Syrie : six mois après la fuite du tyran, entre espoirs concrets et défis persistants


Rime Allaf


C’est notre sixième anniversaire. Si vous venez de nous rejoindre, voici quelques points clés sur la situation actuelle, du moins de mon point de vue, depuis que le maniaque génocidaire a fui la Syrie précipitamment le 8 décembre.
[Résumé : la situation est encourageante, malgré de réels dangers, tant étrangers qu’intérieurs, alors que nous attendons la reconstruction.]

• Le grand bain de sang que beaucoup redoutaient ne s’est pas matérialisé, malgré les efforts acharnés de l’Iran à travers les vestiges du régime Assad, et malgré le massacre de mars. Il n’y a pas eu non plus « d’afghanisation », et le nouveau régime semble peu enclin à s’orienter dans cette direction.

• Le soutien régional et international a été immédiat et efficace : les sanctions ont été levées, l’aide financière a été promise, et Sharaa est traité en chef d’État. J’espère que cela ne nous poussera pas à la complaisance.

• Le rétablissement des services de base (notamment l’électricité et l’eau), la construction d’infrastructures essentielles, et la garantie d’un moyen de subsistance pour un plus grand nombre de Syriens restent les priorités absolues — de même que la facilitation du retour des réfugiés. Je pense que la majorité des Syriens conviendront que cela doit passer avant une Trump Tower ou équivalent.

• Les manigances de l’Iran demeurent la plus grande menace à la stabilité syrienne, tandis que l’absurdité des actions belliqueuses d’Israël leur nuit autant qu’à nous. Ce sont les deux seuls pays de la région qui s’activent ouvertement pour empêcher la stabilisation de la Syrie. La paix ne sera possible que lorsque leurs ingérences cesseront.

• Du côté des instances syriennes, les choses avancent lentement et manquent de clarté, et l’absence de représentation féminine est inacceptable : il y a beaucoup trop d’hommes, et bien trop peu de femmes, dans pratiquement tous les cercles de décision. Je pense aussi que ce sont aux femmes elles-mêmes de définir leur rôle et leur place dans la société. Inutile d’en rajouter avec une nouvelle version du « mansplaining ».

• L’ingérence religieuse ou idéologique dans les affaires civiles est tout aussi inacceptable. Par exemple, des contrôles isolés ont visé des hommes et des femmes vus ensemble en public : leur relation ne regarde personne. N’autorisez pas ces hommes à harceler et importuner les Syriens libres : mettez-les au pas.

• La Grande Mosquée des Omeyyades a survécu treize siècles sans les mesures stupides de l’administration actuelle visant à séparer hommes et femmes. Cessez ce ridicule et ne portez pas atteinte à notre droit d’entrer dans nos lieux publics, sacrés ou non, comme nous l’avons toujours fait.

• Un point positivement marquant chez Sharaa et son équipe est leur écoute des autres. Dans la plupart des réunions, il tient un stylo et prend des notes, et semble conscient du mécontentement public sur divers sujets. Cela dit, les nominations et décisions sont encore centralisées — ce qui peut se comprendre à cette étape.

• Cependant, de nombreux Syriens en ont assez du manque de transparence et de l’absence d’un processus de communication clair. Ils ne veulent pas devoir chercher des nouvelles, des rumeurs ou des déclarations sur des chaînes Telegram éparses. Il faut des porte-paroles officiels, et empêcher les ministres de prendre leurs monologues pour des conférences de presse. Améliorez aussi votre communication écrite : elle rappelle encore trop celle de la SANA.

• Il est réconfortant de constater de véritables efforts de progrès de la part de plusieurs ministres et ministères, notamment ceux qui s’adressent directement à la population, modèrent leurs promesses et gèrent les attentes. Personnellement, je trouve que la poésie est moins utile à ce stade.

• L’absence d’un acteur majeur de la vie publique syrienne ces derniers mois m’interpelle : où est passée l’opposition politique ? Où sont-ils tous ? Pourquoi le peuple syrien n’est-il pas interpellé par des programmes, des idées, des principes ? Attendent-ils la dernière minute, juste avant les élections dans moins de cinq ans ?

• Jusqu’à présent, la liberté d’expression et la liberté de réunion ont été largement respectées. Il faut veiller à ce qu’elles demeurent un droit civil protégé par la Constitution, comme tous les autres droits individuels — et non une exception temporaire.

En avant, et excelsior.

Source : facebook, traduction ChatGPT

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Add : As fate would have it, I had finished writing 90% of my book when Assad fled and the regime collapsed, with two chapters left before sending the manuscript to my publisher. Nothing changed except the last chapter, written after a few weeks to take in our momentous emotions, and our collective fears and aspirations. The book relates why and how Syrians got to where they are today, their patient and painful quest for dignity and freedom, and the regional and global factors that triggered their descent into the hell from which they now must emerge, together.

To be published in Autumn 2025: https://www.hurstpublishers.com/book/it-started-in-damascus/

« Les Européens ont préféré collaborer avec Al Assad que soutenir la rébellion syrienne »


Tribune pour La Croix

Firas Kontar

Le militant des droits humains franco-syrien Firas Kontar (1) juge durement l’attitude des Européens face au régime de Bachar Al Assad, qu’ils ont selon lui longtemps soutenu par leur inaction. Alors que les Syriens ont besoin d’une urgente aide humanitaire, la passivité des démocraties occidentales constituerait un nouvel « affront ».

Treize années de lutte acharnée ont été nécessaires aux Syriens pour mettre fin à la tyrannie des Assad. L’enracinement du régime dans la société syrienne et ses alliances internationales ont permis à ce dernier de se maintenir au prix de bombes, d’armes chimiques et de massacres

Il y a encore quelques semaines, Assad proclamait sa victoire, et la diplomatie européenne cédait aux sirènes de la « realpolitik » en nommant un représentant de l’Union européenne en Syrie. Plusieurs pays européens s’apprêtaient à suivre cette voie ; l’Italie, pionnière en la matière, avait déjà nommé un ambassadeur dès la fin juillet.

On aurait pu espérer que, après l’humiliation de collaborer avec l’un des plus grands criminels de l’histoire récente, la chute d’Assad offrirait l’occasion de faire amende honorable. Il n’en est rien. Alors que les besoins humanitaires sont immenses et que des milliers de prisonniers agonisant dans les abattoirs du régime sont libérés, aucun des pays européens n’a annoncé une aide massive et urgente en faveur des Syriens.

Les libérateurs de la Syrie

Si les préoccupations concernant l’avenir de la Syrie, en particulier du fait de la présence de groupes islamistes au sein de la coalition rebelle, sont légitimes, la réaction de nombreux décideurs européens a quelque chose de honteux.

Les crimes contre la majorité arabe sunnite ont été ignorés depuis 2011, souvent justifiés par la prétendue nécessité de protéger les minorités. Et beaucoup en Europe ont repris le récit du régime syrien sur la protection des minorités que prétendait offrir Assad tout en s’accommodant du massacre de la majorité.

Les radicalisations observées chez certains combattants syriens sont les conséquences directes de cet abandon. En 2011, ce sont les étudiants, intellectuels et cadres de la société civile qui ont mené les premières manifestations pacifiques. Beaucoup sont morts sous la torture dans les prisons du régime. Faute d’aide occidentale, les premières formations rebelles de 2012, sous l’égide de l’Armée syrienne libre, n’avaient aucune chance contre un régime soutenu militairement par la Russie et l’Iran. En ne leur fournissant aucune aviation, ni couverture aérienne, ni ressource, les démocraties occidentales ont organisé leur défaite, laissant le champ libre aux factions islamistes.

Le renoncement d’Obama

Le renoncement d’Obama après le massacre chimique de la Ghouta en août 2013 est l’un des nombreux symboles de l’abandon des Syriens face à la barbarie. En 2015, Obama a également signalé à Poutine qu’il ne soutiendrait pas les rebelles en cas d’intervention militaire russe, offrant ainsi les garanties nécessaires à une intervention russe sans risque majeur. Cette inaction occidentale a non seulement condamné des millions de Syriens à l’exil forcé, soit plus de la moitié de la population du pays, mais a également envoyé un signal favorable à Poutine pour envahir l’Ukraine, avec les conséquences que l’on connaît

Ce vendredi 13 décembre, des millions de Syriens ont célébré la chute d’Assad dans toutes les grandes villes du pays. La coalition rebelle a été accueillie en libératrice. Le chef du groupe HTC, Al Joulani, connu pour son passé djihadiste, a opéré une mutation depuis plusieurs années. Abandonnant l’idéologie du djihadisme international, il semble porter aujourd’hui un projet national conservateur qu’il a commencé à développer depuis 2017 dans la province d’Idlib.

Si le nord de la Syrie est en grande partie débarrassé du djihadisme international, c’est surtout grâce à l’action de HTC, qui a mené la lutte en coordination avec les services de renseignements occidentaux. Il montre des signes d’ouverture, les universités à Idlib sont ouvertes aux femmes, les communautés druzes et chrétiennes dans la province exercent leur culte librement. Il a adressé des messages rassurants à toutes les minorités, reconnaissant leur appartenance pleine et entière à la Syrie.

Célébrer la chute d’Assad

Il faut souligner que la libération des villes n’a donné lieu à aucune exaction contre les civils et que toutes les composantes ethniques et religieuses de la société syrienne célèbrent la chute d’Assad. Cependant, la méfiance persiste vis-à-vis d’Al Joulani, en particulier chez les jeunes Syriens, toutes confessions confondues, qui aspirent à une société libre, loin de toute forme d’autoritarisme, qu’il soit religieux ou politique.

Laissons les Syriens, qui ont fait preuve d’une résilience et d’un courage incroyables, juger et agir pour leurs droits et leur liberté. Ils n’ont pas besoin de paternalisme. Ce qu’ils attendent, c’est la réouverture des ambassades, la levée des sanctions, des aides concrètes et la reconnaissance de leur combat. Ils ne veulent plus de leçons de morale de la part d’États qui les ont abandonnés.

L’abandon des démocraties occidentales est un affront pour les Syriens qui restera dans l’histoire, témoignant de la faillite morale et stratégique des puissances libérales face à l’autoritarisme. Cet échec devrait pousser l’Europe à redéfinir une politique claire de soutien aux populations en lutte pour leur liberté.

Firas KONTAR

Syrie : Interview d’al-Jolani


– de son vrai nom Ahmed al-Charaa – sur France 24 :

France 24 : Que répondez-vous aux inquiétudes de la communauté internationale sur votre arrivée au pouvoir ?

Ahmed al-Charaa : Sous Bachar al-Assad, la persécution des Syriens était immense, les détenus étaient assassinés, broyés, brûlés, gazés avec des armes chimiques, ensevelis avec des barils explosifs ou noyés sur les routes de l’exil. Où était l’inquiétude de la communauté internationale pendant cette période ?

Nous avons libéré le pays en faisant un minimum de dégâts pour les civils. Nous avons libéré Alep, Hama, Homs, sans provoquer le moindre exode des communautés. Voilà ce qui doit rassurer. En onze jours, nous avons mis fin à cinquante-quatre ans de dictature.

Notre projet est pour la Syrie. On récupère un pays en miettes dans tous les secteurs : l’industrie, le commerce, l’armée, l’administration, alors qu’avant Assad, c’était une référence dans tous les domaines. Notre opération n’était pas juste militaire, on a tout de suite investi les zones libérées avec une administration, des services et une police, en nous aidant des institutions que nous avons mises en place à Idleb.

Pour autant, il est prématuré de définir quelle sera la forme exacte du nouveau régime que nous sommes en train de mettre en place. L’écriture d’une nouvelle constitution va prendre du temps. Des élections pourraient se tenir, mais en l’état, on ne sait même pas combien d’électeurs il y a en Syrie. Par exemple, beaucoup de mineurs ont atteint l’âge de voter dans les camps ou à l’étranger et n’ont pas de pièce d’identité. Un immense travail de recensement doit être fait pour recréer un registre.

Notre première préoccupation, c’est de faire rentrer les gens chez eux, que ce soit de l’étranger ou les déplacés en Syrie. Il faut donc sécuriser cette période transitoire, tout en s’assurant que l’aide nécessaire sera fournie à tous les Syriens qui reviennent chez eux, avec de la nourriture, des infrastructures, des services et une sécurité.

Quant à notre politique, un congrès national doit avoir lieu et en fonction des conclusions qui en sortiront, nous mettrons en place des mécanismes d’application.

Pourquoi avoir échangé le treillis militaire avec le costume civil ? Quel avenir voyez-vous pour la résolution 2 254 du Conseil de sécurité de l’ONU [adoptée en 2015 et qui établit une feuille de route pour un règlement politique en Syrien] ?

Le militaire c’était pour la guerre. Désormais, nous sommes dans une autre phase. Tout simplement.

Concernant la résolution 2 254, nous avons ramené les déplacés chez eux, nous avons chassé les milices étrangères, nous avons fait une transition pacifique avec les organes de l’État, donc nous avons déjà appliqué des recommandations de cette résolution. Cette résolution vieille de neuf ans doit donc être adaptée à la nouvelle réalité.

Comment éviter les vendettas et les conflits internes après treize ans de guerre ?

Il faut juger Bachar al-Assad, sa famille et ses aides de camp et mettre en place des processus de confiscation de leurs biens mal acquis. Pour le reste, on a donné la priorité à l’amnistie. Tous ceux qui ne respectent pas cette décision, qu’ils soient civils ou issus de nos rangs, seront poursuivis.

Quelles dispositions prendrez-vous vis-à-vis des combattants étrangers qui ont combattu à vos côtés en Syrie ?

Des gens du monde entier sont venus se battre en Syrie par empathie avec les Syriens. Tous ceux qui sont à nos côtés ont accepté de suivre nos directives et d’accepter notre gouvernance. Ils ne constituent pas un danger pour les autres pays et méritent d’être récompensés pour leurs efforts. Leur situation sera donc traitée et régularisée de manière légale à travers une loi.

Quelle est votre réaction face aux dernières incursions et frappes israéliennes en Syrie ?

Les Israéliens avaient l’alibi – ou l’excuse – des milices iraniennes pour frapper en Syrie. Mais ces milices ne sont plus là.

Nous ne voulons pas de conflit, ni avec Israël ni avec d’autres pays. La Syrie ne sera pas utilisée pour cibler d’autres pays : les Syriens sont fatigués et ont juste besoin de vivre en paix.

Alors que des délégations britanniques et françaises arrivent à Damas, que demandez-vous à la communauté internationale ?

Nous avons des contacts, et nous avons créé des liens avec plusieurs pays du monde ces cinq dernières années. La compréhension de notre projet et ce que nous avons accompli à Idleb a permis de diminuer leur méfiance à notre égard.

Nous demandons l’aide de la communauté internationale pour poursuivre les criminels du régime d’Assad et récupérer l’argent volé aux Syriens. Nous demandons aussi de faire pression sur Israël pour mettre un terme à ses opérations en Syrie.

Appelez-vous à ce que le HTC soit sorti de la liste des organisations terroristes des Nations unies ?

Notre inscription sur liste terroriste émane d’une volonté politique. En tant que HTC, nous avons mené des opérations militaires, mais nous n’avons pas ciblé de civils. Or le terrorisme consiste à cibler les civils.

Mais la mise sous sanctions et sur liste terroriste, à la vue de ce qu’il se passe, importe peu. L’important est de lever les sanctions qui pèsent sur la Syrie.

On ne doit même pas négocier cette levée des sanctions : c’est notre droit de nous en libérer, nous les Syriens, les victimes, sommes punis pour les actes de notre bourreau, qui lui n’est plus là.

Chris RoyrseoStndpo2il8ft4 t1a3620024702411m48034cacn960858h0mimlmfmt  · 

« Laissez aux Syriens ces quelques heures de légèreté et de bonheur après tant de sang et de larmes »


 

Pendant 13 ans, les Syriens ont été invisibilisés au profit des discours sur la géopolitique. Maintenant qu’Assad est tombé, on commence à les écouter un peu. J’en profite, tribune pour Le Nouvel Observateur.

Firas Kontar

Militant franco-syrien de 46 ans, l’essayiste Firas Kontar se réjouit de la chute du tyran Bachar al-Assad. Il sait l’avenir incertain et le chemin long avant de voir son pays libre. Il appelle à laisser les Syriens rêver à des lendemains qui chantent.

Le contraste est saisissant en ce dimanche 8 décembre entre l’explosion de joie des Syriens, en exil ou dans le pays, et le ton des commentateurs politiques français. Une des pires tyrannies, qui a tant fait souffrir les Syriens pendant plus de cinq décennies, s’effondre face à l’avancée spectaculaire d’une coalition de combattants rebelles, dont des islamistes. Pourtant, les premiers commentaires entendus portent sur le profil de certains de ces combattants.

Laissez aux Syriens ces quelques heures de légèreté et de bonheur après tant de sang et de larmes. Laissez-les rêver d’un quotidien qui ne sera plus marqué par la terreur, laissez-les imaginer une vie sans la peur d’être enlevé ou de disparaître sous les ordres des services d’Assad, qui se sont arrogé le droit de vie ou de mort sur chaque Syrien. Laissez-les célébrer le départ de celui qui a tué des centaines de milliers de nos compatriotes, transformé notre beau pays en une fosse commune et forcé à l’exil plus de douze millions d’entre nous. Laissez-les respirer un air pur, sans sarin ni soufre. Laissez-les crier, dans les rues et sur les places, « Bachar, casse-toi, la Syrie n’est pas à toi », sans craindre les balles du régime.

Ce jour tant rêvé par des millions de Syriens est enfin arrivé. Et cela, sans l’aide de personne. Après treize années durant lesquelles le monde nous a regardés mourir, observant les portes de l’enfer s’ouvrir en Syrie, sans intervenir. Treize années pendant lesquelles les démocraties n’ont offert que de vains discours face à l’immensité des crimes d’Assad et de ses alliés, qui eux ne comprennent que la force. Aujourd’hui, ceux-là mêmes qui nous ont abandonnés s’inquiètent de l’idéologie de certains combattants. Pourtant, l’extrémisme prospère dans un terreau de désespoir. On peut comprendre les Syriens, abandonnés de tous, trouver du réconfort dans la religion, et imaginer que pour beaucoup, seul l’espoir d’une justice divine les aide à surmonter le quotidien.

En finir avec la tyrannie des Assad

La première motivation des combattants qui ont pris Alep, Hama, Homs, puis Damas, est de retourner sur leur terre, dans leurs villages d’où ils ont été chassés depuis treize ans, et d’en finir avec la tyrannie des Assad. Dès l’été 2012, lorsque la révolte a atteint Alep, deuxième ville du pays, Assad a compris qu’il ne pourrait plus contrôler un pays de plus de 21 millions d’habitants. Il a alors orchestré un changement démographique en ciblant la majorité arabe sunnite, qu’il considérait comme la moins loyale. C’est à cette époque qu’il a intensifié les bombardements aériens et commencé à utiliser des missiles Scud sur la région d’Alep, détruisant des quartiers entiers. En tout, 82 000 barils d’explosifs ont été largués sur les civils durant le conflit. Ces crimes contre l’humanité ont poussé plus de 12 millions de Syriens à l’exil.

Il y a encore un mois, ces millions de Syriens réfugiés au nord du pays ou ailleurs dans le monde n’osaient plus espérer un retour. Aujourd’hui, ils reprennent massivement la route, rassurés par la fin de la dictature des Assad qu’ils redoutaient tant. Ils trouvent de l’espoir dans les messages apaisants envoyés par la coalition hétéroclite qui a libéré le pays, appelant à l’unité de toutes les composantes de la société syrienne.

Le chemin sera long

La chute du régime Assad est la continuation naturelle du processus révolutionnaire entamé en 2011. Il n’est pas surprenant qu’une dictature enracinée depuis 1970 ait résisté plus de treize ans aux vents du changement. Les alliances qu’elle avait nouées ont contribué à sa survie, mais ses parrains, la Russie et l’Iran, affaiblis eux-mêmes, ne pouvaient plus la soutenir.

L’avenir sera semé d’embûches. Assad a laissé derrière lui un pays détruit, avec des centaines de milliers d’orphelins et des infrastructures essentielles – santé, éducation, énergie – en ruines. Pourtant, l’espoir réside dans une société résiliente, traversée par une multitude de courants idéologiques et un activisme fort. Les jeunes de 2011, bien qu’épuisés, restent engagés pour construire un pays libre. Le chemin sera long, car Assad a exploité les divisions confessionnelles et ethniques pour asseoir son pouvoir. Mais l’obstacle le plus impitoyable a été surmonté : la tyrannie des Assad appartient désormais au passé.

BIO EXPRESS

Firas Kontar, est un militant des droits de l’homme et essayiste franco-syrien. Il est l’auteur de « Syrie, la révolution impossible », ed. Aldeia, 2023

Syrie : au-delà du secret


Que s’est-il agi de cacher à Saidnaya et dans les souterrains des palais des Assad ? Comme les casques blancs syriens confrontés à la l’impossibilité de poursuivre leurs fouilles, nous butons sur un impossible. Comme les prisonniers libérés qui ont oublié leurs propres noms et jusqu’à l’usage de la parole, nous sommes là aux prises avec des mots manquants.

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Racha Abazied (avatar)

Racha Abazied

Franco-syrienne, éditrice au CAREP Paris – Fondatrice et présidente de l’association culturelle Syrie MDL de 2011 à 2018.

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Pendant deux jours, les recherches ont continué dans les profondeurs de la prison, à la recherche de couloirs secrets et de cellules murées. Sur les images de vidéosurveillance qui quadrillaient l’enfer carcéral de Saidnaya, des prisonniers bougeaient encore, dans des cellules introuvables. On ne les atteindra jamais. Le 10 décembre au matin, les unités des casques blancs déclarent les fouilles terminées : il n’y a plus de prisonniers à Saidnaya[1] et s’excusent auprès des familles attendant encore des nouvelles de leurs proches. La vérité est cruelle : ils sont parvenus à 4 lieux de détentions secrets mais n’ont trouvé aucun prisonnier vivant, les disparus sont probablement décédés. On estime leur nombre en Syrie à une centaine de milliers.

La dictature des Assad, tombée, une gigantesque opération de reconnaissance a fait s’engouffrer le peuple syrien dans les couloirs des palais et les souterrains des prisons du régime Assad. Et le monde découvre avec eux, incrédule, l’étendue de l’horreur tapie dans les sous-sols, les profondeurs souterraines de la « zone rouge » de la prison de Saidnaya et dans les couloirs tentaculaires des bunkers des Assad. On en soupçonnait plus ou moins l’existence, on avait des témoignages, des croquis, des documents avaient filtré, mais la réalité dépasse l’imagination.

Des sous-sols de Saidnaya…

À mesure que les rebelles libèrent une à une les prisons syriennes, un peuple martyrisé durant des années renaît à la vie, tel un Jonas sortant du ventre de la baleine, et d’un régime qui ne devait son salut que grâce à la terreur qu’il infligeait à son peuple.  Une terreur avec laquelle il devait vivre chaque jour. Après Homs, où 3 500 détenus ont recouvré la liberté : Saidnaya, à 30 km au nord de Damas. Cet énorme centre de détention où l’« on disparaît », qualifié par Amnesty International d’ « abattoir humain », a remplacé dans l’esprit des Syriens la fameuse prison de Tadmor (Palmyre), emblème de la torture sous le règne d’Assad-père, comme symbole des atrocités.

Dans la nuit du 8 décembre, des centaines de familles se sont amassées à l’extérieur de Saidnaya tandis que les rebelles forçaient les verrous et libéraient les prisonniers des trois étages supérieurs. De 4h à 7h du matin, des files ininterrompues de prisonniers sortaient des cellules. Des milliers d’êtres humains retrouvent l’air libre, qu’ils n’ont pas respiré depuis des années. Des fantômes hagards, des corps amaigris, blessés, des êtres brisés, parfois incapables de marcher ou de décliner leur identité, comme ce jeune homme dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux, incapable de parler ou de dire son nom.

Des familles désespérées se rendent alors dans les hôpitaux pour identifier les corps que l’on aurait transférés depuis les centres de détention. Des équipes découvrent les morgues de l’hôpital militaire de Harasta (nord-est de Damas), où la torture des détenus par les forces de sécurité et de renseignement du régime est « généralisée et systématique ». C’est ici que les prisonniers de Saidnaya sont amenés quand ils ne sont pas « achevés » à Saidnaya-même, avec cet autre instrument d’horreur qu’est la « presse humaine »,

Illustration 1

une invention que l’autrice Samar Yazbek, commente dans un tweet : « Je ne peux pas quitter des yeux la presse métallique de la prison de Saydnaya ! J’ai documenté de nombreuses atrocités à partir de 2011, des massacres au couteau, chimique, bombardement, viols… mais cette invention qui consiste à écraser le corps humain et à créer un mécanisme de drainage sanguin pour récupérer le liquide : quelle imagination criminelle ! Quand les muscles de nos cœurs s’arrêteront de battre [d’effroi], notre priorité devra être de traduire Bachar al-Assad en justice. »

Dans les morgues de Harasta, les corps sont encore ensanglantés, révélant des traces de tortures récentes. Ils sont entreposés dans les morgues avant d’être incinérés, soit dans l’enceinte de l’hôpital, soit dans un incinérateur dans la banlieue damascène d’Al-Tall.

Les découvertes macabres se multiplient. Les corps, les traces de torture et les preuves de crimes s’amoncellent, laissant entrevoir l’ampleur des exactions. Fouiller le dédale interminable de Saidnaya et d’autres centres de détention prendra des années, un travail réservé aux experts de la justice et des archives. Saidnaya n’a malheureusement pas fini de nous dévoiler tous ses secrets.

… aux forteresses souterraines de la dynastie Assad

Alors que les horreurs de Saidnaya émergent, les rebelles explorent les palais présidentiels. Les résidences impénétrables de Bachar el-Assad sont ouvertes à qui veut venir se servir dans l’opulence indécente du dictateur. Sous l’un des palais présidentiels des galeries de tunnels relient les différents lieux de résidence de Bachar, avec des panneaux indicatifs, des cuisines, salles de bains en sous-sol.

Mais la découverte la plus spectaculaire est celle de la maison de Maher el-Assad, frère de Bachar el-Assad. Un escalier en spirale à l’intérieur mène à un Bunker gigantesque, un labyrinthe de couloirs interminables dans les profondeurs des sous-sols décrit par les rebelles comme un « immense complexe de tunnels, suffisamment larges pour que des camions chargés de captagon et d’or puissent y passer », un commerce que Maher el-Assad était chargé de sécuriser avec la quatrième division de l’armée syrienne.

Le dédale de tunnels se poursuit encore plus bas, des portes blindées séparent les différents espaces. Le rebelle qui film les tunnels dit un moment dans la vidéo : « On se croirait dans Half live » (jeu vidéo de science-fiction qui se déroule dans un gigantesque complexe scientifique top secret installé dans une base militaire désaffectée totalement enterrée sous la surface). Des chambres, un bureau et même une cuisine suréquipée, remplie de vivres. On imagine aisément le temps et toute l’ingénierie qu’une telle construction a demandés.

Quelle ironie du destin : construire des bunkers anti-atomiques et amasser des fortunes pour fuir comme des rats ! Ce régime, qui a bâti un des appareils sécuritaires les plus cruels et les plus sophistiqués du monde (voirMichel Seurat L’État de Barbarie, Le Seuil, 1989), avec quatre services de renseignements différents, concurrentiels et poussés continuellement à la performance, craignait donc à ce point la colère populaire que ce dédale antiatomique ne pouvait l’en protéger ? Ou bien,  malgré tous ses efforts de propagande, ses alliés protecteurs (Russie, Iran, Hezbollah…), la corruption et le clientélisme qui le perfusaient, le poids de ses crimes pesait-il plus lourdement sur sa « conscience » que toutes les tonnes de béton armé qui auraient pu saturer le sous-sol de la Syrie ?

Au regard du caractère monumental et psychédélique de ces constructions souterraines, on parlerait d’ailleurs plus volontiers d’« inconscient » du régime syrien, Minotaure se nourrissant de chair humaine qui se terrait dans un labyrinthe de tunnels fortifiés interminables et dont la peur et la terreur sont le seul sentiment qu’il était décidément capable d’inspirer et de ressentir encore.

Les souterrains du pouvoir nous révèlent les secrets d’un régime tortionnaire, mais aussi la nature et le visage d’un monstre hanté par la peur. Une peur qu’il a lui-même érigée en système et dont il ne put se dépêtrer car elle l’accompagna jusqu’à sa dernière heure.

Nouvelle langue

Que s’est-il agi de cacher à Saidnaya et dans les souterrains des palais des Assad ? Comme les casques blancs syriens confrontés à la l’impossibilité de poursuivre leurs fouilles, nous butons sur un impossible. Comme les prisonniers libérés qui ont oublié leurs propres noms et jusqu’à l’usage de la parole, nous sommes là aux prises avec des mots manquants. Car ce que nous découvrons à Saidnaya c’est que l’humanité n’en a jamais fini avec l’horreur et le pire. Qu’après les camps de concentration et d’extermination, les Khmers rouges ou encore les dictatures de Pinochet ou de Corée du Nord, il y a encore la presse à cadavres.

Formons le vœu qu’ici s’achève le calvaire syrien. Que les coupables de crimes contre l’humanité syriens soient, dans un futur proche ou lointain, traduits en justice. Qu’un jour, Saidnaya devienne un musée, un lieu de mémoire, à l’instar de l’École de mécanique de la Marine (Esma) à Buenos Aires, le tristement célèbre centre de détention et de torture de la dictature argentine (1976-1983). Un autre enfer transformé l’année dernière en lieu interdisant l’oubli. Et que tous ceux qui se sont murés dans un silence complice, brandissant inlassablement le duel de la peste et du choléra, fassent enfin l’effort de reconnaître la dictature pour ce qu’elle est.

Car pour avancer sur le chemin de la justice, il nous faudra désormais apprendre à écouter la nouvelle langue que les Syriens vont inventer pour dire l’au-delà de l’horreur, l’au-delà du secret de l’architecture souterraine du régime des Assad.Recommander (60)Recommander (60)

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Les premiers jours de la Syrie libre: le positif, le négatif et la laideur


Qunfuz

Robin Yassin-Kassab

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Nous redoutions que la fin du régime ne soit accompagnée d’un bain de sang. Dieu merci, cela ne s’est pas produit. Au final, le régime s’est effondré sans combat, même dans son supposé bastion sur la côte.

Il y a eu quelques pillages à Damas, qui a été quelque peu plus chaotique que les villes du nord, peut-être parce que la présence rebelle y était plus réduite. Sinon, les nouvelles provenant de la Syrie libérée sont étonnamment bonnes.

Sur le plan social, les Syriens parlent le langage de la réconciliation. Une vidéo typique montre un rebelle barbu admonestant des combattants du régime ayant capitulé pour avoir soutenu le camp qui a massacré des femmes et des enfants. Puis il leur dit : « Partez ! Vous êtes libres ! » Les rebelles ont annoncé une amnistie générale pour le personnel militaire. Cela ne s’étend toutefois pas à ceux coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’intention est de demander des comptes à ces derniers.

Pendant ce temps, Muhammad al-Bashir, qui était le Premier ministre du Gouvernement de Salut à Idlib, a été nommé pour former un gouvernement de transition à Damas. Le Gouvernement de Salut dirigeait le territoire de HTS, mais était civil, largement technocratique et relativement indépendant. Il semble qu’une logique similaire s’appliquera au Gouvernement de Transition.

Ayant abandonné son nom de guerre, Abou Muhammad al-Jolani est désormais connu sous son vrai nom, Ahmad al-Sharaa. Au lieu de « chef du HTS », il a été rebaptisé « commandant des opérations militaires ». Il souhaite être perçu comme une figure nationale plutôt qu’un jihadiste sunnite. Certains craignent qu’il ne change de direction dès que les États occidentaux cesseront de le qualifier de terroriste, mais pour l’instant, son orientation semble tolérante et démocratique. Par exemple, il a été demandé aux rebelles de ne pas interférer dans le choix vestimentaire des femmes. Et des figures éminentes de l’opposition affirment que la Résolution 2254 de l’ONU sera mise en œuvre. Cela inclura la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections libres et équitables sous supervision de l’ONU.

Jusqu’ici tout va bien. Tout cela inspire confiance aux Syriens dans le pays, ainsi qu’aux millions qui ont été chassés de leurs foyers. De gigantesques flux de personnes quittent les camps de tentes à la frontière du pays, et reviennent de Turquie et du Liban, où elles étaient si souvent victimes de violences et de racisme. Le résultat, ce sont des milliers de retrouvailles émouvantes entre frères et sœurs, ou entre parents et enfants, qui, dans de nombreux cas, ne s’étaient pas vus depuis plus d’une décennie. C’est une bénédiction à laquelle personne ne s’attendait il y a deux semaines, et qui marque l’apogée d’un drame qui dure depuis près de 14 ans. En 2011, des millions de Syriens criaient Irhal ! – Pars ! – à Assad. Sa réponse fut de les chasser à la place. Mais aujourd’hui, enfin, la famille Assad est devenue réfugiée.

Il est également très positif que des dizaines de milliers de prisonniers aient été libérés des geôles d’Assad. Mais il est extrêmement déprimant de constater que beaucoup d’entre eux sont dans un état déplorable. De nombreuses femmes et enfants ont été trouvés derrière les barreaux. Les enfants avaient été arrêtés par le régime avec leurs parents, ou sont nés dans ces prisons de mères violées.

Certaines personnes qu’on croyait mortes ont été retrouvées vivantes. De nombreux Libanais, Jordaniens et Palestiniens, y compris des membres du Hamas, ont été libérés. Certains prisonniers avaient disparu dans ce que les Syriens appellent « derrière le soleil » depuis plus de quatre décennies. Certains des libérés pensaient encore que Hafez al-Assad était président (il est mort en 2000). Beaucoup de ceux qui retrouvent la lumière sont émaciés ou handicapés par la torture. Certains semblent avoir perdu la mémoire ou la raison.

Les images les plus terribles proviennent de la prison de Sednaya. Amnesty International avait qualifié Sednaya de « boucherie humaine » et estimé qu’entre 5 000 et 13 000 personnes y avaient été exécutées sommairement entre septembre 2011 et décembre 2015 seulement. Il semble maintenant que le nombre total de meurtres soit bien plus élevé.

On estime qu’au moins 130 000 personnes avaient disparu dans le goulag assadiste. Fadel Abdul Ghany, directeur du Réseau syrien pour les droits de l’homme, a déclaré hier (le 9 décembre) qu’il pense que la grande majorité des prisonniers ont été assassinés.

L’activiste bien connu Mazen Hamada a été retrouvé mort à Sednaya. Des salles remplies de vêtements et de chaussures abandonnés, vraisemblablement appartenant aux victimes, ont été découvertes. Une salle contenait des sacs de cordes à nœuds pour les pendaisons. Une « presse d’exécution » pour écraser les corps a été trouvée, ainsi qu’une fosse commune remplie de corps partiellement dissous dans de l’acide. Des piles de cadavres ont également été découvertes à l’hôpital militaire de Harasta. On pense que ces personnes ont été tuées à Sednaya, puis que leurs corps ont été déplacés. Il semble que beaucoup aient été assassinées très récemment, alors même que le régime s’effondrait.

Après plus d’un demi-siècle, les Syriens émergent enfin de l’horreur de l’un des pires États de torture de l’histoire. L’héritage des camps de la mort comme Sednaya s’ajoute – avec l’économie en ruine et les infrastructures ravagées par la guerre – à la liste des défis traumatisants auxquels le pays est confronté. Les Syriens ont besoin d’aide, de solidarité et de compréhension de la part du reste du monde.

Zionists advancing into Syria.

Mais qu’offre donc la prétendue « communauté internationale » aux Syriens à la place ?

Israël – armé par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et d’autres – leur offre des bombardements insensés. L’État sioniste a frappé des centaines de cibles, non seulement des sites d’armement – afin qu’une Syrie libre et indépendante soit sans défense – mais aussi des bâtiments contenant des documents. On peut supposer qu’il vise à détruire des preuves de ses collaborations avec le régime, et peut-être aussi celles de son allié américain.

Israël pénètre également plus loin dans le plateau du Golan, créant une « zone tampon » pour protéger ce territoire occupé illégalement, dont Hafez al-Assad, le père de Bachar, s’était retiré sans combat en 1967 (il était ministre de la Défense à l’époque). Le régime Assad, tant sous le père que le fils, a protégé la sécurité d’Israël à la frontière mieux que ne l’ont fait les États ayant signé des accords de paix avec Israël. Le régime a également emprisonné tout Syrien qui s’organisait de quelque manière que ce soit contre le sionisme. Parmi les prisonniers libérés hier se trouvait Tal al-Mallouhi. Tal avait été arrêtée en 2009, à l’âge de 19 ans, simplement pour avoir écrit des poèmes et des billets de blog appelant à la solidarité avec la Palestine. C’est pour cela que la chute d’Assad a enragé Israël.

Aucune puissance occidentale n’a condamné l’attaque non provoquée d’Israël contre la Syrie libre. Elles ont manifesté leur hostilité envers les Syriens dès les premières minutes de la libération. Et cela pourrait potentiellement rendre nos avenirs non seulement mauvais, mais très sombres. Que le peuple syrien l’emporte.

Traduction : ChatGPT

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Le père Paolo Dall’Oglio – Cinq ans après sa disparition en Syrie


 

Voici ce que j’ai retenu des rencontres auxquelles j’ai assisté à Paris avec le jésuite Paolo Dall’Oglio ou autour de ses idées. Et les traces les plus significatives qu’il a laissées sur la Toile en langue française, du fait de son engagement en faveur des Syriens aspirant à la liberté. Depuis sa disparition le 29 juillet 2013, à Raqqa, dans le nord-est de la Syrie, aucun signe de vie ni aucune preuve de sa mort n’ont été communiqués ni aux autorités italiennes, ni au Vatican, ni à ses proches.

Le 25 septembre 2012 à la mairie du XXe arrondissement à Paris – Les chrétiens de Syrie par le père Paolo Dall’Oglio :

Cet homme est un jésuite italien, qui a restauré de ses propres mains dans les années 80 le monastère Mar Moussa al-Habachi [Saint Moïse l’Abyssin], du XIesiècle, dans le désert au nord de Damas, avec l’aide de jeunes. (À l’époque, l’État donne des permis de résidence à des chrétiens étrangers pour apporter leur aide à la minorité chrétienne). Il est très engagé dans le dialogue interreligieux et unanimement respecté dans l’opposition syrienne, toutes communautés confondues. Contraint de quitter la Syrie, qui était devenue sa deuxième patrie en juin 2012, il ne mâche pas ses mots au point d’irriter certains chrétiens syriens venus se mêler aux opposants syriens de Paris car il ose parler politique : « Le départ de Ben Ali a eu pour nous comme un parfum pascal. Depuis 2005, le régime nous interdisait d’utiliser les mots “société civile” ! Cependant, nous avons tout essayé pour que ce moment advienne.

Au début du soulèvement, j’ai suggéré la création d’un Centre international sur les pathologies politiques et demandé l’envoi de 50 000 acteurs non-violents de la part de la communauté internationale. J’ai aussi prévenu l’ambassadeur de France à Damas Éric Chevallier : il faudra 200 000 morts pour qu’Assad parte. » [Sur ce point, il s’est trompé !]

Monastère de Mar Moussa al-Habachi

suite du long article ici

Treize mois de supplice à la prison Saidnaya


source :

Les mains de Shappal n’ont pas toujours été ces silhouettes claires, longues et fines, qui se déplient en gestes précis pour ordonner son récit. Il faut imaginer qu’il y a un peu plus de cinq ans, elles furent deux boules de sang brûlantes de douleur, boursouflées par 180 coups de fouet, pendant au bout de ses bras tendus entre les barreaux d’une cellule. « Nous devions passer les mains par la grille pour qu’on nous les fouette depuis le couloir, explique-t-il. Elles devenaient tellement grosses qu’on ne pouvait plus les refaire passer entre les barreaux. »

carte de la Syrie

Shappal Ibrahim, 41 ans, visage de la cause kurde en Syrie, un regard droit derrière des lunettes cerclées de noir, pas une larme, guère plus de colère, revient d’un enfer qui continue de consumer ses compatriotes par milliers : la prison de Saidnaya, à 30 km de Damas, réputée pour l’inventivité de ses tortures. « Le pire, c’était lorsqu’on nous obligeait à nous arracher la barbe de nos propres mains, poursuit-il. Après, l’un de mes camarades, convoqué au tribunal avait un visage tellement méconnaissable que le juge l’a sommé de s’expliquer. De retour à la prison, il a été encore plus torturé. »

portrait de Sheppal IbrahimShappal Ibrahim a passé treize mois dans la terrible prison de Saidnaya.
CRÉDIT : MARCEL MAFFEI POUR LA CROIX

Libéré en mai 2013, désormais réfugié en Allemagne, Shappal n’entend rien oublier de son supplice de treize mois à Saidnaya. En ce début de soirée de mars, il en livre les détails assis, jean et écharpe noirs, dans le petit salon d’un appartement de Dortmund. Ses mots sont neutres, circonstanciés. Ils se dressent comme des remparts contre les assauts d’une peine que seul, parfois, un battement de pied laisse deviner. Au mur, le tableau d’un paysage de montagne automnal le regarde. Dehors, le jour décline, la rue se tait.

« Il arrivait que les geôliers urinent sur notre ration de nourriture », se souvient-il. En fait de ration, il fallait compter avec un morceau de pain rassis, parfois un œuf, quelques gouttes d’eau suintant du plafond, le tout partagé à genoux, face au mur, avec les six autres pensionnaires d’une cellule de quatre mètres carrés. À son arrivée, Shappal y a été conduit les yeux bandés à l’issue d’une « cérémonie de bienvenue » réservée à chaque nouveau venu : dépouillement de tout effet personnel, envoi au deuxième sous-sol, coups de câble, deux heures durant, sur le corps mis à nu.

Saidnaya, ce furent aussi pour Shappal des réveils nocturnes pour le seul plaisir des gardiens, un compagnon de cellule retrouvé mort un matin, une nudité quasi permanente, l’interdiction de parler. Et les coups, toujours arbitraires, comme ce jour où un surveillant lui brisa le bras gauche, peut-être pour ôter tout répit à Shappal qui venait de recevoir la visite de son frère. A-t-il craint parfois de mourir ? « J’en ai souvent rêvé », confie-t-il.

Le viol, la double peine des Syriennes


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. Dessin David Ortsman

Les témoignages de victimes attestent d’une pratique répandue et organisée par le régime. Agressées, ces femmes se heurtent aussi au rejet d’une société qui les considère salies.

En ce jour ensoleillé et doux de décembre 2013, Maya (1) n’imagine pas ce qui l’attend. Cette mère au foyer de 31 ans se rend dans l’un des principaux centres de détention des services de renseignement militaire de Damas pour essayer de savoir ce qu’est devenu Ahmed, son mari. Sans nouvelles depuis son arrestation lors d’une opération militaire contre un bastion de l’opposition il y a plusieurs mois, Maya est rongée par l’inquiétude. Accusée d’être «l’épouse d’un terroriste», elle est immédiatement incarcérée. Au bout de quelques jours, elle est convoquée pour un interrogatoire. Dans un bureau rempli de gardes, elle se retrouve face à son mari, couvert de marques de coups. «Son regard me disait : pourquoi es-tu venue ici ?» se souvient Maya. L’officier, qui se fait appeler Sidi («mon maître» en arabe), menace Maya de viol collectif et de violer ses enfants si Ahmed ne parle pas. «Je me suis jetée à ses pieds en le suppliant de ne pas me faire de mal. Il a alors proposé de me libérer si mon mari et moi avions une relation sexuelle devant eux, raconte Maya la voix brisée. Ils ont traîné mon mari sur moi, mais il était comme paralysé. Alors l’officier a appelé un des gardes et lui a ordonné de me violer. J’étais dans un état second.»

à lire aussi En Syrie, «baiser toutes les femmes pour les punir»

Les semaines qui suivent, Maya est interrogée plusieurs fois, seule. Parce qu’elle ne parle pas, elle est violée en réunion par les gardes à deux reprises. Sidi leur promet un mois de permission s’ils miment un film pornographique qu’il regarde en même temps à la télévision. «Je me disais qu’ils me libéreraient peut-être après ça», confie la jeune femme à voix basse. La nuit, impossible de trouver un bref répit dans le sommeil. Les cris des autres détenues l’empêchent de dormir. «J’entendais des femmes supplier les gardes de les frapper mais de ne pas les violer. On ne peut pas oublier ces cris. C’est comme si quelqu’un criait à l’intérieur de votre tête», se souvient Maya. Libérée après encore plusieurs longs mois de détention, la jeune femme vit toujours en Syrie.

«Tu veux la liberté ?» De nombreuses ex-détenues dévoilent des récits similaires de violence sexuelle dans les centres de détention des services de renseignement à travers le pays. Malina, une activiste de 31 ans (lire aussi page 5), a été détenue dans la même prison que Maya quelques mois avant elle. Dès son arrivée, les gardiens la déshabillent, comme tous les activistes capturés ce jour-là – hommes et femmes – et les font se tenir entièrement nus, en cercle, pendant qu’ils les inspectent. «Tu veux la liberté ? La voilà ta liberté ! dit un garde en insérant ses doigts dans le vagin de Malina. On va te donner la liberté sexuelle !» «Il faisait cela pour m’affaiblir. Je me disais que j’étais très forte et qu’ils ne me faisaient pas peur. Même s’ils abusaient de moi», se souvient Malina. Elle sait d’autant plus ce qu’elle risque qu’elle a déjà été violée lors d’une précédente détention quelques mois auparavant, en guise de représailles pour avoir refusé d’espionner son groupe d’activistes pour le compte du gouvernement.

Asma a été arrêtée en 2014 parce que son mari était recherché pour avoir manifesté. Les agents d’un centre de détention de Damas la torturent avec des câbles qui lui envoient des décharges électriques sur les seins puis la violent à plusieurs reprises. Loubna aussi a été torturée à l’électricité et violée. A cause de ces violences, elle a fait une fausse couche.

Yasmine, elle, a été dénoncée parce qu’elle distribuait de l’aide humanitaire dans la banlieue de Damas. Arrêtée, elle est abusée sexuellement lors des interrogatoires, torturée, puis violée quatre fois. Zeina, une infirmière qui soignait les rebelles dans un hôpital clandestin de Homs, le bastion de la révolution, a été détenue un an par les services de renseignement militaire. Au cours d’un interrogatoire, un agent la frappe avec un tuyau, puis lui dit : «Comme tu es sunnite, on va te faire ça !» avant de la violer. Les onze compagnes de cellule de Zeina, dont une sexagénaire, lui confient ensuite avoir aussi été violées. «Sois forte, ce qui t’arrive nous est aussi arrivé» lui souffle l’une d’elles.

Au fil des témoignages s’esquisse une pratique récurrente à travers le pays et dans le temps. Si les activistes comme Malina ou Yasmine sont les cibles privilégiées, de nombreuses victimes n’étaient pas engagées dans la révolte. Epouses, sœurs d’opposants ou même simples habitantes de quartiers étiquetés «pro-révolution» subissent des violences sexuelles. «Au début, les viols avaient principalement pour but de dissuader les gens de rejoindre la révolution. Bachar al-Assad envoyait ainsi le message qu’il ferait n’importe quoi pour écraser la révolte», explique Sema Nassar, militante syrienne des droits de l’homme et auteure de plusieurs rapports sur les violences commises en détention. Certaines femmes racontent que leur famille leur interdisait de se joindre aux manifestations par crainte d’agression sexuelle.

«Ennemie». Les fréquents récits de viols en 2012-2013 semblent indiquer un pic à cette période, sans doute lorsque le régime s’est senti le plus menacé. «Plus tard, violer les femmes était une façon de les punir pour leur engagement. C’est une des armes favorites du régime car elle ne coûte rien et les femmes restent stigmatisées et affectées, même une fois sorties de prison», ajoute Sema Nassar. Terroriser, punir, soumettre. Une stratégie employée tout au long du conflit par le régime.

Les viols n’ont pas lieu uniquement dans les prisons. Les femmes courent le risque d’être agressées sexuellement lorsqu’elles passent les check-points pour sortir ou rentrer dans leur quartier. Transporter des médicaments, une caméra ou avoir des photos de la révolution sur un téléphone suffit à les mettre en danger. Dans les guérites supervisées par les chabiha, les milices pro-régime, c’est la roulette russe lors de la fouille et du contrôle d’identité. A tel point qu’à la nuit tombée, beaucoup de femmes n’osent plus passer sans un homme de leur famille pour les escorter.

Au début de la guerre, lors d’offensives militaires pour reprendre certains quartiers ou villages à l’opposition, les soldats de l’armée syrienne ont aussi violé les résidentes, comme une arme indissociable de leur attaque. A l’automne 2012, l’armée syrienne lance une opération pour reconquérir Qaddam, un quartier traditionnel de classe moyenne dans le sud de Damas, dominé par l’opposition. Alors que toute la population a fui, Maryam, une grande femme de 27 ans au visage encore enfantin encadré par un voile serré, retourne chercher quelques affaires chez elle. Elle est alors arrêtée par un groupe de soldats. Ils la pressent pour savoir si elle est affiliée aux «terroristes». «Pour eux, j’étais une ennemie, une terroriste car je venais de ce quartier. Ils voulaient me punir», dit la jeune femme. La nuit tombe. Les soldats attachent Maryam sur une banquette à l’arrière d’un minibus. «Un officier est arrivé et s’est assis à côté de moi, tandis que deux soldats se tenaient derrière. L’officier a mis sa main sur ma cuisse, raconte-t-elle les yeux baissés en se tordant les mains nerveusement. J’ai crié. L’officier m’a menacé : « Si tu cries, je vais te tuer ! » et un des soldats a mis sa main sur ma bouche. Les trois hommes ont commencé à me toucher partout, y compris sur mes parties intimes. Je ne voyais rien car il faisait trop sombre, mais j’entendais qu’ils se masturbaient.» L’officier force Maryam à lui faire une fellation tandis que les deux autres hommes continuent à la toucher. «Ensuite, l’officier m’a enlevé mon pantalon. Je l’ai supplié de ne pas faire ça. Il est monté sur moi et je me suis évanouie, continue la jeune femme avec difficulté. Quand je suis revenue à moi, il était en train de remettre son pantalon et il est sorti du minibus. J’ai ressenti une forte douleur dans le vagin. J’ai beaucoup saigné les jours qui ont suivi et j’ai eu une infection.»

Tabou. Maryam est transférée dans une prison d’où elle est libérée au bout de trois jours, à condition de signer une promesse écrite de ne jamais révéler ce qu’elle a enduré. «Personne ne le sait dans ma famille. Ils me feraient des reproches et me diraient que je n’aurais pas dû retourner là-bas», précise-t-elle, aujourd’hui réfugiée en Turquie, mariée et mère d’une petite fille.

La plupart des victimes se taisent car pour la majorité des Syriens, le viol constitue le tabou ultime. «C’est pire que la mort, dit un avocat originaire de Homs. J’aurais plus peur du viol pour ma femme et ma fille que de la mort.» Dans une société largement patriarcale et conservatrice, l’honneur des femmes est central dans l’ordre social. Une femme violée est perçue comme déshonorée et ce déshonneur rejaillit sur sa famille. Double peine cruelle, nombre de victimes de viol ont été rejetées par leur famille, répudiées par leur mari qui a immédiatement demandé le divorce et conservé la garde de leurs enfants.

Dans les cas les plus extrêmes, certaines ont été poussées au suicide. «Une mère m’a raconté que sa fille de 23 ans s’était suicidée car elle n’avait pas pu supporter la réaction de sa famille, raconte Sema Nassar. A sa sortie de prison, elle était enceinte, son fiancé l’a quittée, son père et son frère l’insultaient. Son père la cachait en disant à tout le monde qu’elle était en voyage. Désespérée et à bout, elle s’est jetée du cinquième étage de sa maison. Quand elles ne les ont pas rejetées, beaucoup de familles ont quitté le pays avec leur fille pour échapper à la honte.» Le viol a ainsi contribué à vider la Syrie de ses opposants.

Selon des témoignages indirects, les viols continuent actuellement dans les geôles du régime. «Il est effrayant de voir que même en position de force, le régime continue à agresser sexuellement les détenues, relève Sema Nasser.Il veut prendre sa revanche sur les activistes qui se sont opposés à lui.»

(1) Les prénoms ont été changés.

Sept longues années de massacres


 Raphaël Glucksmann | Mar 15, 2018 5:14:11 PM

Sept longues années de massacres.
Sept longues années d’agonie d’un peuple et, à travers lui, de l’idée que nous pouvions nous faire du monde.
Sept longues années de nuit syrienne.

Tout avait pourtant commencé en plein jour, ce 15 mars 2011, lorsque des milliers de citoyennes et de citoyens ont osé manifester pour demander des changements, une part de lumière. Ils ne réclamaient ni califat ni théocratie, contrairement aux mensonges que propagent aujourd’hui, ici, tant de plumes révisionnistes de droite comme de gauche. Ils ne réclamaient pas même la chute du régime, au départ. Juste des changements. Et de la « dignité ».
Bravant la peur, ils descendaient pacifiquement dans les rues de leur ville. La réponse de Bachar al-Assad fut de raser leurs rues. Et leurs villes avec.

« Vous voulez la révolution ? Vous aurez la guerre. » La leçon administrée par le dictateur de Damas et ses parrains russes ou iraniens dépasse largement les frontières syriennes. Elle est un véritable manifeste contre-révolutionnaire, écrit en lettres de sang, à destination de toutes celles et de tous ceux qui auraient l’idée de se révolter. Là-bas ou ailleurs.

« Vous voulez la liberté ? Vous aurez la mort. » Voilà l’essence du message adressé au monde par Assad, Khamenei et Poutine. À l’absence du monde plutôt. Au monde en tant qu’absence, en tant qu’idée périmée dont il convient de prouver la fin à coups de cadavres, d’urbicides et d’attaques chimiques.

Tous nos dirigeants se pressent chaque année à la tribune des Nations unies pour célébrer l’universalité des droits. Mais, quand vient le massacre des Syriens, il n’y a plus personne. Personne pour faire respecter les « lignes rouges ». Personne pour aider Alep hier. Personne pour sauver la Ghouta aujourd’hui. Personne.

Et pas grand-monde non plus sur nos places ou dans nos rues, il faut le reconnaître, pour manifester notre solidarité. Le droit d’ingérence fut décrédibilisé par les mensonges américains en Irak et le chaos libyen. L’idée de l’humanité, elle, n’en finit pas de périr de nos absences, de nos renoncements, de notre indifférence sur la Syrie.

Obnubilés par Daech, nous oublions que les relations internationales ne se résument pas à la nécessaire lutte contre le terrorisme. Que le monde ne se divise pas simplement en deux : les djihadistes et ceux qui s’y opposent. Qu’il y a, parmi ceux qui se prétendent en « guerre contre le terrorisme », des ennemis résolus de tous nos principes, d’authentiques bouchers dont les exactions systématiques ne font qu’alimenter le djihad, des pyromanes qui se déguisent en pompiers après avoir eux-mêmes allumé le brasier. Des terroristes, eux aussi, en fin de compte. Car comment qualifier autrement ceux dont les bombes visent sciemment les hôpitaux et les écoles ou qui se permettent d’éliminer leurs opposants à coups d’agents toxiques au cœur même de nos villes ?

On nous dit, ici, qu’il a bien fallu s’allier à Staline contre Hitler et qu’on peut bien soutenir Assad et Poutine contre Daech. Sauf que nous ne sommes pas en 1941. Que le drapeau noir du califat ne flotte pas sur l’Europe. Et, surtout, que Poutine et Assad ne font nullement de Daech leur ennemi principal. Ils ont toujours bombardé infiniment plus l’Armée syrienne libre que les terroristes. Nos alliés potentiels sont leurs adversaires désignés, pas ceux qui ont couvert de sang nos rues et nos salles de concert.

Il y avait une révolution syrienne. Après sept ans de guerre et d’abandons, elle tente tant bien que mal de survivre dans quelques ghettos assiégés et affamés. Nous avons, au fond, accepté sa mort. Nous en paierons le prix un jour.

DOSSIER :Sept longues années de massacre

Photos : Manifestation à Saqba, Syrie, 18 mars 2016 © Msallam Abdalbaset/CrowdSpark/AFP – Étagères dans les décombres, 14 novembre 2017, Atarib, Syrie © ZEIN AL RIFAI/AFP – Syriens au milieu des débris, 13 novembre 2017, Atarib, Syrie © AFP PHOTO/Zein Al RIFAI – Secouristes portant un homme bléssé, 20 février 2018, Damas, Syrie © Khaled Akasha/Anadolu Agency

 

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