Comment Israël et le CRIF manipulent la lutte contre l’antisémitisme


Dominique Vidal & Betrand Heilbronn –

Source: Externe

Ce qui intéresse le gouvernement israélien et nombre de ses soutiens n’est pas le combat tout à fait justifié contre l’antisémitisme, comme le prouve le flirt de Benyamin Netanyahu avec des forces d’extrême droite en Europe. Il s’agit avant tout de dévoyer ce combat pour discréditer la solidarité avec les Palestiniens, comme le prouve le débat sur la définition de l’antisémitisme

 

Le 6 décembre 2018, le conseil Justice et affaires intérieures de l’Union européenne (UE) adoptait, sans débat, une  déclaration sur la lutte contre l’antisémitisme et la protection des communautés juives en Europe. Louable intention, sauf que… l’article 2 de cette déclaration invite les États membres à adopter la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste (IHRA). Pendant la présidence autrichienne de l’UE, de juillet à décembre 2018, Israël et le puissant lobby pro-israélien se sont activés dans le plus grand secret et n’ont ménagé aucun effort pour obtenir ce résultat. Quelle est donc cette «définition IHRA» qu’Israël et ses soutiens inconditionnels veulent imposer?

En 2015, au lendemain de l’offensive meurtrière israélienne contre la population de Gaza massivement condamnée par l’opinion mondiale, le lobby israélien relance une offensive avortée dans les années 2000, visant à promouvoir une définition de l’antisémitisme intégrant la critique d’Israël. Sa cible: l’IHRA, un organisme intergouvernemental regroupant 31 États, au sein duquel le lobby pro-israélien dispose d’un relais. En mai 2016, l’IHRA a adopté sa «définition» de l’antisémitisme:

« L’antisémitisme est une certaine perception des juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des personnes juives ou non-juives et/ou leur propriété, contre les institutions de la communauté juive ou les lieux religieux. (traduction de l’Association France-Palestine solidarité (AFPS)

Présentée comme «non contraignante sur le plan juridique», elle est parfaitement indigente, se bornant à préciser que l’antisémitisme «est une certaine perception des juifs, qui peut être exprimée comme de la haine envers les juifs». Rien là pourtant d’innocent. Car le communiqué de presse de mai 2016 ajoute: «Pour guider l’IHRA dans son travail, les exemples suivants peuvent servir d’illustration.» Jamais adoptés par l’IHRA, lesdits exemples servent pour la plupart à assimiler la critique d’Israël à l’antisémitisme:

➞ «Les manifestations [d’antisémitisme] peuvent inclure le ciblage de l’État d’Israël», tout en précisant plus loin que «la critique d’Israël similaire à celle qui peut être faite à un autre pays ne peut pas être considérée comme antisémite». Similaire, qu’est-ce que cela veut dire, quand les réalités sont spécifiques, ou pour des associations dédiées à la défense des droits du peuple palestinien?

➞ «Accuser les citoyens juifs d’être plus loyaux à l’égard d’Israël (…) qu’aux intérêts de leur propre nation». «Les» ou «des»… On n’aurait donc plus le droit de dire que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) est devenu une annexe de l’ambassade d’Israël?

➞ «Nier au peuple juif le droit à l’autodétermination, en prétendant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est une entreprise raciste.» La nouvelle loi fondamentale d’Israël réserve le droit à l’autodétermination au seul «peuple juif». On n’aura plus le droit de la combattre?

➞ «Faire preuve d’un double standard en exigeant de sa part [de l’État d’Israël] un comportement qui n’est attendu ni requis d’aucun autre pays démocratique.» Les situations sont différentes, quel serait le critère?

la suite de l’article ici

en fait repris d’ici

 

Complotisme et antisémitisme : Avec qui manifester notre solidarité envers le peuple palestinien ?


Avec Abouna Paolo

Avec Abouna Paolo

Rédigé le 19 mai 2015 par: Marie Peltier

La question de l’importation du conflit israélo-palestinien est régulièrement évoquée dans le débat public depuis plusieurs années. Derrière cette appellation souvent floue, se cachent des enjeux complexes et multiples, souvent instrumentalisés ou « brouillés » par certains partisans de l’un et l’autre « camp ». Parmi ces enjeux, la question de l’antisémitisme ne peut être contournée

Le lien entre la recrudescence de l’antisémitisme et l’enlisement du conflit politique en Israël/Palestine semble de plus en plus prégnant. Pour approcher cette question délicate, nous nous attacherons ici à un des nombreux aspects de cette problématique, non pas dans une optique exhaustive, mais bien pour ouvrir un questionnement : « Comment le complotisme instrumentalise-t-il la cause palestinienne dans une perspective antisémite? » ou, pour le dire en d’autres termes, « Comment le complotisme et l’antisémitisme ont-ils « contaminé » certains acteurs de la défense de la cause palestinienne? ».

Antisémitisme et complotisme

Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, il convient d’abord de souligner la dynamique du complotisme[1], qui se construit en 2 temps :

· Il s’agit d’abord de dire à l’individu qu’il ne peut plus croire personne car « tout le monde lui ment ». Les idéologues du « complot » instillent ainsi un doute fondateur sur toutes les réalités qui entourent le sujet. En essentialisant le réel, désigné comme un « système » organisé et intrinsèquement mensonger, l’opprobre est ainsi jetée sur toute parole autre que la leur.

· Vient ensuite la phase de sectarisation et de dogmatisation : « On vous apporte la seule vérité ». L’individu, qui a été mis en position de grand inconfort voire d’anxiété vis-à-vis des réalités politiques et médiatiques qui l’entourent, en vient donc à « boire » ce discours comme une réponse à ce malaise.

Les antisémites s’appuient généralement sur cette logique complotiste. Pour eux, les seules « réponses » mises en avant consistent en réalité à désigner des « coupables universels » : « Les responsables de tous vos/nos malheurs sont le lobby juif et/ou le lobby sioniste et/ou le lobby judeo-maçonnique »,  comprenez ici « les juifs ».

Certains acteurs de la défense de la cause palestinienne peuvent en venir à entretenir ou nourrir cette dynamique, parce qu’ils ne prennent pas garde au registre sémantique et rhétorique de leur positionnement. En effet, si certains, minoritaires, entretiennent cette rhétorique dans une perspective clairement antisémite,  d’autres, plus nombreux, peuvent glisser vers ce registre simpliste et aux implications potentiellement haineuses par manque de vigilance quant à la terminologie et à la matrice de leur discours. Dès lors, comment y voir clair ?

Posture « anti-système » et instrumentalisation de la cause palestinienne

La nébuleuse complotiste, et plus particulièrement dans le monde francophone celle qui est alimentée par Thierry Meyssan, Dieudonné, Alain Soral et leurs « proches », a fomenté une posture présentée comme « anti-système ». Cette posture consiste en fait à rejeter en bloc tout discours militant, politique et médiatique autre que le leur, en fustigeant un « système » qui serait aux seules mains d’une élite mondialisée qu’il faudrait non pas combattre (car rien n’est proposé concrètement en termes d’actions) mais « dénoncer » en boucle.

Cette posture « anti-système » peut dans les faits se confondre avec le discours de certains militants véritables de la cause palestinienne qui s’enferment dans un anti-impérialisme (qui devient primaire et borgne), dans la mesure où ces derniers rendent le conflit israélo-palestinien paradigmatique, comme s’il suffisait à lui seul comme grille de lecture pour toute situation d’injustice au Proche-Orient, dans le monde, et pour la vie en société ici.

Il y a en effet une tendance assez prégnante dans certains mouvements de gauche et d’extrême-gauche à évacuer la complexité des logiques d’oppression, en se focalisant uniquement sur l’impérialisme américain, dont l’occupation par Israël des territoires palestiniens serait l’incarnation « suprême ». Dans cette logique binaire et souvent obsessionnelle, le glissement sémantique peut se faire rapidement. Car en « hyperbolant » une situation de réelle injustice, on prend le risque non seulement de la décrédibiliser, mais également de s’aveugler sur d’autres réalités et d’autres situations d’injustice tout aussi avérées[2]. Cette dynamique peut conduire certains à s’associer – consciemment ou inconsciemment – à des acteurs ou à des discours hostiles à la vision émancipatrice et progressiste qu’ils prétendent défendre.

Quelques balises pour y voir clair

Pour éviter de nourrir ces ambiguïtés et de glisser vers des compromissions inacceptables dans le combat démocratique et antiraciste, il y a, comme dans toute lutte, une importance capitale à préserver des lignes rouges clairement définies.

A cette fin, il n’est pas inutile de rappeler quelques basiles qui peuvent guider et clarifier le positionnement des acteurs engagés dans la défense de la cause palestinienne, afin d’apporter des éléments de réponse à cette question : « à quoi faut-il veiller pour un engagement militant cohérent et conséquent ? »

1) Il s’agit d’accorder une attention particulière aux sources bibliographiques et numériques utilisées pour notre combat. Au-delà du fait qu’ils diffusent beaucoup de fakes et de propos délirants, les sites antisémites et complotistes sont devenus « champions » dans la reprise d’articles « sérieux » et « intéressants » – qu’ils copient-collent sur leur site pour gagner de la crédibilité et pour élargir leurs réseaux. Il importe donc de ne pas céder à cette technique de manipulation « classique » des mouvements d’extrême-droite : on ne reprend pas un article même pertinent sur un site qui est par ailleurs antisémite et/ou négationniste et/ou soutenant explicitement d’autres situations d’injustice par ailleurs (par exemple certains régimes dictatoriaux au Proche Orient ou ailleurs dans le monde). Tout simplement parce que ces sites sont incompatibles et même hostiles au combat démocratique et pour la justice que nous menons.

2) Dans le même esprit, et de manière transversale, la justesse de l’imagerie mobilisée pour notre engagement militant est essentielle. En ce qui concerne la défense de la cause palestinienne, il s’agit de veiller aux représentations et à la symbolique utilisées, de manière à éviter tout registre « ethnique », tout cliché raciste et/ou historiquement chargé (les juifs banquiers, les juifs qui tirent les ficelles, les images et symboles évoquant le génocide juif et le nazisme, etc). Le registre symbolique choisi est en effet révélateur de la matrice de notre discours et de notre engagement : en venant « polluer » un combat avec des références lourdes de sens d’un point de vue mémoriel et sémantique, on prend le risque de détourner une action politique vers un discours de haine et de stigmatisation.

3) Parallèlement, l’attention aux mots, au vocabulaire utilisé est fondamentale. L’enjeu, encore une fois, est de veiller à n’entretenir ni l’ « hyperbolation », ni l’essentialisation, ni l’instrumentalisation mémorielle, et de bannir toute référence antisémite. Plus encore, il convient de redonner sens aux mots, en ne jetant pas en pâture une terminologie non-clarifiée auprès des personnes qui l’utilisent. A cette fin, l’exigence en termes de connaissance des enjeux est fondamentale : revenir sur l’histoire du conflit, sur la définition du sionisme, sur les différents acteurs en présence, sur une meilleure connaissance des sociétés civiles palestinienne et israélienne (etc.) permet de ramener les choses au « réel » et non à la « projection ». A cet égard, l’importance de la formation et de l’apport d’une information de qualité dans les écoles, auprès des acteurs sociaux, des militants, des politiques (etc.) est essentielle.

En filigrane de ces différents points d’attention, il y a une exigence : celle d’accorder une importance capitale – et conséquente – au choix des acteurs avec qui l’on s’associe. En quelques mots simples, on pourrait dire ceci : ce n’est pas parce qu’un acteur dit défendre la cause palestinienne que l’on doit considérer d’emblée qu’il est un allié. Et plus encore : l’intégrité du combat démocratique et antiraciste doit primer sur des alliances de circonstances qui portent préjudice à la cause et la décrédibilisent dans ses fondements.

Les perspectives à retrouver

Cet ajustage terminologique et sémantique est d’une nature bien plus fondamentale qu’un simple « toilettage » : il s’agit en réalité de  se recentrer sur la lutte active, politique et militante que le complotisme, chantre de la passivité, évacue. Plutôt que de désigner des « coupables » en boucle, l’enjeu est de proposer des pistes concrètes d’action,  de réflexion, dans une dynamique proactive, constructive et non-victimaire.

D’autre part, il est bien ici question de réinscrire notre engagement dans une visée universaliste de la lutte antiraciste et du combat pour la justice, tenant compte de la complexité des acteurs et des enjeux ainsi que de la diversité des situations d’injustice.

Car c’est bien en unifiant les luttes, et non en les divisant et en les opposant artificiellement, qu’elles peuvent gagner en crédibilité, en cohérence et en intégrité. Et qu’elles peuvent donc se rendre, in fine, plus audibles et efficaces.


[1] Sur cette question voir : Marie Peltier, « Complosphère et Dissidence, le triomphe de la posture », Pax Christi Wallonie-Bruxelles, Février 2015 –http://paxchristiwb.be/publications/analyses/complosphere-et-dissidence-le-triomphe-de-la-posture,0000554.html

[2] L’immobilisme de ces mêmes mouvements face au conflit syrien en a été un exemple révélateur.

Pour le droit de débattre et de critiquer librement


  • Le mercredi 4 mars 2015, le cercle BDS de l’ULB organisait une action sur l’avenue Paul Héger à Ixelles, dénonçant les politiques menées par le gouvernement israélien. Le lendemain, un montage vidéo fut publié et les journaux titrèrent « Dérapage antisémite ». La polémique était lancée.

    Dans un souci de libre examen, le Recteur a réuni toutes les parties ainsi que des témoins pour faire la lumière sur les faits. Après que des torts partagés ont pu être reconnus, la conclusion du Recteur sur son blog fut claire : « il n’y avait pas d’intention antisémite dans le chef des manifestants » (1).

    L’incident semblait être clos. Nous avons dès lors été très préoccupé·e·s par la « Carte blanche » publiée dans Le Soir de ce vendredi 27 mars et signée par une septantaine de personnalités membres ou proches de l’ULB (2), invitant le Recteur de l’ULB à retirer au cercle BDS-ULB « la reconnaissance officielle de l’université et l’autorisation à porter son sigle« , ce qui revient à prôner la suppression pure et simple, sans autre forme de dialogue, du cercle au sein de l’ULB.

    S’il devait être avéré qu’il y avait eu un acte d’antisémitisme, nous serions les premièr·e·s à le dénoncer. Rappelons que la loi permet de poursuivre toute incitation à la haine raciale quelle qu’elle soit. Cependant, jusqu’à présent, aucune plainte n’a été déposée et aucune condamnation n’a été prononcée à l’encontre de BDS-ULB pour de tels actes.

    L’amalgame récurrent entre la critique de la politique menée par l’Etat d’Israël et l’antisémitisme est un outil d’intimidation intellectuelle qui n’a pas sa place dans la pratique du libre examen. Il vise à rendre illégitime toute remise en question de la politique menée par le gouvernement israélien et a en outre pour effet de monter les membres de la communauté étudiante les un·e·s contre les autres. Nous appelons à plus de sérénité dans la manière dont sont abordées ces questions politiques.

    Comme l’a très bien souligné le Recteur : « On peut lutter contre les thèses de BDS, contre toutes ou, comme dans mon cas, certaines d’entre elles, mais on ne peut le faire au détriment de la vérité, de la justice et du respect que l’on doit à toute personne« (1).

    BDS-ULB rejette le boycott individuel mais défend le boycott économique et institutionnel (et donc académique) comme moyen pacifique pour faire pression sur le gouvernement israélien. C’est un point de vue politique qui ne fait pas l’unanimité parmi nous, mais nous restons convaincu·e·s que seule la confrontation d’idées, qui reste l’ADN de notre institution, et non le sectarisme intellectuel, est la manière libre-exaministe de réfléchir à cette question.

    En tant que membres de la communauté universitaire et/ou proches de l’ULB, nous revendiquons le droit à débattre et à critiquer librement. Les revendications politiques de BDS-ULB ne sont peut-être pas partagées par tous, mais la liberté d’expression est un droit essentiel et la pluralité des points de vue, indispensable à toute société démocratique. Nous ne soutenons pas cet appel au retrait de l’enregistrement de BDS-ULB. Un appel non fondé qui jette le discrédit sur le cercle BDS-ULB, sans autre forme de débat, et qui relève tout simplement de la censure. Nous ne pouvons partager cette démarche qui ternit l’image de l’université en diabolisant des membres de sa communauté.

     

    (1) Didier Viviers, La fin ne justifie pas les moyens, publié sur le blog-notes de Didier Viviers, Recteur de l’Université libre de Bruxelles, 12 mars 2015. http://blog-recteur.ulb.ac.be/

    (2) Cette carte blanche, parue dans le soir le 27 mars 2015, a été relayée par l’Union des Anciens Etudiants et est disponible sur le compte de l’UAE : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=944972222203032&id=238684106165184

    Plus de 200 personnalités de ou proches de l’ULB ont décidé de prendre position ensemble contre les demandes de censures formulées à l’encontre du cercle BDS-ULB. Face à la diabolisation, ils défendent le droit au débat et à la critique.

    voir article complet ici

Accusations d’antisémitisme à l’ULB : un manque de rigueur journalistique.


Accusations d’antisémitisme à l’ULB : un manque de rigueur journalistique. | Association belgo-palestinienne

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Ce mercredi 4 février, une action réalisée par le cercle BDS de l’ULB dans le cadre de l’Israeli Apartheid Week a été l’objet d’accusations fausses par des groupes de soutien à la politique coloniale israélienne et entretenue par une presse francophone qui n’a pas jugé opportun d’analyser les faits.

 

Une fois de plus, les actions du mouvement Boycott Désinvestissement et Sanctions ont fait  l’objet d’une récupération écœurante de la part de mouvements de défense de la politique israélienne. Grâce à un montage réalisé par l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB), appuyé par un communiqué Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme et diffusé dans la presse, l’idée que des propos antisémites avaient été tenus s’est largement diffusée dans la presse francophone,.

 

Grâce à une intervention du rectorat de l’ULB, un communiqué de presse commun de l’UEJB et des étudiants du cercle BDS de l’ULB a démenti cette analyse tronquée : aucun propos antisémite n’a été tenu lors de cette action et il s’agissait bien d’un montage qui poussait à la surinterprétation de propos certes dommageables. Malgré ce communiqué, la presse francophone n’a pas pour sa part pas jugé nécessaire de démentir ces accusations qu’elle a diffusées sans aucune mise en perspective critique, comme étant véritables. Simon Moutquin, chargé » de mobilisation à l’Association belgo Palestinienne complète :« Le climat actuel de tensions communautaires, aussi vendeur soit-il pour la presse, ne peut être attisé de cette manière par une désinformation avérée au profit du bien vivre ensemble. Sous couvert d’une lutte contre l’antisémitisme, ces propos relayés dans la presse  ne font qu’attiser de fausses polémiques qui présentent un réel danger pour le dialogue entre communautés. Les valeurs du BDS sont identiques à celles qui animent les mouvements de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le colonialisme, il ne s’agit ni plus ni moins que celles émanant de la déclaration universelle des droits de l’Homme »

 

La semaine « Israeli Apartheid week » s’inscrit dans la lignée de la campagne BDS qui vise à condamner la politique coloniale pratiquée par Israël. Les revendications de l’appel BDS sont la fin de l’occupation des territoires palestiniens, des droits égaux pour les Arabes israéliens en Israël ainsi que le droit au retour des réfugiés.

 

Suite à ces constats, l’Association Belgo Palestinienne exige que, sur base du communiqué de presse commun UEJB/BDS-ULB, les propos attribués aux étudiants du BDS-ULB de manière erronées soient rectifiés

 

et


Communiqué de presse du comité BDS-ULBLe cercle #BDS de l’#ULB tient à démentir formellement toutes les accusations diffamatoires parues dans la presse ces derniers jours, à l’initiative de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (#UEJB) et de Joël Rubinfeld, président de la Ligue Belge Contre l’Antisémitisme (#LBCA), et par ailleurs ancien vice-président du Parti Populaire.
La campagne BDS – Boycott, Désinvestissement, Sanctions – rejette et condamne fermement toute forme de racisme, et en premier lieu l’antisémitisme !
Le mouvement BDS est un appel issu de la société civile palestinienne qui se base sur le droit international et vise trois objectifs : le droit au retour des réfugiés, la fin de la colonisation en Cisjordanie et la fin de la discrimination raciale en Israël. Il s’agit d’un mouvement indépendant de toute organisation politique, y compris palestinienne. Les accusations de soutien envers le Hamas, ou quelque autre organisation n’ont aucun fondement et nous nous en défendons formellement. Nous ne prenons pas de position en faveur d’une solution à un ou deux états, défendant la liberté du peuple palestinien de choisir son propre avenir politique.
BDS prône un boycott des institutions israéliennes, et conformément à ce principe, nos actions n’ont jamais visé des individus, mais cherchent à dénoncer la politique colonialiste d’un Etat, condamné à de nombreuses reprises par l’O.N.U.
C’était également le cas ce 4 mars, lorsque nous avons déployé une banderole figurant le Mur érigé par les autorités israéliennes, en grande partie sur les territoires occupés de Palestine, et jugé illégal par la Cour Internationale de Justice. Cette action visait à dénoncer la politique d’apartheid du régime israélien envers la population palestinienne, tout en appelant l’ULB à mettre fin à tout partenariat académique avec les universités israéliennes directement impliquées dans la recherche au service de l’armée israélienne.
Le BDS et l’UEJB ont indéniablement des différends politiques concernant l’analyse du conflit israélo-palestinien. Nous déplorons l’amalgame qui est ici fait avec l’antisémitisme, accusation grave et diffamatoire dont nous nous sommes toujours défendus et dont nous nous défendrons toujours. Cette accusation réitérée par le #CCOJB et la LBCA a pour seul but de décrédibiliser toute critique politique des actions du gouvernement israélien.
Le montage vidéo posté par l’UEJB et repris par la presse, laisse penser que le cercle BDS aurait délibérément pris à partie des étudiants. Or, les échanges animés très partiellement reproduits dans ce montage, répondaient à des propos défendant ouvertement l’occupation militaire et le régime d’apartheid sur les territoires palestiniens, jusqu’à renier l’existence même des Palestiniens.
Les accusations portées contre le comité BDS-ULB ne sont qu’une énième tentative de la part des défenseurs d’un Etat criminel de décrédibiliser le mouvement BDS. Nous nous réservons le droit de porter plainte en justice contre les personnes et/ou organisations nous ayant diffamés.
Le comité BDS-ULB

 

 

 

antisémitisme, antijudaisme, antiisraélisme, par Edgar Morin


antisémitisme, antijudaisme, antiisraélisme, par Edgar Morin

 


date de publication : lundi 26 janvier 2015

 

Un texte d’Edgar Morin, publié initialement dans Le Monde le 18 février 2004, et qui se termine par l’exclamation : “Que de tragédies encore, que de désastres en perspectives, si l’on n’arrive pas à faire entrer le réalisme dans le réel !

 

Il y a des mots qu’il faut ré-interroger ; ainsi le mot antisémitisme. En effet ce mot a remplacé l’anti-judaisme chrétien, lequel concevait les Juifs comme porteurs d’une religion coupable d’avoir condamné Jésus, c’est-à-dire, si absurde que soit l’expression pour ce Dieu ressuscité, coupable de déicide.

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L’Église triomphante
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La Synagogue vaincue

Anti-judaïsme chrétien au xiiie siècle

Le portail sud de la cathédrale de Strasbourg comporte deux statues remarquables réalisées vers 1230 :

- à gauche, l’Église victorieuse et couronnée, tenant dans ses mains le calice et la bannière que surmonte la croix, considère avec assurance la Synagogue,

- à droite la Synagogue vaincue tient une lance brisée et détourne sa tête aux yeux bandés,expression de son refus de reconnaître dans le Christ le Messie attendu. Elle paraît laisser tomber les tables de la Loi, symbole de l’Ancien Testament dépassé.

Voir également à Metz

L’antisémitisme lui est né du racisme et conçoit les Juifs comme ressortissant d’une race inférieure ou perverse, la race sémite. A partir du moment où l’antijudaisme s’est développé dans le monde arabe, lui-même sémite, l’expression devient aberrante et il faut revenir à l’idée d’antijudaisme, sans référence désormais au « déicide ».

Il y des mots qu’il faut distinguer, ce qui n’empêche pas qu’il s’opère des glissements de sens des uns aux autres.

Ainsi il faut distinguer l’anti-sionisme de l’anti-israélisme. En effet, l’antisionisme dénie non seulement l’installation juive en Palestine, mais essentiellement l’existence d’Israël comme nation. Il méconnaît que le sionisme, au siècle des nationalismes, correspond à l’aspiration d’innombrables Juifs, rejetés des nations, à constituer leur nation.

Israël est la concrétisation nationale du mouvement sioniste. L’anti-israélisme a deux formes ; la première conteste l’installation d’Israël sur des terres arabes, se confond avec l’antisionisme, mais en reconnaissant implicitement l’existence de la nation israélienne. La seconde est partie d’une critique politique devenant globale de l’attitude du pouvoir israélien face aux Palestiniens et face aux résolutions de l’ONU qui demandent le retour d’Israël aux frontières de 1967.

Comme Israël est un Etat juif, et comme une grande partie des Juifs de la diaspora se sentant solidaires d’Israël, justifient ses actes et sa politique, il s’opéra alors des glissements de l’anti-israélisme à l’antijudaisme. Ces glissements sont particulièrement importants dans le monde arabe et plus largement musulman où l’anti-sionisme et l’antiisraélisme vont produire un antijudaisme généralisé. Plus les Juifs s’identifient à Israël, plus on identifiera Israël aux Juifs, plus l’anti-israélisme devient antijudaisme.

Y-a-t-il un antijudaisme français qui serait comme l’héritage, la continuation ou la persistance du vieil antijudaisme chrétien et du vieil antisémitisme européen ? C’est la thèse officielle israélienne reprise par les institutions dites communautaires et certains intellectuels juifs.

Or il faut considérer qu’après la collaboration des antisémites français à l’occupant hitlérien, puis la découverte de l’horreur du génocide nazi, il y eut affaiblissement par déconsidération du vieil antisémitisme nationaliste-raciste ; il y eut, parallèlement, suite à l’évolution de l’église catholique, dépérissement de l’antijudaisme chrétien qui faisait du Juif un déicide, puis l’abandon de cette imputation grotesque. Certes il demeure des foyers où l’ancien antisémitisme se trouve ravivé ; il demeure des résidus des représentations négatives attachées aux juifs qui demeurent vivaces dans différentes parties de la population ; il demeure enfin dans l’inconscient français des vestiges ou racines de « l’inquiétante étrangeté » du Juif, ce dont a témoigné l’enquête La rumeur d’Orléans(1969) dont je suis l’auteur.

Mais les critiques de la répression israélienne, voire même l’anti-israélisme lui-même ne sont pas les produits du vieil antijudaisme.

On peut même dire qu’il y eut en France, à partir de sa création accompagnée de menaces mortelles, une attitude globalement favorable à Israël. Celui ci a été d’abord perçu comme nation-refuge de victimes d’une horrible persécution, méritant une sollicitude particulière. Il a été en même temps perçu comme une nation exemplaire dans son esprit communautaire incarné par le kibboutz, dans son énergie créatrice de nation moderne, unique dans sa démocratie au Moyen-Orient. Ajoutons que bien des sentiments racistes se sont détournés des Juifs pour se fixer sur les Arabes, notamment pendant la guerre d’Algérie, ce qui a bonifié davantage l’image d’Israël.

La vision bienveillante pour Israël se transforma progressivement à partir de 1967, c’est-à-dire avec l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, puis avec la résistance palestinienne, puis avec la première Intifada, où une puissante armée s’employa à réprimer une révolte de pierres, puis avec la seconde Intifada qui fut réprimée par violences et exactions disproportionnées. Israël fut de plus en plus perçu comme Etat conquérant et oppresseur. La formule gaullienne, dénoncée comme antisémite : « peuple dominateur et sûr de lui » devint truisme. La poursuite des colonisations qui grignotent sans cesse les territoires palestiniens, la répression sans pitié, le spectacle des souffrances endurées par le peuple palestinien, tout cela détermina une attitude globalement négative à l’égard de la politique de l’Etat israélien, et suscita un anti-israélisme dans le sens politique que nous avons donné à ce terme.

C’est bien la politique d’Israël qui a suscité et amplifié cette forme d’anti-israélisme et non la résurgence de l’antisémitisme européen. Mais cet anti-israélisme a très peu dérivé en anti-judaisme dans l’opinion française.

Par contre, la répression israélienne et le déni israélien des droits palestiniens produit et accroît les glissements de l’anti-israélisme à l’anti-judaisme dans le monde islamique. Ce nouvel antijudaisme musulman reprend les thèmes de l’arsenal anti-juif européen (complot juif pour dominer le monde, race ignoble) qui criminalise les Juifs dans leur ensemble. Plus les Juifs de la diaspora s’identifient à Israël, plus on identifie Israël aux Juifs, plus l’anti-israélisme devient antijudaïsme. Cet antijudaisme s’est répandu et aggravé, avec l’aggravation même du conflit israélo-palestinien, dans la population française d’origine arabe et singulièrement dans la jeunesse. De fait, il y a non pas pseudo-réveil de l’antisémitisme européen, mais développement d’un antijudaisme arabe. Or, plutôt que de reconnaître, la cause de cet antijudaisme arabe, qui est la tragédie du Moyen-Orient, les autorités israéliennes, les institutions communautaires et certains intellectuels juifs préfèrent y voir la preuve de la persistance ou renaissance d’un indéracinable antisémitisme européen.

Dans cette logique, toute critique d’Israël apparaît comme antisémite. Du coup beaucoup de Juifs se sentent persécutés dans et par cette critique. Ils sont effectivement dégradés dans l’image d’eux-mêmes comme dans l’image d’Israël qu’ils ont incorporée à leur identité. Ils se sont identifiés à une image de persécutés ; la Shoah est devenue le terme qui établit à jamais leur statut de victimes des gentils ; leur conscience historique de persécutés repousse avec indignation l’image répressive de Tsahal que donne la télévision. Cette image est aussitôt remplacée dans leur esprit par celle des victimes des kamikazes du Hamas, qu’ils identifient à l’ensemble des Palestiniens. Ils se sont identifiés à une image idéale d’Israël, certes seule démocratie dans un entourage de dictatures, mais démocratie limitée, et qui, comme l’ont fait bien d’autres démocraties, peut avoir une politique coloniale détestable. Ils ont assimilé avec bonheur l’interprétation bibliquement idéalisée qu’Israël est un peuple de prêtres.

Ceux qui sont solidaires inconditionnellement d’Israël se sentent persécutés intérieurement par la dénaturation de l’image idéale d’Israël. Ce sentiment de persécution leur masque évidemment le caractère persécuteur de la politique israélienne.

Une dialectique infernale est en œuvre. L’anti-israélisme accroît la solidarité ente Juifs de la diaspora et Israël. Israël lui-même veut montrer aux Juifs de la diaspora que le vieil antijudaisme européen est à nouveau virulent, que la seule patrie des Juifs est Israël, et par là-même a besoin d’exacerber la crainte des Juifs et leur identification à Israël.

Ainsi les institutions des Juifs de la diaspora entretiennent l’illusion que l’antisémitisme européen est de retour, là où il s’agit de paroles, d’actes ou d’attaques émanant d’une jeunesse d’origine islamique issue de l’immigration. Mais comme dans cette logique toute critique d’Israël est antisémite, il apparaît aux justificateurs d’Israël que la critique d’Israël, qui se manifeste de façon du reste fort modérée dans tous les secteurs d’opinion, apparaît comme une extension de l’antisémitisme. Et tout cela répétons-le, sert à la fois à occulter le caractère barbare de la répression israélienne, à israéliser davantage les Juifs, et à fournir à Israël la justification absolue. L’imputation d’antisémitisme, dans ces cas, n’a pas d’autre sens que de protéger Tsahal et Israël de toute critique.

Alors que les intellectuels d’origine juive, au sein des nations de Gentils, étaient animés par un universalisme humaniste qui contredisait les particularismes nationalistes et leurs prolongements racistes, il s’est opéré une grande modification depuis les années 60. Puis, dans les années 70, la désintégration des universalismes abstraits ( stalinisme, trotskisme, maoïsme) détermine le retour d’une partie des intellectuels juifs ex-stals, ex-trotzkos, ex-maos, à la quête de l’identité originaire. Beaucoup de ceux, notamment intellectuels, qui avaient identifié l’URSS et la Chine à la cause de l’humanité à laquelle ils s’étaient eux-mêmes identifiés se reconvertissent, après désillusion, dans l’israélisme. Les intellectuels démarxisés se convertissent à la Tora. Une intelligentsia juive se réfère désormais à la Bible, source de toutes vertus et de toute civilisation pensent-ils. Passant de l’universalisme abstrait au particularisme juif apparemment concret mais lui même abstrait à sa manière (car le judéocentrisme s’abstrait de l’ensemble de l’humanité), ils se font les défenseurs et illustrateurs de l’israélisme et du judaïsme, apportant leur dialectique et leurs arguments pour condamner comme idéologiquement pervers et évidemment antisémite toute attitude en faveur des populations palestiniennes. Ainsi, bien des esprits désormais judéocentrés ne peuvent aujourd’hui comprendre la compassion si naturelle ressentie pour les malheurs des Palestiniens. Ils y voient non pas une évidente réaction humaine, mais l’inhumanité même de l’antisémitisme.

Il faut dire qu’à partir des années 1970 la notion même de juif a pris pour beaucoup de Juifs une densité et une compacité disparues depuis deux mille ans. Jusqu’à l’anéantissement de la Judée qui dispersa les Juifs, la notion de juif était à la fois religieuse, ethnique, nationale. Après la diaspora, il n’y eut plus de nation, mais un peuple dispersé que liait sa tradition religieuse. Avec la laïcisation des sociétés occidentales et l’émancipation des Juifs commença 1’« assimilation » dans les nations des Gentils et la notion de peuple juif s’estompa. La marque juive devint alors seulement religieuse (la « confession israélite), et cette marque s’estompa elle-même chez les Juifs laïcisés, qui se pensèrent alors identiques aux autres citoyens, conservant seulement un sentiment de « reliance » à un passé historique. Or Israël a reconstitué l’idée d’une nation juive à laquelle les Juifs de la diaspora vont pour beaucoup vouer un attachement profond. Cet attachement va reconstituer l’idée d’un peuple juif, ressuscité à la fois en Israël et dans la diaspora. Enfin, la recherche profonde des racines retrouve la souche de la religion de Moïse, qui se met de plus en plus en symbiose avec l’Etat-Nation d’Israël.

Ainsi s’est reconstituée la triade d’avant l’occupation romaine Peuple-Nation-Religion. Et c’est cela qui, né principalement de l’existence d’Israël, va conduire à la justification inconditionnelle d’Israël. Bien sûr l’attachement à Israël est variable. Il est ceux pour qui Israël est la vraie patrie ; d’autres pour qui c’est la seconde patrie. D’autres pour qui Israël est inséparable de leur identité. Pour tous ceux-là, le discrédit d’Israël est offense, atteinte à leur identité. D’autres par contre ressentent principalement leur lien avec les idées universalistes et se sentent étrangers au judéocentrisme.

La dialectique infernale

Dès lors une dialectique infernale est en marche. Comme je l’avais écrit en novembre 1997 : (article « le double regard », in Libération).

« L’attitude actuelle d’Israël et le soutien que continuent à lui apporter une grande partie des Juifs dans le monde, va contribuer au renouveau de l’antijudaisme ; les Palestiniens et les Arabes croiront de plus en plus au complot juif international, les Juifs croiront de plus en plus à l’antijudaisme de tout ce qui conteste les actes d’Israël. Tout ce qui confirmera les uns confirmera les autres. »

J’avais également co-écrit en juin 2002 (article « le cancer » in Le Monde)

« Une nouvelle vague d’antijudaisme, issue du cancer israélo-palestinien s’est propagée dans tout le monde arabo-islamique, et une rumeur planétaire attribue même la destruction des deux tours de Manhattan à une ruse judéo-américaine pour justifier la répression contre le monde islamique. De l’autre côté, un anti-arabisme se répand dans le monde juif. Les instances « communautaires » qui s’autoproclament représentantes des Juifs dans les pays occidentaux tendent à refermer le monde juif sur lui-même dans une fidélité inconditionnelle à Israël. »

La dialectique des deux haines, celle des deux mépris, le mépris du dominant israélien sur l’arabe colonisé, mais aussi le nouveau mépris antijuif nourri de tous les ingrédients de l’antisémitisme européen classique, cette double dialectique entretient, amplifie, et répand les deux haines et les deux mépris.

Le cas français est significatif. En dépit de la guerre d’Algérie et de ses séquelles, en dépit de la guerre d’Irak, et en dépit du cancer israélo-palestinien, Juifs et Musulmans ont longtemps coexisté en paix en France. Une rancœur sourde contre les Juifs identifiés à Israël couvait dans la jeunesse d’origine maghrébine. De leur côté, les institutions juives dites communautaires entretenaient l’exception juive au sein de la nation française et la solidarité inconditionnelle à Israël. L’aggravation du cycle répression-attentats a déclenché agressions physiques et a fait passer l’anti-judaïsme mental à l’acte le plus virulent de haine, l’atteinte au sacré de la synagogue et des tombes. Mais cela conforte la stratégie du Likoud : démontrer que les Juifs ne sont pas chez eux en France, que l’antisémitisme est de retour, les inciter à partir en Israël.

Avec l’aggravation de la situation en Israël-Palestine la double intoxication, l’antijuive et la judéocentrique, va se développer partout où coexistent populations juives et musulmanes.

Le cancer israélo-palestinien est en cours de métastases qui se répandent sur le monde islamique, le monde juif, le monde chrétien. Ce cancer ronge la planète et mène à des catastrophes planétaires en chaîne. Il est clair que les Palestiniens sont les humiliés et offensés d’aujourd’hui et nulle raison idéologique ne saurait nous détourner de la compassion à leur égard. Certes Israël est l’offenseur et l’humiliant. Mais il y a dans le terrorisme anti-israélien devenant antijuif l’offense suprême faite à l’identité juive : tuer du Juif, indistinctement, hommes femmes enfants, faire de tout Juif du gibier à abattre, un rat à détruire, c’est l’affront la blessure l’outrage pour toute l’humanité juive. Attaquer des synagogues, souiller des tombes, c’est-à-dire profaner ce qui est sacré c’est considérer le Juif comme immonde. Certes une haine terrible est née en Palestine et dans le monde islamique contre les Juifs. Or cette haine, si elle vise la mort de tout Juif, comporte une offense horrible. L’antijudaisme qui déferle prépare un nouveau malheur juif. Et c’est pourquoi, de façon infernale encore, les humiliants et offensants sont eux-mêmes des offensés et redeviendront des humiliés. Pitié et commisération sont déjà submergées par haine et vengeance. Que dire dans cette horreur sinon la triste parole du vieil Arkel dans Pelleas et Melisande : « si j’étais Dieu j’aurais pitié du cœur des hommes ».

Y a-t-il une issue ? L’issue serait effectivement dans l’inversion de la tendance : c’est-à-dire la diminution de l’antijudaisme par une solution équitable de la question palestinienne et une politique équitable de l’Occident pour le monde arabo-musulman. C’est dire aussi que la seule possibilité d’arrêter les dialectiques infernales et la propagation du cancer est d’imposer à sa source même une paix honorable pour les deux parties, celle qui se trouve clairement re-indiquée dans l’initiative israélo-palestinienne de Genève. Or dans la situation actuelle, les deux protagonistes isolés n’ont pas la capacité d’arriver à la paix. Les Etats-Unis qui auraient le pouvoir de faire pression décisive sur Israël, ont jusqu’à présent favorisé Sharon. C’est bien une intervention au niveau international, comportant sans doute une force d’interposition entre les deux parties, qui serait la seule solution réelle. Mais cette solution réelle, et de plus, réaliste, est aujourd’hui totalement irréaliste. Que de tragédies encore, que de désastres en perspectives, si l’on n’arrive pas à faire entrer le réalisme dans le réel !

Edgar Morin

 

Qu’est-ce que la Palestine?


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Publié le par Baudouin Loos

 

Evoquer la Palestine en maximum 2.000 signes, pas évident… Voici l’essai, publié dans ”Le Soir” du 4 décembre 2014.

De quoi la Palestine est-elle le nom? De la dépossession, d’abord. Entre les deux guerres mondiales, on a «vendu» aux Juifs de la diaspora en proie à l’antisémitisme et en quête d’un Etat «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Sauf qu’il y avait un peuple, les Palestiniens. Dont l’identité nationale n’était certes pas affirmée à 100%. Le mandat britannique (1920-1948) et l’immigration juive vont ancrer, galvaniser cette identité, que seuls quelques extrémistes osent encore nier.

D’exil forcé en défaites militaires arabes, les Palestiniens sous l’égide de l’Organisation de libération de la Palestine ont finalement accepté en 1988 de ne réclamer pour bâtir leur Etat que 22% de la Palestine historique, à savoir les territoires conquis par Israël en 1967 (Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza).

Mais face à la toute-puissance militaire et économique d’Israël, Etat conforté par l’aide des Etats-Unis et la bienveillance de l’Europe, les Palestiniens en sont réduits, depuis 1991, à négocier ce qu’ils pourraient sauver de ces 22%. Car Israël, pour des raisons dites de sécurité mais souvent aussi religieuses, n’entend céder que le minimum dans tous les dossiers comme le retour des réfugiés (c’est un «niet» israélien total, mais le droit international dit autre chose), le partage de Jérusalem (idem) ou les colonies (illégales, elles grignotent et rongent les territoires occupés, rendant l’émergence d’un Etat palestinien quasiment impossible).

Malgré la radicalisation d’une partie non négligeable du public palestinien frustré qui entend les sirènes islamistes parfois extrémistes, l’ensemble de la planète Terre s’est résolu au XXIe siècle à soutenir la création d’un Etat palestinien. Avec l’injustice fondamentale du sort des Palestiniens de plus en plus difficile à cacher, les excès israéliens sont largement responsables de cette prise de conscience: des interventions armées aux moyens disproportionnés ont choqué le monde au Liban (1982), face aux intifadas (révoltes) des populations occupées (celle de 1987 et celle de 2000), à Gaza en 2008 et 2014.

En l’absence de pressions dignes de ce nom sur l’occupant israélien, la question palestinienne continuera longtemps encore à hanter les esprits.

BAUDOUIN LOOS

 

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Tuerie au Musée Juif de Belgique : NOUS AVONS BESOIN D’ETRE ENSEMBLE !


 

Il faudrait refuser d’ouvrir les yeux pour ne pas voir la bête immonde renaitre et prospérer partout dans le monde. Tous les racismes s’étalent. Ils s’avancent par des mots, par des rires, par des votes, par des actes, par du sang.

 

RIEN, JAMAIS RIEN n’excuse le fait raciste quel qu’il soit,d’où qu’il vienne.

 

Aujourd’hui c’est en un lieu juif que le sang a coulé par une attaque armée. La violence est barbare, elle ne peut qu’être odieusement barbare et il n’est d’autre réplique possible que l’affirmation de notre humanité commune. Nous devons montrer notre détermination à nous affirmer ensemble et solidaires.

 

Notre humanité commune se déclare de tous les engagements pour la dignité, pour le respect de tous les peuples. Cette exigence est en nous pleine de force et de détermination malgré l’avanie des tempêtes contraires. Dans un même et égal mouvement nous sommes conduits à nous indigner, à nous révolter, à clamer de toutes nos voix notre refus du sang versé sur les corps palestiniens comme sur les corps du Musée juif de Bruxelles. C’est avec un égal dégout que nous refusons les sangs versés parce-que le sang ne lave pas le sang, il l’appelle.

 

A la face de ceux qui se nourrissent de ce sang, s’en éclaboussent pour justifier leurs mépris de l’humain et des lois de l’humanité,nous avons à montrer notre combat commun de la bête immonde, notre engagement dans le combat de tous pour la justice de chacun. NOUS DEVONS ÊTRE ENSEMBLE AVEC FORCE POUR DÉFENDRE NOTRE HUMANITÉ.

 

D’autres mots que ceux là vont disposer de puissants relais médiatiques pour diviser, opposer, séparer. Il n’est pas temps de nous décourager, nous avons à nous rassembler. Nous sommes solidaires des victimes de cette tuerie en Belgique, des juifs légitimement affectés par cet acte ignoble. Notre solidarité, parce qu’elle est ancrée dans les valeurs humanistes, ne se détournera pas de notre dénonciation des tueries contre les palestiniens, des souffrances qui leur sont infligées par un pouvoir d’extrême droite.

 

Nous devons être prêts à nous manifester ensemble.

 

Serge Grossvak sur facebook

Le 24 mai 2014

 

et un communiqué de l’UPJB

Tuerie au Musée Juif de Belgique

Communiqué et appel à la mobilisation

En ce 24 mai 2014 où les 2 artistes – Marianne Berenhaut et Christian Israël – à l’affiche du Musée Juif de Belgique abordent l’histoire par le biais conceptuel ou autobiographique, dans ce même musée, un attentat tue 3 personnes et laisse une quatrième entre vie et mort. Nos pensées vont d’abord vers elles et leurs familles.

Plus que jamais, en cette veille d’élections, nous appelons à une vigilance de tous et, en particulier, du monde associatif dans toute son ampleur. L’antisémitisme n’est pas qu’histoire des Juifs : il met à l’épreuve la capacité de la démocratie à se mobiliser pour elle-même.

Nous appelons tous les démocrates de ce pays à se joindre au rassemblement dont le Centre d’Action Laïque a pris l’initiative demain dimanche 25 mai à 17h devant le Palais de Justice de Bruxelles.

Le Conseil d’Administration de l’UPJB

24 mai 2014

UPJB