l’Europe, certes, mais au prix d’une hétérogénéité ingérable. Ce fut d’emblée vrai de la Grande-Bretagne, entrée à contrecœur en 1973. Mais c’est vrai aussi, pour d’autres raisons, des dix nouveaux États-membres du Centre et de l’Est de l’Europe. Aujourd’hui, il y a bien un désaccord au sein de l’UE-28 sur ses frontières définitives, son modèle social, ses institutions à finaliser et son degré d’autonomie stratégique par rapport à Washington.

En réalité, nous vivons l’échec de ce qui a trop longtemps été une Europe-marché. Confinée à l’économie, elle est portée par des forces centripètes lors des phases de croissance économique, mais minée par des forces centrifuge lorsque survient la crise. L’Europe-marché en crise se condamne en effet à la rivalité des États

Face à ce questionnement existentiel, le TTIP apparait aujourd’hui comme une fuite en avant, signe du désarroi profond des élites européennes. Deux enjeux sont au cœur du TTIP : d’une part le modèle européen menacé par l’hégémonie des oligopoles américains sur un marché intérieur transatlantique et, d’autre part, la paix du monde, menacée par une rebipolarisation du monde entre Chine et États-Unis dont le TTIP constitue un prolégomènes.

S’en remettre à l’Amérique devant les défis de la crise et de la géopolitique est pour nombre de dirigeants européens une tentation permanente, quasiment de l’ordre du réflexe pour certains. Certes, ils devraient être les premiers à savoir que les Européens ont tout pour se sortir d’affaire d’abord par eux-mêmes, pourvu qu’ils se rassemblent sur un projet. Mais en même temps ils doutent justement de la capacité des Européens à se rassembler. Alors pourquoi ne pas s’en remettre simplement à l’Amérique ? Je récuse pour ma part cette tentation atlantique parce que ce choix n’en est pas un : l’Amérique ne sera une alliée véritable pour l’Europe si et seulement si l’Europe a la capacité de se rassembler et lui dire « non » et ainsi de l’influencer autant que l’Amérique l’influence.

L’Europe sera d’ailleurs plus utile à l’Amérique si elle est forte et si elle lui dit non que si elle devient la comparse des errements de l’Amérique, comme elle l’a été, par défaut et du fait de la défection de Tony Blair, dans la guerre d’Irak dont nous ne finissons pas de payer les conséquences avec l’afflux des réfugiés et la menace djihadiste, dont les États-Unis sont préservés.

 

III. LE FAUX DÉBAT DU LIBRE-ÉCHANGE ET DE L’ANTIAMÉRICANISME

 

Le libre-échange doit être accompagné

 

Le libre-échange va de soi pour l’Europe. Il n’est pas d’autre choix pour une économie de transformation sans guère de ressources. Le libre-échange assure en effet l’approvisionnement de l’Europe en ressources naturelles et en technologies ; il est source de diversité pour le consommateur. Mais l’efficacité du libre-échange n’est maximale que si le contexte économique est celui du plein emploi et que si les secteurs libéralisés sont soumis à la concurrence. Relaxez ces conditions et les conséquences de la libéralisation deviennent plus incertaines. Or l’eurozone se trouve en situation de chômage structurel à deux chiffres tandis que les firmes oligopolistiques américaines dominent dans les secteurs clés soumis à l’ouverture.

En réalité, le libre-échange est pareil à de la dynamite. Il peut ouvrir des routes ou provoquer des effondrements ; il peut d’une part augmenter le bien-être moyen et d’autre part détruire le tissu industriel au point de déchirer la trame sociale. Car il y a toujours des gagnants et des perdants au libre-échange : tantôt des États, tantôt des groupes sociaux. D’où l’importance qu’il y a à mettre en place des politiques d’accompagnement de la libéralisation commerciale : politiques industrielles d’une part pour soutenir l’innovation ; politiques sociales d’autre part allant de la sécurité sociale à l’éducation et à la formation en vue de faciliter en permanence les ajustements nécessaires. La subsidiarité se révèle ici un piège pour l’Europe, car la division du travail entre l’Union européenne et ses États-membres rend jusqu’ici impossible une action d’accompagnement du libre-échange au niveau européen. L’Europe fait en effet du libre-échange tandis que ce sont les États-membres qui prennent le social en charge. Mais, plus grave encore, personne ne s’occupe de politique industrielle, interdite aux États et refusée par l’UE tandis qu’il n’y a par ailleurs ni harmonisation fiscale, ni harmonisation sociale entre États-membres. Du coup, face au libre-échange, il n’y a pas de solidarité en Europe. Au contraire, il y a rivalité industrielle entre États et course au moins-disant social et fiscal.

 

L’Amérique cette inconnue

 

L’Amérique est à la fois la fille ainée et la mère de l’Europe. En effet, d’un côté l’alliance entre nos deux continents remonte à l’indépendance américaine obtenue avec le concours de La Fayette. De l’autre, les États-Unis ont été, à travers le Plan Marshall, l’acteur le plus décisif dans la construction européenne en l’aidant à la reconstruire, à l’unifier et à la protéger. L’histoire de la relation entre l’Europe et les États-Unis est ponctuée de moments forts, tantôt stratégiques, tantôt économiques. L’Amérique est venue à notre rescousse en 1917 et en 1944 ; elle nous a protégé de l’URSS hier et nous protège en Ukraine et face à Daesh aujourd’hui. Les multinationales américaines ont joué un rôle clé dans la reconstruction et la modernisation de l’Europe à travers leurs investissements directs et les transferts de technologies dans l’après-guerre. L’Amérique, destinée à rester longtemps encore la première puissance technologique du monde, est aujourd’hui source d’innovations, d’idées et de modes pour le monde, aussi pour l’Europe.

Mais trois différences majeures séparent l’Amérique de l’Europe. D’abord l’équilibre entre capitalisme et démocratie y est différent avec deux conséquences : d’un côté l’emprise du capital sur le politique a toujours été, effective à travers le financement des campagnes électorales et la tradition du spoiled system et des revolving doors, entre Wall Street et Washington. De l’autre, la vision néolibérale, c’est-à-dire la préséance donnée au marché sur le politique et à celle de la finance sur l’économie réelle, a profondément imprégné l’Amérique des trois dernières décennies à partir de Reagan. C’est ainsi qu’un Président démocrate, Bill Clinton, a aboli en 1999 le Glass-Steagall de 1933, et mis fin à la séparation entre les banques de dépôts et des banques d’investissement. Cette séparation a nourri la spéculation, l’un des facteurs-clé de la crise. Ce sont Bill Clinton, et Georges W. Bush après lui, qui ouvrent les premières vannes du crédit immobilier aux emprunteurs pauvres pour compenser la stagnation des salaires réels, sans considération de patrimoine, d’emploi ou de revenus (les prêts NINJA). C’est un Président de la FED, Alan Greenspan, républicain et libertaire convaincu, qui accompagne, par une politique monétaire laxiste, les bulles immobilières et boursières – ce qui lui vaut d’abord le surnom de magician – avant leur éclatement en 2008, déstabilisant l’économie mondiale avec des coûts énormes pour l’Europe, l’Amérique latine et même pour la Chine. L’eurozone quant à elle ne s’est pas encore remise de la crise du 15 septembre 2008 de Wall Street.

Ensuite, la société américaine est plus inégalitaire et plus raciste, et donc moins solidaire et plus violente. La division de la société américaine se reflète dans le clivage partisan. Ainsi, nous avons vécu en direct dans les médias le blocage du budget fédéral par les Républicains, la fermeture des administrations publiques (le shutdown) pendant plusieurs jours, faute de pouvoir payer les salaires des fonctionnaires ; nous avons également vu les Républicains laminer l’Obamacare avec pour résultat aujourd’hui une Amérique bloquée par le clivage partisan entre néoconservateurs et démocrates, et par le clivage entre Présidence et Congrès. Un duel Trump-Clinton serait à cet égard emblématique.

Enfin s’ajoute l’obsession hégémonique américaine devant l’émergence de la Chine, bientôt première économie – en taille – du monde, et bientôt dotée, elle aussi, d’une Blue Navy qui transformera une puissance jusqu’ici continentale en puissance globale capable de rivaliser avec les États-Unis. Les néoconservateurs américains voudront alors sauvegarder à tout prix leur supériorité stratégique. Ces Américains-là n’acceptent pas de pairs, ils ne veulent que des alliés dociles : des « coalitions of the willing ». L’Amérique cherche donc, sous l’impulsion de ses faucons, à construire des alliances garantissant la pérennité de son hégémonie stratégique et économique dont une articulation entre l’OTAN et le TTIP formerait le socle.

 

  1. TTIP, UN PIÈGE POUR L’EUROPE

 

Qu’est-ce que le TTIP ?

 

Il n’est pas évident d’apercevoir le véritable piège que constitue le TTIP pour l’Europe. Les 28 Chefs d’État et de Gouvernement de l’UE ont en effet endossé à l’unanimité le 14 juin 2013 la proposition de la Commission d’ouvrir des négociations sur le TTIP. Comment se seraient-ils fourvoyés à ce point ! On n’échappe pas à une évaluation rigoureuse en profondeur, car la question du TTIP est à la fois très complexe et très fondamentale. Je procéderai en trois temps: l’analyse, la critique, la proposition

Aux dires des négociateurs, le TTIP formerait une zone de libre-échange de 820 millions de consommateurs, avec près de la moitié du PIB mondial – aujourd’hui en recul relatif – et un tiers du commerce mondial. Ils y voient un facteur de croissance interne et de puissance – conjointe – dans le monde. Qu’en est-il ?

Une zone de libre-échange standard vise d’abord à la réduction, voire à l’élimination des tarifs et des contingents ou quotas entre partenaires. Ceux-ci s’accordent ainsi une préférence mutuelle aux dépens des pays tiers. Mais le TTIP va bien plus loin que l’élimination des obstacles à la frontière, c’est-à-dire la baisse des tarifs, l’accès réciproque aux marchés publics et la libéralisation des services.

Le TTIP est différent parce qu’il va bien au-delà. Il franchit la frontière entre une zone de libre-échange et un marché intérieur, en introduisant une convergence des normes réglementaires et des standards techniques et à travers soit une harmonisation, soit une reconnaissance mutuelle. Ces normes visent en principe à la précaution au bénéfice du consommateur, de l’environnement ou du travailleur mais elles servent parfois aussi à la protection du producteur. Elles couvrent tous le champ des préférences collectives : la santé, l’environnement, les droits des travailleurs, la culture, la santé, l’éducation les services publics. Leur convergence est censée faire baisser les coûts fixes et les formalités liées aux différences de législation entre les États-Unis et l’Europe. Il s’agit d’abord de faire converger les normes entre Amérique et Europe. Mais il s’agit aussi pour la coalition atlantique de produire des normes globales pour les imposer au reste du monde, à commencer par la Chine.

Le TTIP va encore plus loin. Il définit des règles pour des politiques connexes décisives pour le fonctionnement du marché : la protection de la propriété intellectuelle, la concurrence, l’investissement, les droits des travailleurs et l’environnement.

Enfin, le TTIP introduit deux instances institutionnelles de première importance : l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement) et le Conseil de coopération réglementaire. Le premier est un tribunal – au départ privé et en passe de devenir public du moins si les États-Unis acceptent la nouvelle formulation de la Commission – qui ouvre aux multinationales américaines le droit de contester le pouvoir législatif des États et de l’UE, droits qui ne seront pas ouverts aux firmes locales, et d’obtenir des dommages et intérêts considérables lorsqu’une législation affecte leur rentabilité ; le second doit garantir la permanence de la convergence, par un effet de cliquet : on ne revient pas en arrière sur les législations harmonisées et on se concerte pour de nouvelles harmonisations.

Cette brève description vous a déjà mis la puce à l’oreille. Vous avez déjà compris que le TTIP n’est pas un simple accord commercial.

La nasse dans laquelle le projet européen viendrait s’engouffrer est, au départ, très large et a priori sans danger. Il s’agit en effet de libre-échange, en soi une bonne chose pour la majorité d’entre nous, et qui plus est avec l’Amérique, notre libératrice en 1944-45, notre alliée dans la guerre froide et à nouveau aujourd’hui face à Poutine et Daesh. Arrimer davantage nos économies, pourquoi pas? On fait d’une pierre deux coups, non? On consolide l’Alliance atlantique et on donne un coup de fouet à nos exportations et à l’emploi. Tel est le réflexe dominant qui a prévalu dans le milieu politique jusqu’ici. Certes des ONG renâclent contre les OGM, le bœuf aux hormones, le poulet chloré, les arbitrages privés des multinationales contre les Etats. Tout cela heurte et inquiète une partie – croissante – de l’opinion. Mais des assurances sont données par la Commissaire Malmström : on ne retiendra que les normes les plus élevées ; on remplacera les arbitres privés par des juges publics ; les services publics seront préservés ; il y aura une exception culturelle ; les PME seront particulièrement avantagées par la simplification des procédures bureaucratiques. Que croire?

 

  1. LA CRITIQUE DU TTIP

 

Ma critique du TTIP est radicale, elle est à charge. Non que je ne reconnaisse aucun mérite au TTIP : il y aura des gains pour l’Europe et il y aura des gagnants en Europe. Mais la propagande menée de concert – mano a mano – par la Commission et par les lobbys américains qui mobilisent depuis trois ans médias, think tanks et même milieux académiques en quête de financements, pour asséner tous azimuts, 24h sur 24, un point de vue pro-TTIP, m’a amené quant à moi, qui ai peut-être un esprit critique plus aigu que les Chefs d’État et de Gouvernement, à me porter à la contre-gîte. Car je ne vois pas le TTIP comme un sujet de discussion pour le dimanche après-midi, ou pour le café du commerce ; je l’analyse comme une offensive frontale contre le modèle européen et contre l’autonomie stratégique de l’Europe. J’y vois la transformation d’une alliance stratégique, nécessaire et utile, entre USA et Europe, à travers l’OTAN, en une allégeance plus large et plus profonde, qui conduit à l’assujettissement de l’Europe. Je n’hésite pas pour ma part à voir le TTIP comme un renoncement à l’espoir de construire l’unité politique de l’Europe. Elle deviendra impossible. Elle ne sera même plus nécessaire. Le projet atlantique se sera substitué au rêve européen. Pourquoi ? Parce-que selon ses promoteurs mêmes, le TTIP est un « accord vivant ». C’est la justification qu’ils avancent pour excuser la modestie des résultats à attendre dans un premier temps. Car le plus gros reste à venir plus tard, dans la durée, par le jeu des mécanismes de coopération et de consultation mise en place. Le TTIP qui se profile aujourd’hui n’est, pardonnez-moi le jeu de mots que le « tip of the iceberg », c’est la tactique du pied dans l’ouverture de la porte que pratiquent les démarcheurs à domicile. Ma radicalité n’est donc pas subjectivité ou fermeture d’esprit, elle répond au poids des enjeux ; elle vise à secouer la nonchalance, l’irréflexion, l’aquoibonisme qui sévissent trop souvent dans notre société européenne inquiète et désabusée. C’est maintenant qu’il faut s’arracher de l’ornière où le TTIP est en train d’entrainer l’Europe. C’est maintenant qu’il faut comprendre

Cette semaine commence la douzième session de négociation du TTIP[1]. Les partenaires mettent les bouchées doubles. Il s’agit de conclure avant le départ d’Obama en décembre prochain. C’est une course contre la montre qui est engagée. C’est maintenant, si vous en êtes convaincus, qu’il faut dire non au TTIP. Il faut peser sur Strasbourg et forcer le Parlement européen à prendre une position claire sur le TTIP – oui ou non – et d’en finir avec les jeux trop subtils des lignes rouges et des conditions à la ratification. Une fois les signatures apposées par les 28 Chefs d’État et de gouvernement, la ratification par les Parlements se fera. Les pressions des capitales sur les parlementaires européens se feront trop fortes – c’est aujourd’hui qu’il faut forcer les pro-TTIP à reculer !

Le TTIP, je l’ai dit, n’est pas un accord commercial et ne devrait donc logiquement pas être négocié selon les procédures de la politique commerciale laquelle appelle avec raison le secret sur les lignes rouges des partenaires jusqu’à la dernière heure du dernier jour. Mais le TTIP n’est pas un accord commercial. Il est, je le répète, « un marché intérieur transatlantique » et « un OTAN économique ». Trois objections doivent être opposées au TTIP.

 

  1. L’asymétrie une négociation du faible, l’UE-28, au fort, les USA

 

D’abord saute à l’évidence l’asymétrie de la négociation entre la première puissance du monde et une coalition lâche à géométrie variable entre 28 États souverains rassemblés par le lien juridique solide mais ténu de la politique commerciale commune. Cette asymétrie est déjà perceptible dans la précipitation mise par les Chefs d’État et de Gouvernement d’engager la négociation en juin 2013 suite au choix stratégique de Barack Obama d’aller vers un « pivot asiatique ». L’Europe se précipite aux basques du Président américain, qui ne cache pas un fort tropisme pacifique et se détourne d’elle en s’engageant dans la négociation d’un partenariat avec onze pays de la région, Chine exceptée[2]. L’Europe redoute soudain d’être laissée face à face avec la Russie dans la crise ukrainienne. Le TTIP est donc une façon de retenir l’attention de Washington. Mais le TTIP convient surtout à une certaine Allemagne, toujours obsédée par sa politique mercantiliste d’accumulation de surplus extérieurs démesurés : comme la demande pour les produits allemands faiblit dans le Sud de l’Europe en raison des politiques d’austérité salariale et budgétaire, imposée par Bruxelles à l’instigation de Berlin, la Chancelière Merkel pousse à un deal atlantique avantageux pour ouvrir d’autres marchés à l’automobile et à la chimie allemandes. La Grande-Bretagne et les pays baltes et ceux de Višegrad embraient le mouvement d’autant plus facilement qu’ils sont acquis à la cause atlantique, parfois davantage qu’au projet européen.

Mais l’asymétrie de la négociation tient surtout à des facteurs structurels et institutionnels qui assurent la maitrise américaine, sinon de la négociation elle-même – les négociateurs européens sont franchement les meilleurs – en tous les cas du rapport économique entre USA et UE. Malgré que celle-ci ait un poids démographique supérieur et un poids économique équivalent, elle est fortement handicapée par plusieurs facteurs : c’est d’abord un marché américain unifié alors qu’il reste inachevé en Europe dans des secteurs stratégiques comme les télécommunications, le numérique, l’énergie, les services financiers, les industries de défense ; c’est une monnaie unique, le dollar, monnaie du monde, contre dix monnaies pour l’UE-28 ; c’est une avance technologique américaine dans les secteurs de pointe où le marché commun reste justement inachevé ; c’est une dépendance stratégique de l’Europe vis-à-vis de Washington à travers l’OTAN ; c’est une capacité américaine unique d’extraterritorialité en matière de taxation, de lutte contre la corruption, de sanctions économiques, d’écoutes de la NSA et de décisions de l’autorité de concurrence. Mais surtout, l’Amérique joue sur deux tableaux avec le TPP d’un côté et le TTIP de l’autre. L’UE-28 va donc négocier de facto avec une coalition de 1+11. Ajoutons encore, pour faire bonne mesure, que l’Europe, à la différence des USA, ne dispose pas d’un budget de péréquation entre États gagnants et perdants à la libéralisation. Autrement dit, le libre-échange bilatéral peut diviser l’UE-28

Enfin, comment ne pas revenir et insister sur l’emprise des multinationales et des lobbies sur la Présidence et le Congrès des États-Unis via le financement des campagnes électorales et le tourniquet, qui pèse tellement sur la négociation du TTIP. Jamais la pression américaine à Bruxelles n’a été plus forte ! Cette asymétrie s’exprime dans deux dispositifs fondamentaux du TTIP : d’un côté l’arbitrage privé par lequel la Justice en Europe est abaissée et court-circuitée comme dans une république bananière ; de l’autre, le Conseil de coopération réglementaire qui signe la mise sous tutelle du marché intérieur européen pour l’avenir puisque toute tentative de législation européenne touchant le marché intérieur lui sera désormais soumise pour feu vert.

 

  1. La croissance faible, divergente et inégalitaire

 

Les modèles économétriques, de l’avis unanime des chercheurs, ne sont pas capables de mesurer l’impact de la convergence des normes et des législations a fortiori dans des contextes de concurrence oligopolistique. Néanmoins, acceptons pour base de la performance de croissance attribuée au TTIP, le chiffre retenu par la Commission : 0,5% de croissance annuelle du PIB dans 10 ans en cas de succès intégral de la négociation. Cette croissance attendue du TTIP ne comporte aucun chiffrage de sa traduction en emplois qui pourrait donc s’avérer négative en net. Retenons surtout que cette croissance est faible, divergente et inégalitaire.

D’abord, elle est faible parce que les gains de l’intégration sont déjà assurés par les investissements croisés et le niveau actuel élevé des échanges entre USA et UE ; parce que le TTIP ne générera pas de nouvelles économies d’échelles ; parce que le sous-emploi structurel est trop élevé en Europe. Ensuite, la croissance sera génératrice de divergence accrue dans l’eurozone entre le noyau du Nord et la périphérie du Sud, alors qu’elle y est déjà problématique. Elle sera enfin inégalitaire parce que les secteurs libéralisés sont largement non-concurrentiels : le deal, dès lors, avantagera les actionnaires des grandes firmes oligopolistiques aux dépens des PME et des salariés. Assez curieusement, les dirigeants et les négociateurs européens qui se font si volontiers les chantres du libre-échange dans l’abstrait ne réalisent toujours pas le caractère foncièrement oligopolistique de l’industrie et des services américains, notamment dans les secteurs à haute technologie. Dans ces secteurs, libre-échange ne veut dès lors plus dire concurrence, mais pouvoir de marché accru pour les firmes dominantes et pour les leaders technologiques ou les prime movers. C’est ici une bizarrerie de la doxa néolibérale qu’ignorer le baba des règles de concurrence à appliquer aux marchés imparfaits. Cette problématique des oligopoles américains devrait pourtant être au cœur du débat entre économistes libéraux – et à cet égard j’en suis un – sur le TTIP.

 

Le clash des modèles

 

Mais au-delà de la question controversée de la croissance, c’est le clash des modèles de société en matière sociale, environnementale, culturelle, qui retient l’attention de l’opinion et provoque l’activisme de la société civile à laquelle il faut être reconnaissant car elle pallie la démission des élites sur cet enjeu. D’abord, il faut souligner que la mise en concurrence des régions pauvres de chaque côté de l’Atlantique se traduira en une précarisation des emplois et en pressions sur les salaires, car les rapports de force se feront à l’avantage du capital désormais plus mobile puisque libre de choisir son implantation et, le cas échéant, sa délocalisation d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Ensuite, sur des enjeux ponctuels comme le bœuf aux hormones, les OGM, le poulet chloré, l’audiovisuel, l’agriculture, les services financiers, les services publics, les préférences collectives divergent et amènent à des normes souvent incompatibles. Les rapprocher en vue de les harmoniser ou d’autoriser leur reconnaissance mutuelle, va s’avérer une tâche impossible, surtout si l’option retenue par la Commission d’une convergence vers le haut, est partagée par le partenaire américain. En fait, le TTIP se révélera être un lit pour deux rêves et le modèle plus compétitif, plus inégalitaire et plus violent repoussera le modèle européen, plus solidaire et plus juste, sur la carpette. Au total, TTIP revient à échanger un droit d’ainesse – la singularité du modèle européen – contre un plat de lentilles – une croissance dérisoire et une détérioration du modèle européen.

 

  1. Coalition technologique contre les émergents

 

Le TTIP se veut aussi l’affirmation d’un leadership transatlantique face au reste du monde. De la sorte, une coalition d’hégémons déclinants prétend fixer les règles du nouvel ordre économique international aux pays émergeants. C’est la critique la plus fondamentale qu’on puisse adresser au TTIP. Elle porte sur son impact systémique et géopolitique. Le dessein stratégique du TTIP est clairement affirmé et réaffirmé par les deux partenaires qui en font un argument central de la promotion du TTIP, avec une forte connotation populiste. Il s’agit de rien moins que de fixer les normes, les standards et les règles du jeu pour construire le nouveau régime du commerce mondial post-mondialisation, en amenant le reste du monde, à commencer par la Chine, à plier et à se rallier au nouveau consensus transatlantique. L’idée est de préserver le leadership occidental dans la construction du nouvel ordre économique mondial en contrant les effets du basculement vers l’Asie émergente. Nul doute que cette perspective « va-t’en guerre » rassurera les nostalgiques de l’univers postcolonial.

Mais cette posture stratégique qui n’est pas sans arrogance est porteuse de deux risques sérieux. C’est d’abord la remise en cause de l’OMC, pourtant fondée par l’Amérique et par l’Europe et qui est la pierre d’angle du système commercial multilatéral. Elle sera dorénavant divisée par le clivage imposé par ces mêmes partenaires atlantiques entre eux et le reste du membership. C’est ensuite une stratégie d’endiguement de la Chine. Il existe aux USA un courant de pensée qui entend préserver à tout prix l’hégémonie américaine et qui pousse à cette « stratégie en pince » constituée par deux ensembles commerciaux et technologiques – le TPP et le TTIP – dont l’Amérique est la charnière unique et la Chine la cible. Il s’agit de prévenir la montée en puissance militaire de la Chine en pesant sur sa croissance, en compliquant son accès aux technologies avancées qui doivent rester l’apanage de l’Ouest parce qu’elles sont la clé de sa supériorité. Incidemment, ces normes technologiques, si elles sont poussées trop loin, visent aussi la reconstitution d’une rente sur le reste du monde.

Cela étant, la stratégie d’endiguement qui a réussi avec l’URSS, échouera avec la Chine parce que la Chine n’est pas l’URSS. Elle dispose d’abord du plus grand marché intérieur du monde, de surplus, en croissance soutenue. Ensuite, elle est en train de se constituer une capacité technologique propre. Enfin, la croissance de la Chine repose sur une intégration régionale intra-industrielle très élevée avec son voisinage. Cette Chine est vulnérable en raison des tensions stratégiques qu’elle contribue à créer autour de la construction de la Grande Muraille de Sable dans la Mer de Chine du Sud, mais elle a la capacité de constituer un bloc asiatique en réponse au bloc atlantique.

Ce à quoi l’Europe doit travailler, c’est au contraire à prévenir un face-à-face US-Chine, c’est-à-dire une rebipolarisation du monde qui engendrerait du côté américain une spirale sécuritaire et hégémonique dans laquelle l’Europe serait happée. C’est pourquoi, au lieu de se laisser vassaliser par Washington à travers le TTIP, l’Europe doit rétablir un équilibre avec les États-Unis dans un partenariat stratégique d’égal à égal au sein de l’Alliance atlantique.

 

  1. CONCLUSIONS

 

Le lancement de TTIP n’a été possible qu’en raison du tour strictement mercantiliste pris par la politique commerciale européenne qui ignore deux dimensions fondamentales du projet politique européen : la construction d’un modèle de développement propre et celle de la puissance qui est le garant de la pérennité du modèle.

 

Le modèle

 

L’UE offre la singularité d’avoir finalement réussi, au prix de conflits internes et de deux guerres mondiales, à atteindre un certain équilibre de tension entre capitalisme et démocratie, entre marché et politique et d’avoir conclu, au lendemain de la guerre 1940-1945, un contrat social dynamique entre toutes les parties prenantes à la société. L’Amérique, sauf la période du New Deal à laquelle Reagan a mis un terme, voici une génération, ne parvient plus à sauvegarder le rêve américain ; la société américaine est divisée entre gagnants et perdants de la globalisation et du progrès technique tandis que les lobbies règnent à Washington. Or le TTIP, en ouvrant la voie vers un marché intérieur transatlantique, va aspirer l’Europe dans le modèle inégalitaire américain qui conduit à la violence au-dedans – voir les armes et le racisme – et à l’affirmation hégémonique au-dehors.

L’Europe doit garder la possibilité de moderniser son modèle social, à sa manière, en faisant la part juste de la liberté et de la justice, en s’ouvrant aux idées, aux personnes, aux marchandises parce que le monde est interdépendant, mais en conservant la maitrise des règles du vivre-ensemble en créant les conditions de la solidarité, du respect et de la tolérance. L’Europe doit aussi tracer la route de la soutenabilité : préserver la croissance en réduisant l’impact sur la nature, sur le climat, sur la biodiversité. La vocation universelle de l’Europe est de montrer au monde comment réconcilier croissance économique, progrès social et soutenabilité environnementale. C’est un défi. Il est à notre portée. Le problème n’est ni économique, ni technologique. Il est politique. Avec le TTIP comme entrave, nous n’y arriverons pas. Une entreprise de civilisation comme celle-là exige une cohérence, une unité entre marché, redistribution de la richesse et sécurité stratégique que seule une Europe politique forte peut réaliser.

 

La puissance

 

L’autre dimension de l’Europe est sa mission internationale. Avec 500 millions d’habitants et un PIB qui fait plus de 20% du PIB mondial, l’Europe a la capacité de peser dans le monde. Parce qu’elle en a la capacité, elle a aussi la responsabilité non seulement de se protéger elle-même, mais de contribuer, à partir de son expérience propre à construire un ordre international juste, condition de la paix et de la prospérité mondiales. L’Europe doit pour cela accéder à la maturité stratégique. Lui manquent d’abord une weltanschauung, c’est-à-dire une vision stratégique du monde, mais aussi et surtout une défense commune, pour être reconnue comme une puissance globale, partenaire à parité politique avec les USA au sein de l’OTAN et du coup puissance crédible aux yeux des autres puissances globales (Russie, Chine, Inde, Brésil). Alliée de l’Amérique, oui, mais autonome et donc politiquement égale, avec la même capacité de nous faire entendre de Washington que celle de l’Amérique d’influencer l’Europe !

À cette condition, l’Europe pourra empêcher le scénario le plus dangereux pour le monde, celui d’une rebipolarisation, d’un face-à-face Chine-Amérique qui conduirait peut-être à l’affrontement planétaire, que nous devons envisager comme un risque possible et donc redouter, de « l’Ouest contre le reste ». L’Europe doit œuvrer à donner à un monde désormais multipolaire et donc instable, une assise multilatérale robuste, fondée sur la négociation et sur le droit, et pas sur le chantage économique ou la dissuasion stratégique. Certes, tout est dans tout et l’idéalisme est une posture dangereuse dans les affaires internationales s’il ne s’appuie pas sur le poids économique et sur une capacité militaire propre. L’Europe doit être assez forte pour avoir le choix des moyens pour atteindre ses objectifs. Mais l’Europe aujourd’hui est un bien sans maître ; elle ressemble à une copropriété sans véritable syndic. Les élites étant défaillantes, il faut la rendre aux citoyens qui doivent être capables de dire non et de savoir pourquoi. Bloquer TTIP au nom d’une Europe plus ambitieuse, plus démocratique et plus efficace, est un premier pas vers un démos du projet européen, une première expression de la conscience européenne qui doit rassembler ceux qui découvrent la perception d’une communauté de destin.

[1] du 22 au 26 février 2016

[2] TTP : Traité Trans Pacifique

J’aime trop


sinterklaas

Dans le Sud, aux USA, il se serait fait lyncher par les types qui n’ont pas l’air d’aimer ce Saint Nicolas version alternative

Lettre ouverte de solidarité avec le peuple grec de la part de la communauté scientifique italienne


si la grèce

[des traductions de la lettre sont disponibles en Italien et en Grec – pour signer la lettre ouverte, écrivez à ricercaperlagrecia@gmail.com ]

Le 29 Juin 2015

Nous saluons la population grecque toute entière et, en particulier, nos collègues appartenant au monde de l’instruction, de l’université et de la recherche. Ceux qui vous écrivent le font depuis quelques centaines de kilomètres de chez vous: et pourtant, si l’on mesure avec le mètre de la sensibilisation et de l’inquiétude pour l’avenir, même cette courte distance semble disparaître. Ceci arrive alors que nous nous trouvons, de ce côté-ci de la Mer Méditerranée, à observer avec attention et appréhension les évènements qui se déroulent dans votre Pays et autour de lui.

Nous sommes des universitaires, chercheurs, enseignants et scientifiques des universités et centres de recherche Italiens. Certains d’entres nous s’occupent de sciences humaines et historiques, d’autres de sciences sociales, d’autres encore de sciences mathématiques, physiques et naturelles. Chacun d’entre nous partage pourtant un sentiment de très forte reconnaissance envers la culture et l’histoire grecques. Comment pourrait-il en être autrement? La Grèce a été le véritable berceau de la pensée occidentale et le carrefour d’expériences qui ont engendré pour la première fois cet esprit d’amour de la connaissance dans tous les domaines du savoir. Toutes et tous savons parfaitement combien la culture et la pensée grecques ont contribué à imprimer le vrai élan originaire vers l’unité et la fraternité des êtres humains dans cette partie du monde. Nous savons qu’elle constitue notre racine, bien avant – et bien plus – que tout mythe ou idéologie que l’on a voulu à chaque occasion fondateurs de l’Europe.

Chacun d’entre nous ressent une grave inquiétude à l’égard des évènements qui sont en train de se dérouler, ainsi qu’une profonde indignation pour le chantage qui vous a imposé la technocratie de l’austérité, et qui désormais découvre le vrai but de son caractère féroce: celui d’imposer un seul modèle économique, voué à l’échec et fondè sur l’anéantissement de la dignité humaine. Nous ne pouvons donc que supporter le peuple grec dans cette page difficile de son histoire.

Nous sommes conscients du fait que le résultat du référendum du 5 Juillet prochain – s’il verra, comme nous le souhaitons, la victoire du “NON” s’affirmer – va entrainer un climat de confusion qui sera utilisé de façon instrumentale pour forcer les citoyennes et les citoyens grecs à baisser la tête. Pour ces raisons, nous nous engageons dès maintenant, par cette lettre, à vous offrir notre solidarité non seulement morale, mais aussi sous forme d’actes concrets. Par cette lettre nous mettons noir sur blanc notre engagement, individuel et collectif, à vous soutenir et à coopérer avec vous à la reconstruction de la Grèce et au développement d’un nouveau modèle social, économique et politique qui traverse et qui comprenne ce carrefour crucial qu’est le monde de la connaissance dans lequel nous travaillons toutes et tous.

Nous souhaitons que le peuple grec choisisse en pleine autonomie et dignité, soutenu par une solidarité internationale qui se renforce et qui continue. Nous savons que l’indignation et la mobilisation sont partagés dans le monde pour que la Grèce puisse montrer qu’on peut réaliser une Europe différente – un monde différent – en refusant l’aut-aut entre esclavage du marché ou barbarie. Nous voulons donc exprimer à chacun de vous, et à nos collègues en particulier, notre soutien total.

Une dernière note: vous ne trouverez pas, en conclusion de cette lettre, la liste habituelle de signatures “prestigieuses”: d’ailleurs, qui vous écrit ne compte pas vous proposer les déclarations d’intentions habituelles ni la nième vitrine intellectuelle destinée à laisser les choses telles quelles. Notre promesse est de solidarité factuelle et incisive, prologue d’un temps nouveau et animée d’un esprit différent: l’esprit d’une solidarité véritable entre les peuples d’Europe et de la Méditerranée, qui sache construire un nouveau savoir et un monde plus juste, solidaire et libre. Un énorme merci à vous toutes et tous.

Vive la Grèce!

pour les signatures innombrables voyez la source

et l’original

La chanson de Craonne


[youtube http://youtu.be/6iGEiY6wvDo?]

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La chanson de Craonne

1917

Chanson anonyme écrite sur la musique de « Bonsoir m’amour«  (Adelmar ou Charles Sablon, le père de Germaine et Jean) à laquelle on doit sans doute le succès de cette valse dont les paroles, aujourd’hui, font presque sourire.

Son texte recueilli par Paul Vaillant-Couturier (1892-1937), avocat puis journaliste et finalement député, qui, entré dans la guerre avec un certain enthousiasme, en sorti socialiste, revendicateur même mais surtout pacifiste. Sous-officier, en 1914, dans l’infanterie; il termina la guerre capitaine dans les chars d’assaut non sans avoir été blessé, gazé, cité à l’ordre de la Nation mais aussi condamné cinq fois pour son action en faveur de la paix.

Vivement condamné par les autorités militaires (qui offrirent une petite fortune à celui qui en dénoncerait l’auteur) elle fut connue sous plusieurs noms dont : « Les sacrifiés », « Sur le plateau de Lorette » et « La chanson de Lorette ».

Elle demeure, aujourd’hui la chanson-type de l’antimilitarisme mais elle a été depuis dépassée par plusieurs autres. Il suffit à cet égard de citer  « Quand un soldat » de Francis Lemarque (1953) ou encore le très célèbre « Déserteur » de Boris Vian (1954).


Paroles

Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé,
On va r’prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là haut en baissant la tête.

Refrain
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C’est nous les sacrifiés !

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.

au Refrain

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !

Face à la colère contre l’impunité israélienne, les dirigeants européens font semblant de se fâcher



vendredi 27 juin 2014


La presse israélienne, et une partie du mouvement de solidarité avec la Palestine, font grand cas depuis 48 heures d’un hypothétique sursaut de l’Union Européenne vis-à-vis des crimes israéliens.

Ainsi, les principaux pays de l’Union, France, Italie, Royaume-Uni, Espagne et Allemagne, auraient-ils « mis en garde » leurs ressortissants face aux risques « juridiques et financiers » d’une collaboration économique avec les colonies de Jérusalem-est, de Cisjordanie et du plateau du Golan.

De fait, tous ces pays ont bien publié, ces derniers jours, des notes sur le sujet, rappelant le caractère d’occupation de tous ces territoires –mais cela, c’est le constat officiel des Nations-Unies depuis 1967, et ce n’est donc pas un scoop ! -, et le caractère par conséquent illégal de tout business dans les colonies.

Mais ils se sont bien gardés de toute communication officielle sur le sujet : pas de déclaration ministérielle, pas de communiqué de presse, seulement quelques lignes au 4ème sous-sol des sites internet de leurs ministères des Affaires étrangères respectifs (dans le cas du MAE français, c’est quelque part dans la rubrique « Conseil aux Voyageurs », de leur sous-site en langue anglaise, et on n’a pas trouvé d’équivalent dans la langue de Molière). Et des fuites, discrètes, à des journalistes, pour leur dire d’aller voir, du côté de ce 4ème sous-sol précisément.

Alors, quand des journalistes ont interrogé les diplomates européens sur les conséquences de tels textes, ces derniers, qui avaient anticipé les appels (et avaient chacun sous les yeux son  » talking paper », document préparé à l’avance par une institution qui sait qu’elle va être interrogée par des journalistes sur un thème donné), se sont empressés de dire que le texte n’avait aucune portée pratique ni judiciaire.

« Ce n’est ni un boycott ni une sanction. Nous voulons au contraire développer plus que jamais la coopération avec Israël », déclare ainsi à la presse espagnole le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Madrid.

Quant aux sbires de Fabius, ils insistent auprès de leurs interlocuteurs journalistiques sur le fait que la note n’est assortie d’aucune contrainte. « Un Français qui a une activité financière en direction des colonies ne commet pas d’infraction au regard de la loi française », ose ainsi déclarer –sous couvert d’anonymat, le courage n’étant pas la première des vertus au Quai d’Orsay-, un diplomate français interrogé par le Haaretz.

Il n’en reste pas moins que la production de cette note –et la gestion de celle-ci en termes de communication gouvernementale- est une conséquence du développement, mondial, de la colère contre l’impunité israélienne, et de la campagne internationale BDS.

Mais si l’on s’en tient aux faits, elle ne peut être interprétée que comme un contre-feu, destiné à maintenir en place la soumission complète de nos gouvernants puisqu’aussi bien ils mettent en avant, dans le même temps –les Français, en tout cas- la multiplication des encouragements au gouvernement et à l’armée israéliens (voir par exemple, le programme AMI de soutien aux Français s’enrôlant dans l’armée israélienne)

Le problème, c’est que les dirigeants israéliens, dans la course à l’abîme qui est la leur, n’admettent pas la plus petite critique de la part de leurs serviteurs occidentaux, même quand c’est fait dans l’intérêt de la politique israélienne.

Deux exemples très récents montrent combien les politiciens européens et américains sont des paillassons, et pourquoi les dirigeants israéliens ont alors bien raison de s’essuyer les pieds dessus.

Hier jeudi, le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman … s’est invité à Paris, où il a exigé une rencontre avec Fabius, dont l’agenda officiel était pourtant surbooké. Et il l’a obtenue, ce qui lui a permis de souffler dans les bronches du titulaire du Quai d’Orsay.

La semaine dernière, aux Etats-Unis, six politiciens du Parti Républicain planchaient, dans le cadre de ce qui s’apparente à un véritable examen de passage, devant les « Juifs Républicains ». Au détours d’un speech pro-Tsahal, pro-colonies, pro-Israël à 200%, l’un d’eux, le gouverneur du New Jersey, a eu le malheur de prononcer les mots « territoires occupés ».

Stupeur de l’assistance, sifflets, et convocation dans la foulée de l’idiot par le parrain du lobby israélien aux Etats-Unis, Sheldon Adelson , le milliardaire qui a fait fortune avec les casinos de Las Vegas. Le pauvre type s’est confondu en excuses, publiques, et Adelson a pardonné : le gouverneur a encore des chances de recevoir son chèque pour sa prochaine campagne électorale.

CAPJPO-EuroPalestine

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