Pour la libération de Dawit Isaak


Dawit Isaak
A l’heure où nous vous écrivons, Dawit Isaak est au fond d’une geôle, quelque part en Érythrée.Rédacteur en chef du journal Setit, Dawit est l’une grande figure de la presse indépendante en Érythrée, un exemple pour beaucoup de ses confrères.

Le 18 septembre 2001, ce journaliste suédo-érythréen a été raflé et emprisonné avec dix autres collègues réformateurs influents. C’est à ce moment qu’a eu lieu, dans l’indifférence générale, le tournant totalitaire qui a mis l’Érythrée dans l’état catastrophique où elle se trouve aujourd’hui. Et c’est ainsi que le pluralisme et la presse libre se sont éteints dans ce pays.

Certaines sources racontent que Dawit est régulièrement transféré dans un hôpital militaire pour être maintenu en vie. D’autres affirment qu’il est mort. Le régime d’Asmara prétend qu’il est encore en vie. Dans tous les cas, sa famille et ses proches ont le droit à la vérité.

Cela fait des années que nous parlons de Dawit, et nous ne cesserons de le faire que lorsqu’il sera libre. En 2014, une plainte pour « crime contre l’humanité », « torture » et « enlèvement », a été classée sans suite par la justice suédoise. Dawit est pourtant aussi un citoyen européen. Il est plus que temps de connaître la vérité et d’obtenir sa libération..

Signez notre pétition pour que Dawit Isaak, ainsi que tous les journalistes détenus en Érythrée, soient libérés !

Nous comptons sur vous !

Merci de votre soutien,

L’équipe de Reporters sans frontières

Reporters sans frontières

Délit de consultation, blocage de sites : comment des élus LR veulent punir la « prédication subversive »


Crédits : Marc Rees (licence C-BY-SA 2.0)

Crédits : Marc Rees (licence C-BY-SA 2.0)

Délit de consultation, blocage de sites : comment des élus LR veulent punir la « prédication subversive »

Je pense donc j’essuie

La vague d’attentats en France est un terreau de premier choix pour les propositions législatives. En témoigne cette proposition de loi d’élus de l’opposition visant à pénaliser la « prédication subversive ». Un texte qui ne fait évidemment pas l’impasse sur l’univers des nouvelles technologies.

Nathalie Kosciusko-Morizet et plusieurs de ses collègues LR, dont Nicolas Dhuicq, Thierry Mariani, Élie Aboud ou encore Patrice Martin-Lalande ont déposé fin août une proposition de loi contre la radicalité politico-religieuse. Désormais accessible, l’initiative cible tout discours prêché, enseigné et diffusé « par des prédicateurs qui défendent la supériorité de leurs lois religieuses sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République, en prônant notamment une ségrégation identitaire et communautaire à rebours de l’État de droit ». Estimant qu’il s’agit là d’une « menace pour notre sécurité », ces parlementaires veulent donc déclarer hors-la-loi les auteurs de « prédication subversive ».

Prédication subversive ?

Rangée dans le tiroir « de l’attentat et du complot » dans le Code pénal, cette infraction serait constituée dès lors qu’un prêche, un enseignement ou une propagande quelconque porte une idéologie qui « fait prévaloir l’interprétation d’un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République ».

Il suffirait particulièrement que des paroles ou des écrits publics et réitérés soient porteurs de ces messages pour voir leur auteur encourir jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. L’infraction ne viserait que les textes religieux, non les autres univers de la pensée (philosophie, etc.), ce qui pourrait poser quelques problèmes de qualification.

« Pénaliser la prédication subversive, soutiennent les auteurs du texte, c’est offrir une base légale solide à la condamnation des prédicateurs d’idéologies politico-religieuses radicales et de leurs complices, ainsi qu’à l’interdiction des livres et la fermeture des lieux de culte, des associations et des sites internet qui diffusent ces idéologies ». Justement…

Serait complice celui qui consulte régulièrement un site de prédication subversive

NKM et ses collègues veulent qualifier de complice, non seulement celui qui « assiste volontairement et régulièrement au prêche ou à l’enseignement de cette idéologie » mais aussi celui qui se contente de consulter « volontairement et régulièrement des services de communication au public en ligne diffusant cette idéologie ». Un tel complice encourrait 3 ans d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende.

Il s’agit donc là d’une extension de l’infraction de consultation de sites terroristes, tout juste créée par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé (et inscrite à l’article 421-2-5-2 du Code pénal).

L’article 4 de cette « PPL » veut d’ailleurs exploiter une autre brèche, celle permettant déjà à un juge des référés de prononcer l’arrêt d’un site faisant l’apologie du terrorisme ou provocant à de tels actes. La mesure parallèle au blocage administratif serait étendue à tous les sites de prédication.

Des conséquences dans la loi sur le renseignement

En cas d’adoption, ce texte aura aussi des conséquences dans la loi Renseignement. Explication : dans leur foulée, ces députés veulent ouvrir la possibilité de dissoudre administrativement toutes les associations ou groupements de fait « qui sont responsables d’un lieu de culte où la prédication est subversive », en accentuant en ce sens les pouvoirs de l’exécutif.

Or, la prévention « des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous » fait justement partie des finalités dont plusieurs services du renseignement peuvent se prévaloir pour justifier de mesures intrusives.

Quels services ? Il s’agit évidemment des services du premier cercle, mais également ceux du second, à savoir ici l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), les services du renseignement territorial, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle, celle de la sécurité intérieure et enfin celle du renseignement territorial.

 

Les grands studios ont refusé le film « Snowden », accuse Oliver Stone


Les grands studios ont refusé le film « Snowden », accuse Oliver Stone

L’Orient-Le Jour | Dimanche 24 juillet 2016

Cinéma« Le scénario était bon, le budget était bon, le casting était bon. C’était très certainement… de l’auto-censure », affirme le réalisateur.

C’est la plus grande fuite de données de l’histoire des Etats-Unis. Pourtant « Snowden » a failli ne jamais voir le jour au cinéma, rejeté par toutes les grandes sociétés de production américaines, d’après son réalisateur Oliver Stone.

« Snowden » retrace l’histoire du lanceur d’alertes Edward Snowden, ex-consultant de l’agence de sécurité américaine NSA qui a révélé l’ampleur des programmes de surveillance du renseignement aux Etats-Unis.
Mais le cinéaste de 69 ans, connu pour ses critiques virulentes de l’establishment américain, a eu des difficultés à trouver un studio pour financer le film.

« Franchement, chaque grand studio a refusé mon projet. Le scénario était bon, le budget était bon, le casting était bon. C’était très certainement… de l’auto-censure », a déclaré Oliver Stone devant le public du festival Comic-Con 2016 jeudi à San Diego.
« Je ne pense pas que la NSA était derrière. Mais l’auto-censure est définitivement un gros problème dans ce secteur et elle empêche de dévoiler de nombreuses vérités ».
« Chaque studio, chaque conseil d’administration des studios plutôt que les employés des studios, a dit non ».

La société de production indépendante Open Road Films a finalement accepté de distribuer le film, dont la sortie est prévue le 16 septembre aux Etats-Unis et le 2 novembre en France.
Open Road Films a également produit « Spotlight », l’histoire du scandale des prêtres pédophiles révélé par le journal américain Boston Globe en 2002, sacré meilleur film aux Oscars de 2016.

Rencontre à Moscou
Edward Snowden est toujours recherché par les autorités américaines, accusé d’espionnage et de vol de biens appartenant au gouvernement après avoir transmis en 2013 des documents classifiés à des journalistes.

Traître pour certains, héros pour d’autres, l’homme de 33 ans est aujourd’hui réfugié en Russie où il a obtenu en 2014 un droit de résidence pour trois ans.

Oliver Stone a acheté les droits du livre « The Snowden Files » de Luke Harding, journaliste du quotidien britannique The Guardian, et s’est également inspiré de l’ouvrage « The Time of the Octopus » de l’avocat russe de Snowden, Anatoli Koutcherena.

Joseph Gordon-Levitt, 35 ans, qui interprète le rôle principal du film, a accompagné Oliver Stone en Russie pour rencontrer le lanceur d’alertes en personne. Il décrit Edward Snowden comme un homme « très poli… presque un homme à l’ancienne », qui s’est montré plutôt optimiste quant à l’impact positif de la technologie sur la démocratie.

« Nous avons parlé pendant des heures. C’était intéressant parce que je pense que la plupart des gens qui vont le rencontrer l’abordent d’un point de vue politique », a déclaré l’acteur et réalisateur californien lors du Comic-Con de San Diego.
« J’essayais d’apprendre à le connaître à un autre niveau, parce que je peux facilement lire des choses sur ses positions politiques. Je voulais comprendre qui il est. »

Pour mémoire

 

Ali n’écrira pas car Ali n’existe pas!


Au Maroc, on a trouvé un moyen original pour empêcher un journaliste de (re)lancer son journal: le priver de papiers d’identité. C’est l’aventure vécue par Ali Lmrabet, poil-à-gratter du régime. Un régime qui ne raffole pas vraiment des voix libres… 

«Alors, que fait-on avec cet Ali?» On imagine bien les têtes pensantes – l’expression est certes un peu flatteuse – réunies dans un bureau du palais royal à Rabat. Tous se regardent d’un air tout à la fois las et embarrassé. Comment, en effet, faire taire ce journaliste, Ali Lmrabet, qui déclenche si facilement le royal courroux? Le problème prend une acuité particulière ces jours-ci: l’énergumène a retrouvé le 11 avril sa pleine liberté de manœuvre, c’est-à-dire que, vu du palais, le pire est à craindre. En 2005, en effet, la «justice» marocaine avait inventé pour lui une peine ne figurant pas dans l’arsenal pénal, une interdiction de profession pendant dix ans, et voilà que ces dix ans ont pris fin. Pire: la rumeur dit que ce cuistre s’apprête à relancer un journal!

Alors, quelqu’un a eu une idée. Et les têtes pensantes s’y sont ralliées. Faute de mieux, car il s’agit d’un pis-aller de piètre facture morale. Mais la morale, parfois… Bref: on va priver l’intéressé de tout papier, comme cela il sera bien en peine d’obtenir une autorisation pour lancer un journal. On pourrait appeler ça un sabotage administratif. C’est moins spectaculaire que des poursuites judiciaires qui pourraient encore susciter à l’étranger des articles au ton désobligeant et, au fond, c’est tout aussi efficace.

Voilà le plan: on s’est arrangé pour qu’il doive renouveler sa carte d’identité (et son passeport est bientôt périmé). Quelle sera la faille? Son domicile, pardi! Il prétend habiter chez son père à Tétouan? Eh bien! on va dire qu’il s’agit d’un mensonge et lui refuser le renouvellement de ses papiers. Et des papiers, il en a besoin depuis que des agresseurs non identifiés (mais tellement reconnaissables…) les lui ont volés d’une manière violente.

Peu importe si un fonctionnaire de police qu’on avait oublié de mettre au parfum lui a délivré un certificat de résidence l’autre jour. Ce pauvre policier est allé pleurnicher chez Ali en disant qu’on le menaçait des plus graves ennuis s’il ne lui rendait pas le document, ce qu’Ali, bonne âme, accepta de faire (non sans en avoir fait quelques copies, histoire de pouvoir les exhiber à qui veut entendre son histoire). En quelque sorte, désormais, Ali Lmrabet n’existe plus. Pas de papiers, pas d’Ali Lmrabet et pas de journal créé par Ali Lmrabet! Le tour est joué, il suffisait d’y penser. Les têtes pensantes y ont donc pensé. On imagine sans peine leur soulagement un peu veule…

Mais, au fond, pourquoi ce collègue est-il tant craint? Ce journaliste met-il à lui tout seul le royaume en péril? Serait-il proche des djihadistes nihilistes prêts à faire tout sauter? Non, pas du tout. En fait, le bougre s’est taillé une fameuse (mais aussi fâcheuse) réputation depuis qu’il a quitté la diplomatie marocaine pour se lancer dans le journalisme. Voilà en effet un type qui estime que le journalisme consiste à ne pas se contenter de l’avis officiel, qui croit que tenter de voir ce qui se cache sous les cartes peut servir l’intérêt général. Quelle outrecuidance!

Cet Ali Lmrabet n’a jamais cessé d’enquiquiner son monde. Au sommet de l’Etat, surtout. Comme rédacteur en chef du Journal hebdomadaire (un organe iconoclaste que le régime a écrasé par des mesures judiciaires qui ont eu sa peau en 2010), comme propriétaire d’un autre hebdo, Demain (et sa version arabe), fermé en 2005, qui avait le toupet non seulement de voguer sur le mode ironique mais aussi de transgresser quelques tabous locaux tel que désigner les Sahraouis qui vivent à Tindouf, en Algérie, par le terme de «réfugiés» au lieu de l’appellation contrôlée et imposée d’en haut, les fameux «séquestrés du Polisario» (le mouvement indépendantiste sahraoui).

Le vrai-faux SDF n’a pas perdu la main: pendant qu’il purgeait sa peine, il a bossé pour des journaux espagnols. Et, surtout, il a depuis longtemps créé un journal en ligne, demainonline.com, hébergé à l’étranger, que le pouvoir exècre pour l’excellente raison que ce site refuse évidemment de respecter les intouchables «lignes rouges» (le roi, l’islam, l’armée, les «provinces du sud», à savoir la sacro-sainte «marocanité» du Sahara occidental).

Ali Lmrabet n’est pas seul dans son cas au Maroc. Dans ce pays où le décor démocratique ne trompe plus depuis des lunes les sujets de Sa Majesté, tout est fait pour que les journaleux les plus courageux finissent par choisir un autre métier ou… l’exil. Des journalistes sont d’ailleurs en prison ou attendent leur procès, des sites ont dû fermer, tous exemples qui illustrent l’inflexibilité absolue de ce souverain absolu. Le Maroc idéal des têtes pensantes susmentionnées? C’est «Circulez, y a rien à lire!».

BAUDOUIN LOOS

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Geluck victime d’une « fatwa »


Rédaction en ligne
Mis en ligne il y a 2 heures

L’autre jour, Philippe Geluck avait été sérieusement brocardé par les Inrocks. Un traitement qui l’a ulcéré et plus, si inimitié.

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    Reporters

Il y a quelques jours, Christophe Conte – éditorialiste des Inrocks connu pour avoir la dent dure, très dure – s’était fait un bonheur d’étriller Philippe Geluck. En cause, un commentaire de ce dernier à propos de la une du « Numéro des survivants » de Charlie Heddo, que notre compatriote avait jugée « dangereuse ». C’est ce qui avait amené Conte à se demander si Geluck n’avait pas été « castré » en même temps que son chat, plus quelques gracieusetés du même acabit. Des accusations qui n’ont évidemment pas laissé Geluck indifférent. Dans les pages du Figaro, il fait à Conte la réponse du berger à la bergère.

Victime d’une « fatwa »

Et le papa du Chat de faire savoir: « Je suis victime d’une fatwa de la part d’un type dans les Inrocks. Je n’ai pas réagi face à quelqu’un qui éructe des choses aussi péremptoires. De toute façon, je n’ai pas besoin de critiquer ce papier, le geste s’effectue de manière naturelle sur les réseaux sociaux. » Puis d’ajouter, en référence à sa critique de la une de Charlie Hebdo: « Je connais mon engagement de citoyen et d’artiste. Il y a des sujets à contourner sensiblement pour éviter l’effet du frontal qui peut s’avérer désastreux. »

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Affaire Luk VERVAET : COMMUNIQUE DE PRESSE du CABINET D’AVOCATS JUS COGENS


COMMUNIQUE DE PRESSE du CABINET D’AVOCATS JUS COGENS: Affaire Luk VERVAET – Triste jour pour la Belgique à l’heure où des millions de personnes manifestent pour que soit respectée la liberté d’expression (12 janvier 2015)

Me Dounia ALAMAT (GSM:32.472.40.58.02 ; da@juscogens.be) et Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)

Luk VERVAET travaillait comme professeur de néerlandais dans différents établissements pénitentiaires, depuis 2004, lorsque, soudainement, en août 2009, la Direction générale des établissements pénitentiaires a décidé de lui retirer son autorisation d’entrer dans les prisons belges pour des « raisons de sécurité ».

Ces raisons sont contenues dans un courrier émanant de la Sureté de l’Etat, auquel Luk VERVAET n’a eu accès qu’après avoir perdu son emploi. Cet organe stigmatise les activités militantes de Luk VERVAET :

– Il fait partie du CLEA, Comité pour la liberté d’expression et d’association ;

– Il a participé à des manifestations, dont celle visant à soutenir les personnes prévenues – et aujourd’hui acquittées – dans le procès DHKPC et celle organisée contre l’extradition de Monsieur TRABELSI aux Etats-Unis – la Belgique ayant été condamnée depuis par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants ;

– Il a été fondateur d’un parti politique, ESG (Egalité sans guillemets) – dont il n’est plus membre actuellement ;

– Ce parti comptait dans ses rangs des proches du Parti du travail de Belgique ;

– Il connait Monsieur SAIDI ;

– Il fait partie d’une association, l’Union Internationale des Parlementaire pour la Palestine, comme Monsieur JAHJAH – aujourd’hui collaborateur habituel du journal De Staandard ;

– Il a été membre d’une association ayant pour objet de défendre les droits des Palestiniens et ayant lancé une pétition pour que le Hamas soit rayé de la liste européenne des organisations terroristes.

A l’évidence, ces éléments relèvent tous de la liberté de pensée et de la liberté d’expression de Luk VERVAET. Il n’est connu d’aucune manière par le Parquet, n’a pas de casier judiciaire et personne n’a prétendu qu’il s’agirait d’un homme violent ou prônant de tels comportements.

Qu’à cela ne tienne !

Pour le Tribunal de première instance de Bruxelles, « même si [la note de la Sureté de l’Etat] ne se conclut que par un vague soupçon (« la défense des supposées victimes de ces lois [antiterroristes] a pu le conduire à franchir la frontière entre la défense légitime d’une justice équitable et le soutien à des idéologies justifiant de manière indirecte le terroriste »), l’on peut comprendre dans ce contexte, que, pour des raisons de sécurité évidentes dans le régime pénitentiaire, l’administration ne pouvait pas prendre de risque ».

Qu’importe que rien ne permette de penser qu’une frontière aurait été franchie (laquelle ?), qu’importe que Luk VERVAET ait toujours travaillé à la pleine satisfaction de tous, qu’importe qu’aucun Directeur de prison ne se soit jamais plaint d’aucun « comportement suspect », qu’importe qu’aucun risque un tant soit peu concret ou circonstancié ne soit mis en avant par la Sureté de l’Etat, qu’importe que l’administration pénitentiaire n’explique nullement quel risque elle craignait.

Pour le Tribunal de première instance, il existe un « vague soupçon » (de quoi exactement ?) et, en conséquence, il était légitime pour l’administration pénitentiaire de faire perdre son emploi à un enseignant de néerlandais.

Triste jour pour notre pays !

Triste Etat de droit dans lequel le « soupçon » d’un « risque » suffit pour sanctionner les citoyens qui ont osé manifester une opinion minoritaire, bien que nullement violente.

Hier, d’innombrables citoyens ont manifesté pour la liberté d’expression.

Luk VERVAET est un professeur qui a choisi d’enseigner en prison. Il considère que la répression n’est pas la seule réponse pour lutter contre le terrorisme. Comme ses avocats, il a la conviction que l’éducation, l’émancipation, l’égalité et le respect des droits de l’homme sont essentiels dans cette lutte contre l’extrémisme islamique. Il a été sanctionné pour la mise en œuvre de cet idéal.

Cet exemple doit nous interpeller sur la portée de la liberté d’expression. Luk VERVAET a décidé d’interjeter appel du jugement rendu par la 4ème chambre du Tribunal de première instance de Bruxelles le 17 décembre 2014.

Ne pas diffuser ?


La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent
Albert Einstein

C’était au tout début du mois de juillet de l’année dernière. J’étais place Tahrir au Caire, dans l’attente d’un événement que même le cireur de chaussures de la corniche Maspéro savait inéluctable. Mohamed Morsi, le président égyptien allait , selon l’expression consacrée, devoir dégager. Le téléphone sonne. Un ami m’appelle de France pour m’annoncer : « Tu sais ! Un des principaux éditorialistes parisiens affirme qu’il va rester au pouvoir ! » Du point de vue de ce confrère, depuis son bureau avec vue sur la Seine, c’était tout à fait logique. Morsi avait été élu démocratiquement.

L’administration Obama, persuadée qu’elle avait enfin trouvé un « bon » islamiste sunnite, le soutenait. Les correspondants et envoyés spéciaux en Egypte pouvaient toujours décrire les foules immenses et le soutien accordé par l’armée aux manifestants anti-Frères musulmans, cela ne changeait rien à la vision manichéiste de cet expert en politique étrangère.

Les aveugles

Il souffrait du syndrome de l’inertie conceptuelle. L’incapacité à adapter l’analyse et le discours aux tranformations d’une situation, d’un rapport de force. Une forme d’aveuglement, qui a frappé les médias mais aussi les services de renseignements et d’analyse au cours de l’Histoire. En 1941, aveuglé par sa vision des relations bilatérales avec Berlin, Staline n’a pas voulu voir les signes annonciateurs de l’offensive nazie contre l’URSS. Dans les années 70, les Américains n’ont pas compris la nature des événements précurseurs à la chute du Shah d’Iran et l’arrivée au pouvoir des Ayatollahs. Plus tard, ils ont refusé toutes les informations sur l’inexistence d’armes de destruction massives dans l’Irak de Saddam Hussein. On connaît la suite.

Les Israéliens, politiques, analystes et journalistes n’ont pas toujours fait mieux. La surprise stratégique de la guerre du Kippour en est un des principaux exemples. Il faudrait aussi rappeler le soutien sans faille accordé par l’armée et le Shin Beth au développement de l’Islam radical à Gaza jusqu’au jour où ces « sympathiques religieux » ont créé le Hamas dont l’objectif est la destruction de l’État juif. J’ai décrit cet épisode dans mon livre « Le grand aveuglement » .

Que faire des Palestiniens ?

Aujourd’hui, on est bien obligé de constater que ce syndrome est omniprésent chez les dirigeants et les médias occidentaux, bloqués sur la vision de l’inéluctabilité d’une paix israélo-palestinienne. Or, la probabilité d’un accord est extrêmement faible comme le prouve l’échec de l’initiative du secrétaire d’état John Kerry. Un accord était tout simplement impossible.

D’abord pour des raisons politiques israéliennes.Le Likoud, le principal parti de droite, a toujours été opposé à la création d’un état palestinien indépendant aux côtés d’Israël. Le développement de la colonisation en Cisjordanie a été un de ses principaux objectifs depuis son arrivée au pouvoir avec l’élection de Menahem Begin en 1977 et après la conclusion du traité de paix avec l’Egypte en 1979. Grâce à son alliance historique avec le Sionisme religieux, près de 400 000 Juifs y habitent, transformant radicalement les données du conflit au Proche Orient. La direction de l’OLP l’a compris et admet en privé qu’elle a échoué et ne parviendra pas à créer un état indépendant.

A terme, Israël, devra donc dévoiler ce qu’il compte faire des Palestiniens. Les maintenir dans l’autonomie sous sa forme actuelle ? Des personnalités comme Ehoud Barak estiment que cela serait une forme d’apartheid. Les annexer en leur accordant tous les droits politiques – y compris la possibilité de voter pour la Knesset ? Ouri Ariel, ministre de l’habitat et colon militant le propose. Mais, à l’étranger, les images de l’occupation israélienne dérangent et les grands médias ne les diffusent plus depuis longtemps.

Crise économique oblige, les grandes chaines généralistes occidentales, occupées par la grande bataille de l’audience, ne couvrent plus l’international au quotidien. Et puis, en Europe ces images suscitent des réactions souvent anti-juives au sein de certaines populations et réveillent diverses formes d’antisémitisme. Un phénomène renforcé par l’attitude des institutions communautaires juives, identifiées à la politique israélienne, qu’elles soutiennent sans faille.

Ne pas diffuser ?

Cette montée de l’antisémitisme consolide l’inertie conceptuelle des médias. Un rédacteur en chef d’une grande agence de presse m’a dit, récemment : « Il faut faire attention. La montée de l’antisémitisme est sans précédent et il ne faut pas diffuser d’articles ou de sujets trop négatifs sur Israël ».

Résultat : le dossier palestinien a quasiment disparu de la place publique occidentale. Cela fait bien entendu l’affaire de la droite israélienne, mais avec un inconvénient majeur : son discours est , lui aussi, devenu inaudible. A preuve : la rapidité avec laquelle les États Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde et la Russie ont reconnu le nouveau gouvernement palestinien soutenu par le Hamas. Le message de Netanyahu, rappelant que l’organisation islamiste prône la destruction d’Israël, n’est pas passé.

Inexorablement, ce conflit finira par atteindre son paroxysme et embraser non seulement la région mais aussi des populations musulmanes dans le monde arabe et en Europe. Les dirigeants occidentaux, analystes et éditorialistes devront alors révéler les raisons pour lesquelles ils ont laissé ce conflit glisser vers le point de non retour.

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voir les commentaires sur la page fn de Baudouin Loos

The Intercept, fer de lance du journalisme d’investigation


LE MONDE | 15.03.2014 à 10h52 |Par Philippe Bernard

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M. Omidyar, promoteur de The Intercept, a décidé de destiner une partie de sa fortune au renouveau de la presse. Sa fortune est évaluée à 8,5 milliards de dollars (6,1 milliards d'euros) par le magazine Forbes.

Né de l’union inédite entre un milliardaire du Web et des journalistes d’investigation américains dans le contexte de l’affaire Snowden, un nouveau magazine en ligne, The Intercept, dessine peut-être l’architecture des médias de l’avenir. Depuis son lancement, le 10 février, il revendique activement sa première raison d’être : la dénonciation de la surveillance planétaire exercée par l’Agence nationale de la sécurité (NSA) américaine.

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Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, s’est plaint auprès de Barack Obama, jeudi 13 mars, des intrusions de la NSA dans le réseau social. La veille, il avait lu dans The Intercept une enquête décrivant les faux serveurs Facebook utilisés par l’agence pour s’immiscer dans les ordinateurs des usagers du réseau social. Les révélations sur l’utilisation à grande échelle de logiciels malveillants par la NSA s’appuient sur des documents fournis par Edward Snowden.

Le nouveau site correspond au premier étage de la « plate-forme journalistique » First Look Media, imaginée et financée par Pierre Omidyar, le fondateur d’eBay.Ses pièces maîtresses sont les deux journalistes-vedettes de l’affaire Snowden : Glenn Greenwald, qu’il a débauché du quotidien britannique The Guardian, et la documentariste Laura Poitras. Mais distiller de nouvelles révélations et les documents que s’est procurés l’ancien collaborateur de la NSA, réfugié à Moscou, ne constitue qu’une première étape pour The Intercept.

Le site a pour ambition de « produire un journalisme courageux et ouvert à la contradiction ». Et de « promouvoir la transparence et l’obligation de rendre des comptes auprès des institutions gouvernementales et des entreprises les plus puissantes ». Il propose à ses « sources » de déposer anonymement des documents à publier.

RENOUVEAU DE LA PRESSE

The Intercept s’est déjà offert les services de Jeremy Scahill, ancien de la revue de gauche The Nation, de Matt Taibbi, journaliste du magazine Rolling Stone et grand pourfendeur de Wall Street, et de John Cook, connu pour ses reportagesravageurs sur la chaîne de télévision conservatrice Fox News.

D’un point de vue financier, The Intercept a probablement le temps de voir venir : la fortune de son promoteur, Pierre Omidyar, 46 ans, est évaluée à 8,5 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros) par le magazine Forbes.

M. Omidyar, qui est né à Paris et vit aujourd’hui à Honolulu (Hawaï), a décidé de destiner une partie de sa fortune au renouveau de la presse, dont la liberté, pense-t-il, est menacée par la surveillance généralisée de la NSA.

En 2013, M. Omidyar s’est porté candidat au rachat du Washington Post. C’est finalement Jeffrey Bezos, le patron d’Amazon, qui, en août, a racheté le journal pour 250 millions de dollars. En octobre, Pierre Omidyar annonçait qu’il investissait une somme équivalente dans une nouvelle aventure : la presse d’investigation.

Voyez l’interview de Glenn Greenwald sur Democracy Now

Dieudonné et les mots interdits


La Libre Belgique : CONTRIBUTION EXTERNE Article publié le jeudi 06 février 2014 à 20h46 – Mis à jour le jeudi 06 février 2014 à 20h46

OPINIONS Peut-on pointer la concomitance entre les sollicitations du Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF) et l’orchestration de l’opération destinée à faire taire l’humoriste sans être accusé d’antisémitisme ?

dieudonne

Polémique

Les événements politico-judiciaires qui ont eu lieu en France autour des spectacles de l’humoriste Dieudonné M’bala M’bala n’ont rien perdu de leur actualité. Ils méritent d’être revisités afin de saisir les véritables enjeux que cette affaire sous-tend et que son hypermédiatisation est parvenue à occulter.

Ainsi nous constatons que la décision, particulièrement expéditive, du Conseil d’Etat français d’annuler l’arrêt du tribunal administratif de la ville de Nantes autorisant la présentation de l’humoriste risque de donner naissance à une sorte de « jurisprudence Dieudonné » susceptible de devenir source de droit et de s’étendre bien au-delà de l’hexagone français. La manière dont cette décision fut prise est assez édifiante pour ne pas l’examiner et souligner l’importance de sa signification politique. Le diable, dit-on, se cache dans les détails.

Tout d’abord lorsque le tribunal nantais décida de ne pas donner raison au ministre de l’Intérieur qui souhaitait interdire le spectacle sur la présomption de menace à l’ordre public, il ne faisait que confirmer une norme universelle du droit qui veut que l’on ne sanctionne pas un délit avant qu’il ait effectivement eu lieu. Face à ce désaveu, le ministre Valls fait appel au Conseil d’Etat qui obtempère avec une compromettante décision qui configure une espèce de justice par anticipation; c’est-à-dire ne pas attendre que le délit soit perpétré pour le sanctionner. Décision surtout étonnante parce qu’elle a été prise avec une célérité inconnue dans l’histoire judiciaire française.

En effet, il était 15h30 ce 9 janvier lorsque le Conseil d’Etat fixa à 17h la séance destinée à examiner et à prendre décision à propos de la requête du ministre de l’Intérieur. La décision du Conseil fut rendue publique à 18h45 le même jour. Il a donc fallu seulement 105 minutes pour étudier la documentation y afférente, entendre les parties, délibérer et rédiger une décision argumentée de presque quatre pages. Difficile de ne pas soupçonner que les carottes n’étaient pas déjà cuites, même surcuites, avant que la décision soit formalisée. Précipitation d’autant plus inquiétante que le Conseil d’Etat, ayant des difficultés pour invoquer la motivation usuelle, à savoir celle « des risques de trouble à l’ordre public », s’est lancé dans une curieuse improvisation invoquant des références très subjectives comme des « propos » (ceux de l’humoriste) de « nature à mettre en cause la cohésion nationale » ou l’atteinte aux « valeurs de dignité de la personne humaine ».

On crée ainsi, discrètement, des préceptes qui pénaliseront un jour toute contestation que les pouvoirs estimeront de nature à menacer la « cohésion nationale » ou une quelconque interprétation des valeurs de la dignité humaine.

Mais la question semble encore plus délicate lorsque l’on apprend que le 16 décembre 2013 le président Hollande recevait en audience Monsieur Maurice Cukierman, président du Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF) lequel annonçait, avant de se rendre à l’Elysée, qu’il allait réclamer des mesures contre les campagnes
antisémites et en particulier contre le geste de la quenelle popularisé par Dieudonné. Le président français fait siennes ces demandes et c’est ainsi que son ministre de l’Intérieur lance, ipso facto, la campagne anti-Dieudonné.

Tout semble donc indiquer qu’il y eut une troublante concomitance entre les sollicitations du CRIF et l’orchestration de l’opération destinée à faire taire l’humoriste. Notons au passage que l’universitaire juive française et sénatrice écologiste Esther Benbassa se demandait à propos du CRIF « … s’il n’est pas plutôt le porte-parole d’Israël en France, comme une seconde ambassade de ce pays » 1.

Si à cela s’ajoute le fait que le ministre Valls avouait en des termes assez forts son rapport à ce pays – « je suis lié, disait-il, de manière éternelle à la communauté juive et à Israël » 2 – et la grande tolérance qu’a connu, dans cette affaire, le comportement de l’avocat Arno Klarsfeld, on est en droit de se poser des questions sur la neutralité et la sérénité qui devraient commander ce genre de décisions.

Cet avocat, connu pour son attachement passionné à l’Etat d’Israël (il était
engagé dans son armée en 2002), n’a pas hésité à faire des appels publics à manifester contre la tenue des spectacles de Dieudonné. Très proche du dossier, il ne pouvait pas ignorer qu’en agissant ainsi, cherchant à provoquer les faits qui
justifieraient l’interdiction de l’humoriste, il se rendait coupable d’incitation aux attroupements et donc aux troubles de l’ordre sanctionnés par le Code pénal français (articles 431-3 et 4). Raison largement suffisante pour qu’il soit condamné
pénalement et relevé de ses fonctions. Hypothèse invraisemblable dans le royaume de Monsieur Valls : Monsieur Arno Klarsfeld est membre de ce Conseil d’Etat.

L’auteur du présent texte est conscient que faire état de ces « détails » suffit de nos jours pour être immédiatement accusé d’antisémitisme. Mais, comme l’enseignait le philosophe espagnol Miguel de Unamuno « il y a des circonstances dans lesquelles se taire c’est mentir ». Et pourquoi alors devrait-on être obligé de se taire, au risque de mentir, et se poser la question si, par exemple, la politique palestinienne de la France, particulièrement complaisante envers Tel-Aviv, ne serait pas influencée par le CRIF et ses réseaux ?

Pourquoi deux des plus importants théoriciens des sciences politiques aux Etats-Unis, John Mearsheimer et Stephen Walt (respectivement des universités de Chicago et d’Harvard), peuvent-ils publier un livre devenu best-seller sur « Le lobby pro israélien et la politique étrangère américaine » et que semblable démarche soit inimaginable chez leurs collègues français (ou belges) ? Ou qu’un journaliste d’investigation de la taille de Seymour Hersh, une icône du métier, puisse affirmer, sans avoir un Manuel Valls américain à ses trousses, que « L’argent des juifs contrôle les candidats présidentiels » des Etats-Unis tout en gardant son poste de chroniqueur étoile du « New York Times » ?

Le regretté Guy Spitaels me disait « chez nous, on peut parler vaguement des influences des milieux pro israéliens; mais parler ouvertement de lobby juif, c’est exclu ». Il répondait à une de mes questions autour de son livre « Obama président : la
méprise ». J’insiste : mais pourquoi ?

La réponse revient peut-être encore à Esther Benbassa lorsqu’elle parlait des pouvoirs qui en  » faisant plier les uns et les autres (…) par le biais de l’autocensure, sensible chez bien des journalistes, craignant à juste titre d’être soupçonnés d’antisémitisme dès qu’ils oseront critiquer la politique israélienne ».

Voilà des questions majeures que l’on devrait pouvoir discuter si les pitreries antisémites de Monsieur M’bala M’bala, en servant de diversion, ne facilitaient pas la tâche de ceux qui cherchent justement à ce qu’elles ne soient jamais discutées. Triste situation qui nous ramène à la si juste définition du magistrat Serge Braudo lorsqu’il disait qu’un pays démocratique « est celui où les citoyens ont la
liberté de commettre une infraction. Un pays totalitaire est celui où l’exercice de la liberté est une infraction. »

(1) Libération, 07.02.2010

(2) Déclarations à Radio hébraïque le 11.06.2011

Titre et sous-titre sont de la rédaction

Vladimir Caller

Politologue et journaliste.

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