LE MONDE | 15.03.2014 à 10h52 |Par Philippe Bernard

Né de l’union inédite entre un milliardaire du Web et des journalistes d’investigation américains dans le contexte de l’affaire Snowden, un nouveau magazine en ligne, The Intercept, dessine peut-être l’architecture des médias de l’avenir. Depuis son lancement, le 10 février, il revendique activement sa première raison d’être : la dénonciation de la surveillance planétaire exercée par l’Agence nationale de la sécurité (NSA) américaine.
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Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, s’est plaint auprès de Barack Obama, jeudi 13 mars, des intrusions de la NSA dans le réseau social. La veille, il avait lu dans The Intercept une enquête décrivant les faux serveurs Facebook utilisés par l’agence pour s’immiscer dans les ordinateurs des usagers du réseau social. Les révélations sur l’utilisation à grande échelle de logiciels malveillants par la NSA s’appuient sur des documents fournis par Edward Snowden.
Le nouveau site correspond au premier étage de la « plate-forme journalistique » First Look Media, imaginée et financée par Pierre Omidyar, le fondateur d’eBay.Ses pièces maîtresses sont les deux journalistes-vedettes de l’affaire Snowden : Glenn Greenwald, qu’il a débauché du quotidien britannique The Guardian, et la documentariste Laura Poitras. Mais distiller de nouvelles révélations et les documents que s’est procurés l’ancien collaborateur de la NSA, réfugié à Moscou, ne constitue qu’une première étape pour The Intercept.
Le site a pour ambition de « produire un journalisme courageux et ouvert à la contradiction ». Et de « promouvoir la transparence et l’obligation de rendre des comptes auprès des institutions gouvernementales et des entreprises les plus puissantes ». Il propose à ses « sources » de déposer anonymement des documents à publier.
RENOUVEAU DE LA PRESSE
The Intercept s’est déjà offert les services de Jeremy Scahill, ancien de la revue de gauche The Nation, de Matt Taibbi, journaliste du magazine Rolling Stone et grand pourfendeur de Wall Street, et de John Cook, connu pour ses reportagesravageurs sur la chaîne de télévision conservatrice Fox News.
D’un point de vue financier, The Intercept a probablement le temps de voir venir : la fortune de son promoteur, Pierre Omidyar, 46 ans, est évaluée à 8,5 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros) par le magazine Forbes.
M. Omidyar, qui est né à Paris et vit aujourd’hui à Honolulu (Hawaï), a décidé de destiner une partie de sa fortune au renouveau de la presse, dont la liberté, pense-t-il, est menacée par la surveillance généralisée de la NSA.
En 2013, M. Omidyar s’est porté candidat au rachat du Washington Post. C’est finalement Jeffrey Bezos, le patron d’Amazon, qui, en août, a racheté le journal pour 250 millions de dollars. En octobre, Pierre Omidyar annonçait qu’il investissait une somme équivalente dans une nouvelle aventure : la presse d’investigation.

Voyez l’interview de Glenn Greenwald sur Democracy Now