Témoignage de Farida Aarrass


Torture à la marocaine.

Farida, la soeur d’Ali Aarrass, l’a revu dans sa cellule à Salé il y a quelques jours. Récit.

J’ai pris mon courage à deux mains et vous ai mis par écrit une partie de ce que Ali m’a relaté tout à l’heure…
« Mais quelles sont ces cicatrices sur tes genoux Ali ? »

Elles datent de décembre 2010 Farida. Période de torture à Temara, lorsque les tortionnaires ne cessaient de me battre pour que je leur avoue …j’ignore quoi… Ils ne cessaient de me parler d’armes. Les premiers jours paraissaient des siècles, une éternité. J’ai compris que je devais me mettre à mentir à leur donner des infos mensongères pour qu’ils me laissent un peu de répit. J’avais donc inventé que j’avais caché des armes à Nador. (Lieu où habite une tante paternelle.)

Je m’étais dit que c’était la ville la plus lointaine au Maroc et que le trajet jusque la serait un soulagement…. Je ne tenais plus … Au milieu de la nuit, On m’a donc jeté dans un fourgon. Les tortionnaires étaient contents, ils riaient aux éclats. Une fois sur place, des fouilles ont été entreprises durant toute une journée. Un journaliste y était et allait insister plus tard pour témoigner, Dieu merci, qu’on avait rien trouvé à l’issue des fouilles.

En voyant que j’avais menti, La colère les avait gagné et la suite sera terrible. Ils m’ont déshabillé dans les bois en fin de journée. Ils m’ont attaché a un arbre et frappė violemment sur tout le corps. Lorsqu’ils m’ont détaché je ne tenais plus debout… Mais m’ont forcé à me relever et après ça. Ils ont m’ont jeté à terre, les poings liés dans le dos. L’un d’entre eux m’a écrasé la tête au sol en poussant de toutes ses forces contre le sol, avec son pied. Puis il a tiré des coups de feu tout autour de ma tête pour me faire croire qu’il allait me tuer. Il me criait dessus et disait, dis moi tout ce que tu sais…

Ali à répondu en criant : « Vous m’obligez depuis le début à vous inventer des histoires et c’est ce que fais, je vous mens depuis le début »
Leur colère devint incontrôlable et ils ont balancé Ali du haut d’un ravin alors qu’il avait les mains attachees dans le dos !!! D’où ces affreuses cicatrices. Lorsqu’ils sont descendus vérifier ils lui ont craché et uriné dessus….
(Vous ne pouvez pas imaginer ma colère !)

Ali dit en pleurant que cela n’est pas le pire qu’il ait vécu. Il pleurait beaucoup plus en ajoutant que lorsqu’ils l’ont ramené de nouveau à Temara, ils le plaquaient dans le coin de la pièce où on le torturait. Il était tout nu et on poussait sur lui en position assis alors que sous lui un garde tenait une bouteille. Ali continue toujours en pleurant…. Il parle d’une barre métallique ainsi qu’un bâton grossièrement taillé…. Il saignait et cela ne les arrêtait jamais. Puis il pleure encore plus fort lorsqu’il me dit qu’un salaud avait aussi voulu se mettre à le violer lui même, mais qu’il a ramassé le peu de forces qu’il avait pour l’en empêcher et que cela lui a valu des coups, mais que cela lui était préférable….

Malgré toute la colere que je ressens envers ces bourreaux, ces monstres, J’essaie de me ressaisir en me disant que cela fait partie du passé, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer que d’autres subissent peut être ça au moment où j’écris….

(via Baudouin Loos sur FB)

L’offensive djihadiste en Irak qui redessine le Moyen-Orient


Pierre Haski | Cofondateur Rue89

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Réfugiés de Mossoul arrivant en région kurde, protégée par des policiers de la zone autonome kurde (STR/AP/SIPA)

En 2003, George W. Bush a déclenché la guerre d’Irak sur la base de fausses informations faisant état de liens entre Saddam Hussein et Al Qaeda. Onze ans plus tard, une organisation djihadiste prend le contrôle d’une large partie de l’Irak, et est en passe de redessiner les frontières du Moyen-Orient.

L’offensive djihadiste a pris le gouvernement irakien par surprise : Mossoul, la deuxième ville d’Irak, dans le nord du pays, est tombée mardi entre les mains du plus radical des groupes djihadistes, l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL selon l’acronyme français, aussi connue sous ses acronymes d’ISIS en anglais et de Da’ech en arabe), également très actif en Syrie.

La chute de Mossoul et de sa région pétrolière entre les mains de djihadistes sunnites, partisans d’une stricte application de la charia, a envoyé un demi-million de réfugiés sur les routes en quelques heures, et semé la panique à Bagdad, où le gouvernement a appelé les Etats-Unis à l’aide.

Depuis, l’offensive d’EIIL se poursuit, notamment dans la ville sainte chiite de Samara, pour élargir le territoire contrôlé par les djihadistes, qui ont rompu leurs liens avec la nébuleuse Al Qaeda en février dernier et ont attiré à eux tous les apprentis djihadistes du Moyen Orient et même au-delà, y compris en France.

La carte des derniers combats en Irak (abm K.Tian/A.Bommenel / AFP)

 

Qui est l’EIIL qui a lancé cette offensive sans précédent ?

 

L’Etat islamique en Irak et au Levant est un enfant d’Al Qaeda, aujourd’hui en rupture avec la « maison mère », devenu à son tour un centre de ralliement djihadiste autonome.

L’organisation est d’abord née en Irak en 2006 sous le nom d’Etat islamique d’Irak, en incorporant Al Qaeda en Irak. Avec le développement du soulèvement syrien, elle s’est transformée en Etat islamique en Irak et au Levant, effaçant ainsi la frontière entre les deux pays.

Djihadiste affilié à l’Etat islamique en Irak et au Levant (AFP d’après une vidéo de propagande)

Cette extension sur le sol syrien (avec la complaisance paradoxale du régime Assad trop content de diviser ses adversaires, selon de nombreux observateurs) a créé des frictions avec l’autre organisation djihadiste de Syrie, le Front Al Nosra, et entraîné la rupture avec la « centrale » Al Qaeda, toujours dirigée de la région Afghanistan-Pakistan.

En février 2014, Al Qaeda a publié un communiqué désavouant l’EIIL et niant toute responsabilité dans ses actions.

Cela n’a pas empêché l’EIIL de poursuivre son implantation, non seulement en Syrie autour de son fief de Raqqa, ainsi qu’en Irak où elle s’est manifestée autant dans la région de Fallouja, au sud, avec une alliance des djihadistes avec des tribus sunnites locales, que dans le nord, avec la prise de Mossoul et d’une partie de la région de Salaheddine.

Seule photo connue mais non authentifiée d’Abou Bakr al-Baghdadi, émir d’ISIS, diffusée par les Américains (FBI)

L’EIIL est dirigé par un Irakien, Abou Bakr Al-Baghdadi, dont la tête est mise à prix 10 millions de dollars par les Américains. Comme le soulignait récemment Jean-Pierre Filiu sur Rue89 :

« Nul ne sait avec certitude l’identité réelle de la personne qui se cache sous ce pseudonyme chargé de sens : Abou Bakr est le successeur direct du prophète Mohammed et il fut, de 622 à 624, le premier des califes de l’Islam.

Quant à “ Baghdadi ”, cela signifie “ de Bagdad ”, afin de souligner la nationalité irakienne de cet “ Abou Bakr de Bagdad ”. »

L’EIIL a pour objectif l’instauration d’un « califat » islamique sur les zones qu’elle contrôle. Il pourrait être en passe de le faire si son offensive actuelle lui permet de consolider une zone de peuplement sunnite à cheval sur la Syrie et le nord de l’Irak, redessinant ainsi les frontières héritées de la période coloniale.

L’organisation compte plusieurs milliers d’hommes armés, dont une partie d’étrangers venus d’Asie centrale, d’autres pays du Moyen-Orient, et d’Europe occidentale. Plusieurs Français figurent parmi ses membres, et un certain nombre ont péri dans ses rangs.

Le financement de l’organisation se fait largement par le prélèvement d’un « impôt » dans les zones dans lesquelles elle est active. Certaines informations indiquent que plus de 300 millions de dollars ont été récupérés par les djihadistes lors de la prise de Mossoul…

L’EIIL d’Al-Baghdadi, soulignait récemment Jean-Pierre Filiu sur sa note de blog prémonitoire, « est désormais au centre du djihad global ».

« Son prestige, amplifié par les réseaux sociaux, est sans équivalent dans la mouvance djihadiste. De nombreux groupes, dont Ansar Beit Maqdes, la formation jihadiste la plus active du Sinaï, lui ont d’ores et déjà prêté allégeance. »

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Qui détient le pouvoir en Irak ?

Le pouvoir de Bagdad a été pris au dépourvu par la chute de Mossoul, la deuxième ville du pays, une humiliante défaite face aux djihadistes sunnites.

Le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a aussitôt décrété l’état d’urgence. Mais ce leader chiite, qui concentre l’essentiel du pouvoir entre ses mains, paye ici son attitude vis-à-vis des Sunnites. Ces derniers ont longtemps été assimilés au pouvoir dictatorial de Saddam Hussein, renversé par l’intervention militaire américaine de 2003, et ont perdu leur statut dans la société.

Al Qaeda en Irak, devenu par la suite ISIS, s’est beaucoup appuyé sur ce mécontement des tribus sunnites pour recruter des combattants et des partisans.

Comme le faisait remarquer Jean-Pierre Filiu le 23 avril dernier sur Rue89 :

« Baghdadi [l’émir de l’EIIL] a pu profiter de la politique brutalement sectaire du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. Le nouvel homme fort de l’Irak, à la fois chiite et revanchard, cumule aujourd’hui les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur, tout en dirigeant lui-même les services de renseignement.

A peine le retrait américain consommé en 2011, Maliki a humilié avec une telle morgue la communauté sunnite qu’il a rejeté dans l’opposition armée une grande partie des ralliés de la période précédente. »

Au début de l’année, alors qu’il était en campagne électorale, Maliki a assuré qu’il pourrait balayer les djihadistes en quelques semaines… Aujourd’hui, il se retrouve assiégé, incapable de résister face à une offensive de l’EIIL face à laquelle son armée n’a pu opposer qu’une piètre résistance.

Et face à des djihadistes déterminés, parvenus à recréer une alliance avec les tribus sunnites et d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein balayés par la défaite de 2003, l’EIIL oppose la force d’un Etat en devenir à un Premier ministre très affaibli.

L’Irak post-Saddam Hussein, qui n’a connu que de brefs répits depuis l’invasion américaine de 2003, traverse aujourd’hui une épreuve qui risque de remettre en cause son unité en tant qu’Etat.

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Que vont faire les Etats-Unis ?

 

Les Etats-Unis assument une responsabilité historique indéniable dans la crise irakienne actuelle. C’est l’administration Bush qui, en renversant la dictature de Saddam Hussein, a déclenché un processus politique totalement incontrôlé qui a permis l’émergence de groupes djihadistes jusque-là marginaux.

L’armée américaine a quitté l’Irak en 2011, fermant l’un des épisodes les plus douloureux de son histoire depuis la guerre du Vietnam, sans avoir réussi à stabiliser durablement le régime issu de son intervention.

Le rêve des « neo-cons » de l’administration Bush, de reproduire en Irak ce que l’armée américaine avait fait au Japon et en Allemagne, c’est-à-dire bâtir une démocratie sur les décombres de la défaite militaire de ces deux pays en 1945, s’est révélé une chimère.

Selon le New York Times, avant même les derniers développements, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait demandé aux Etats-Unis de mener des frappes aériennes contre l’EIIL. Mais l’administration Obama aurait refusé, que ce soit par avions ou par drones sans pilotes, « considérant la page irakienne comme close ».

Washington privilégie à ce stade la même politique suivie depuis son retrait en 2011 : la formation et l’appui à l’armée nationale irakienne, même si celle-ci s’est montrée incapable de résister à l’avancée djihadiste, et aura bien du mal à reconquérir le terrain perdu.

« Au bout du compte, c’est à l’armée irakienne et au gouvernement irakien de faire face à ce problème », a déclaré mardi l’amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone, cité par le New York Times.

Selon le journal, les Etats-Unis ont fourni 14 milliards de dollars d’aide militaire au pouvoir irakien, y compris des jets F-16 et des hélicoptères de combat Apache, des drones de surveillance et des missiles Hellfire. Ils ont également formé (sur le territoire jordanien) des troupes d’élite irakienne au combat anti-terroriste.

Mais des voix se font entendre aux Etats-Unis pour en faire plus, encadrer les troupes irakiennes sur le terrain, envoyer des missions de drones contre les djihadistes, bref, remettre le doigt dans un engrenage dangeureux.

Mais Barack Obama a tout récemment exprimé sa doctrine qui ne privilégie pas l’action militaire alors qu’il a réussi à extraire les Etats-Unis des deux conflits hérités de l’ère Bush : en Afghanistan et en Irak. Une doctrine moins interventionniste résumée d’une formule choc :

« L’Amérique a le meilleur marteau mais tous les problèmes ne sont pas des clous. »

En attendant, c’est sur le terrain délaissé par les GIs que s’écrit une nouvelle page d’histoire. Et il n’est pas certain que les Etats-Unis réussiront à en rester à l’écart éternellement.

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L’Irak peut-il imploser ?

 

La carte d’un nouveau Moyen Orient ? (NYT)

Il y a seulement quelques mois, la chercheuse américaine Robin Wright, spécialiste du Moyen Orient, se demandait dans une tribune au New York Times, si la guerre en Syrie n’allait pas conduire à une recomposition géographique et politique du monde arabe.

Carte à l’appui, elle soulignait que bon nombre des tensions, crises et guerres du monde arabe depuis deux ans tracent de nouvelles lignes de fracture, voire de frontières, à l’image de l’éclatement des Balkans ou de l’ex-URSS, pouvant permettre d’imaginer une nouvelle carte mettant fin au découpage actuel largement hérité de l’éclatement de l’empire ottoman et des luttes d’influences entre puissances coloniales.

Ainsi, la Libye se retrouverait divisée en trois Etats -Est, Ouest et Sud-, la Syrie en trois Etats également -un kurde, un alaouite et un sunnite-, l’Irak également permettant l’unification des zones à dominante kurde… Une partie du Yémen pourrait être absorbée par l’Arabie saoudite, qui pourrait perdre ses zones chiites.

A voir le « Sunnistan » dessiné sur la carte ci-dessus, on retrouve les contours de la zone que contrôle peu ou prou l’EIIL depuis son offensive sur Mossoul et au-delà.

Et les derniers développements militaires renforcent le désir des Kurdes de la zone autonome du nord de l’Irak de consolider leur région qui a tout d’un Etat indépendant sauf le nom. Surtout depuis que le Kurdistan irakien exporte directement son pétrole sans en référer à Bagdad, se contentant de payer l’impôt…

C’est pour éviter cet éclatement de l’Irak en trois zones distinctes -sunnite, chiite, kurde- que George Bush Snr avait mis fin à la première guerre du Golfe, en 1991, avant d’atteindre Bagdad et donc de renverser Saddam Hussein. C’était sous pression des Saoudiens qui redoutaient le réveil de la majorité chiite d’Irak, et, de fait, le soulèvement des chiites fut écrasé dans le sang par le régime de Bagdad.

L’histoire s’est remise en marche avec l’intervention de 2003, et, tandis que George W. Bush mène une retraite paisible de peintre de pacotille, les peuples du Moyen-Orient règlent leurs comptes et écrivent une nouvelle histoire.

Dans sa note de blog du 23 avril 2014 consacrée à l’émergence de l’émir de l’EIIL, Abou Bakr al-Baghdadi, Jean-Pierre Filiu concluait sur cette phrase inquiétante :

« Le monstre djihadiste inspiré par Baghdadi ne restera pas éternellement confiné au Moyen-Orient. »

source

Ne pas diffuser ?


La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent
Albert Einstein

C’était au tout début du mois de juillet de l’année dernière. J’étais place Tahrir au Caire, dans l’attente d’un événement que même le cireur de chaussures de la corniche Maspéro savait inéluctable. Mohamed Morsi, le président égyptien allait , selon l’expression consacrée, devoir dégager. Le téléphone sonne. Un ami m’appelle de France pour m’annoncer : « Tu sais ! Un des principaux éditorialistes parisiens affirme qu’il va rester au pouvoir ! » Du point de vue de ce confrère, depuis son bureau avec vue sur la Seine, c’était tout à fait logique. Morsi avait été élu démocratiquement.

L’administration Obama, persuadée qu’elle avait enfin trouvé un « bon » islamiste sunnite, le soutenait. Les correspondants et envoyés spéciaux en Egypte pouvaient toujours décrire les foules immenses et le soutien accordé par l’armée aux manifestants anti-Frères musulmans, cela ne changeait rien à la vision manichéiste de cet expert en politique étrangère.

Les aveugles

Il souffrait du syndrome de l’inertie conceptuelle. L’incapacité à adapter l’analyse et le discours aux tranformations d’une situation, d’un rapport de force. Une forme d’aveuglement, qui a frappé les médias mais aussi les services de renseignements et d’analyse au cours de l’Histoire. En 1941, aveuglé par sa vision des relations bilatérales avec Berlin, Staline n’a pas voulu voir les signes annonciateurs de l’offensive nazie contre l’URSS. Dans les années 70, les Américains n’ont pas compris la nature des événements précurseurs à la chute du Shah d’Iran et l’arrivée au pouvoir des Ayatollahs. Plus tard, ils ont refusé toutes les informations sur l’inexistence d’armes de destruction massives dans l’Irak de Saddam Hussein. On connaît la suite.

Les Israéliens, politiques, analystes et journalistes n’ont pas toujours fait mieux. La surprise stratégique de la guerre du Kippour en est un des principaux exemples. Il faudrait aussi rappeler le soutien sans faille accordé par l’armée et le Shin Beth au développement de l’Islam radical à Gaza jusqu’au jour où ces « sympathiques religieux » ont créé le Hamas dont l’objectif est la destruction de l’État juif. J’ai décrit cet épisode dans mon livre « Le grand aveuglement » .

Que faire des Palestiniens ?

Aujourd’hui, on est bien obligé de constater que ce syndrome est omniprésent chez les dirigeants et les médias occidentaux, bloqués sur la vision de l’inéluctabilité d’une paix israélo-palestinienne. Or, la probabilité d’un accord est extrêmement faible comme le prouve l’échec de l’initiative du secrétaire d’état John Kerry. Un accord était tout simplement impossible.

D’abord pour des raisons politiques israéliennes.Le Likoud, le principal parti de droite, a toujours été opposé à la création d’un état palestinien indépendant aux côtés d’Israël. Le développement de la colonisation en Cisjordanie a été un de ses principaux objectifs depuis son arrivée au pouvoir avec l’élection de Menahem Begin en 1977 et après la conclusion du traité de paix avec l’Egypte en 1979. Grâce à son alliance historique avec le Sionisme religieux, près de 400 000 Juifs y habitent, transformant radicalement les données du conflit au Proche Orient. La direction de l’OLP l’a compris et admet en privé qu’elle a échoué et ne parviendra pas à créer un état indépendant.

A terme, Israël, devra donc dévoiler ce qu’il compte faire des Palestiniens. Les maintenir dans l’autonomie sous sa forme actuelle ? Des personnalités comme Ehoud Barak estiment que cela serait une forme d’apartheid. Les annexer en leur accordant tous les droits politiques – y compris la possibilité de voter pour la Knesset ? Ouri Ariel, ministre de l’habitat et colon militant le propose. Mais, à l’étranger, les images de l’occupation israélienne dérangent et les grands médias ne les diffusent plus depuis longtemps.

Crise économique oblige, les grandes chaines généralistes occidentales, occupées par la grande bataille de l’audience, ne couvrent plus l’international au quotidien. Et puis, en Europe ces images suscitent des réactions souvent anti-juives au sein de certaines populations et réveillent diverses formes d’antisémitisme. Un phénomène renforcé par l’attitude des institutions communautaires juives, identifiées à la politique israélienne, qu’elles soutiennent sans faille.

Ne pas diffuser ?

Cette montée de l’antisémitisme consolide l’inertie conceptuelle des médias. Un rédacteur en chef d’une grande agence de presse m’a dit, récemment : « Il faut faire attention. La montée de l’antisémitisme est sans précédent et il ne faut pas diffuser d’articles ou de sujets trop négatifs sur Israël ».

Résultat : le dossier palestinien a quasiment disparu de la place publique occidentale. Cela fait bien entendu l’affaire de la droite israélienne, mais avec un inconvénient majeur : son discours est , lui aussi, devenu inaudible. A preuve : la rapidité avec laquelle les États Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde et la Russie ont reconnu le nouveau gouvernement palestinien soutenu par le Hamas. Le message de Netanyahu, rappelant que l’organisation islamiste prône la destruction d’Israël, n’est pas passé.

Inexorablement, ce conflit finira par atteindre son paroxysme et embraser non seulement la région mais aussi des populations musulmanes dans le monde arabe et en Europe. Les dirigeants occidentaux, analystes et éditorialistes devront alors révéler les raisons pour lesquelles ils ont laissé ce conflit glisser vers le point de non retour.

source

voir les commentaires sur la page fn de Baudouin Loos

QUI SONT CES BELGES PARTIS COMBATTRE EN SYRIE ?


GRILLE D’ANALYSE MICRO-ÉCONOMIQUE POUR ÉCLAIRER LA DÉCISION PUBLIQUE

bsyrie

Etopia livre la première étude sur les belges partis combattre en Syrie

La guerre civile syrienne est devenue, au fil des mois, un véritable aimant pour les combattants étrangers. A ce jour, près de 300 Belges y sont partis combattre. En proportion de sa population, la Belgique serait le pays européens le plus touché par l’engagement de ses ressortissants dans ce conflit. Ce phénomène a suscité de nombreuses réactions dans la société. Mais, à ce jour, il n’a donné lieu à aucune véritable production académique. Avec cette étude, Mohssin El Ghabri (politologue, conseiller à la prospective chez Etopia) et Soufian Gharbaoui (politologue et économiste, chercheur-associé à Etopia) livrent un éclairage inédit sur cette problématique.

A la croisée des sciences politique et économiques, « Qui sont ces Belges partis combattre en Syrie ? » présente un regard novateur sur les facteurs à l’origine de la violence politique en général. L’objectif principal de cette étude est d’appliquer cette grille d’analyse au cas des Belges partis combattre en Syrie et de produire un outil susceptible d’éclairer la décision publique à ce sujet.

Cette étude apporte plusieurs éléments intéressants pour qui veut comprendre les dynamiques complexes de mobilisation des combattants Belges en Syrie (et donc les réponses politiques qu’elles appellent) :

suite

VIDÉOS. Présidentielle en Syrie: « Assad veut montrer qu’il n’y a qu’une solution, la sienne »


Propos recueillis par , publié le 03/06/2014 à 07:37, mis à jour à 17:35

Le régime syrien organise une élection présidentielle, ce mardi, dans un pays où un tiers de la population a été déplacé. L’opposant Michel Kilo livre son analyse des véritables raisons de ce scrutin et du changement en cours, selon lui, de la position américaine.

VIDÉOS. Présidentielle en Syrie: "Assad veut montrer qu'il n'y a qu'une solution, la sienne"

Le dissident chrétien Michel Kilo. « Jusqu’à présent, Barack Obama s’était contenté de promesses vagues. La semaine passée, il a été plus précis en évoquant l’aide à l’opposition modérée ».

afp.com/Alexander Zemlianichenko

 

 

Après trois ans de guerre en Syrie, le président Bachar el-Assad organise ce mardi une élection présidentielle dans les zones contrôlées par le régime. Un scrutin qualifié de « farce » par l’opposition alors que 160.000 personnes ont trouvé la mort et qu’un tiers de la population a été déplacé. Michel Kilo, 74 ans, figure historique de l’opposition laïque et membre de la Coalition nationale syrienne, a fait part à L’Express de son analyse des raisons de cette consultation, des derniers développements de la crise.

Pourquoi Assad organise-t-il cette élection présidentielle?

Il a besoin de légitimité, une légitimité perdue depuis trois ans sur le plan international. Il croit qu’il y a un tournant dans les événements actuels,et que cela pourrait amener les Américains à accepter son maintien au pouvoir dans une alternative entre lui et le terrorisme. Dans cette logique, une apparence de légitimité populaire le renforcerait.

Dans les régions sous son contrôle, il envoye ses hommes de main intimer aux gens de participer à des manifestations publiques afin de démontrer leur soutien à sa candidature. Il y a une atmosphère particulièrement délirante en ce moment dans ces régions. A Lattaquié, ma ville d’origine, par exemple, j’ai appris que tous les médecins ont été convoqués pour aller à des rassemblements pro-régime.

Il s’agit aussi d’enterrer le processus de Genève, qui prévoyait un gouvernement de transition, avec l’opposition. De montrer qu’il n’y a qu’une solution, la sienne.

Les divisions de l’opposition ont pesé sur cette situation?

C’est indéniable. Le mouvement populaire demandait une direction. L’opposition n’a pas joué ce rôle. Au lieu d’unifier le mouvement populaire, elle lui a en quelque sorte légué ses propres divisions. Dans le même temps, le régime procédait, à sa manière, à l’unification du pouvoir: toutes les voix divergentes ont été éliminées, de gré ou de force. Le peuple syrien a payé très cher la faiblesse de l’opposition. Mais un projet de restructuration de la Coalition nationale syrienne, sous l’impulsion de l’Union des Démocrates Syriens, est en cours.

Le clan Assad agit-il ainsi parce qu’il a repris des forces sur le plan militaire ces derniers mois?

Il a progressé dans certains secteurs, c’est vrai, mais reculé dans d’autres. Il a repris la ville et la région de Homs, pourtant, l’armée du régime a subi des échecs dans le sud, dans le Hauran et à Quneitra, mais aussi dans les environs de Hama, dans le centre. A Alep même, la situation est très incertaine. Il y a un mois, le régime prétendait n’en avoir que pour quelques semaines pour reprendre la ville. Il est peu de probable que ses troupes emportent cette bataille, à mon avis. La dimension régionale, la proximité de la Turquie, les dizaines de milliers de combattants sur place y rendent l’issue beaucoup plus complexe qu’à Homs.

Outre l’aide objective du Hezbollah et des conseillers russes et iraniens, l’entrée de l’Etat islamique en Irak et au Levant [EIIL] dans le champ de bataille syrien a rendu un immense service au régime. Dans les zones libérées, une partie de l’Armée syrienne libre [ASL], armée et entraînée pour combattre le régime, a dû s’engager dans la bataille contre Daech [acronyme de l’EIIL en arabe], L’été dernier, par exemple, en un mois, Daech a tué trente officiers de haut rang de l’ASL. L’EIIL n’a pas lutté contre les forces du régime, mais il a contribué à épuiser les forces rebelles modérées.

Si les forces en présence s’équilibrent, comme vous le dites, la Syrie risque de s’enfoncer dans une guerre durable?

Si rien ne change, en effet. Mais si la ligne des pays amis de la Syrie évolue, on peut assister à un retournement. Dans sondiscours la semaine dernière, le président américain a parlé de sauver non pas seulement la Syrie du terrorisme, mais tous les pays de la région. Jusqu’à présent, Barack Obama s’était contenté de promesses vagues. Il a été plus précis cette fois en évoquant l’aide à l’opposition modérée, qui lutte à la fois contre le régime et contre des djihadistes, c’est-à-dire l’ASL. Je pense que cette annonce n’est pas qu’une promesse.

Pour les Américains, la Syrie est un champ de bataille pour régler leurs comptes avec l’Iran. Une aide américaine plus conséquente à l’ASL pourrait être un moyen d’augmenter la pression sur les Iraniens dans le grand marchandage en cours. L’administration Obama souhaite parvenir à un arrangement stratégique global avec les Iraniens, concernant toutes les affaires de la région. Cela contribue à la complexité de la question syrienne. C’est notre tragédie. Nous avons commencé une révolution pour la liberté, et nous nous retrouvons dans un « Grand jeu » international.

On voit pourtant apparaitre dans la presse américaine des appels à « faire avec » Assad, considéré comme un moindre mal face aux djihadistes…

C’était le calcul du régime depuis le début. Il a essayé de transformer cette révolution en lutte interconfessionnelle. Mais si Assad se maintenait au pouvoir, il ne viendrait pas à bout du terrorisme. Bien au contraire, sa victoire renforcerait le désespoir de milliers de Syriens qui rejoindraient les groupes intégristes et djihadistes.

C’est déjà un peu le cas?

Non, Ce à quoi nous assistons n’est qu’un commencement, un aperçu de ce que pourrait devenir la situation en cas de maintien d’Assad au pouvoir.

Mais je ne crois pas que les Américains vont faire le choix du maintien d’Assad au pouvoir. Si une véritable aide en armement est apportée à l’ASL, le rapport de force peut s’inverser assez vite. Des milliers de Syriens ont déserté l’Armée syrienne libre au profit d’autres groupes parce qu’elle est démunie, quasiment exangue. Si on lui fournit des armes et les moyens de se réorganiser, des dizaines de milliers de Syriens la rejoindront pour combattre le régime mais aussi le terrorisme.

Les Syriens sont foncièrement hostiles à Daech. Ils ne sont descendus dans la rue en 2011 pour demander un régime intégriste, mais pour réclamer la liberté . 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/presidentielle-en-syrie-assad-veut-montrer-qu-il-n-y-a-qu-une-solution-la-sienne_1548217.html#f1e5e8jtXhk0vgOV.99

La tragédie syrienne, notre guerre d’Espagne


syri

Dominique Moïsi / Chroniqueur – Conseiller du directeur de l’Ifri (Institut français des relations internationales) | Le 26/05 à 06:00 |

Divisions, peurs et, pour finir, impuissance : minées par leurs faiblesses, nos démocraties ne savent plus entraver les forfaits des dictateurs. C’est ainsi que l’on a laissé la Syrie s’enfoncer dans l’horreur. Il est urgent de se ressaisir.

On ne parle plus ou si peu de la Syrie. Ou si on le fait, c’est avec un mélange de tristesse résignée, d’embarras sinon de remords. Et oui, Bashar Al Assad a sans doute gagné. Mais que pouvions-nous faire ? Pris entre Charybde et Scylla, nous ne pouvions choisir. Le régime est certes monstrueux, mais ses principaux adversaires ne le sont pas moins. Et puis, si nous ne regrettons pas ouvertement le régime de Kadhafi en Lybie, pouvons-nous dire sans la moindre hésitation que le chaos d’aujourd’hui est un progrès par rapport au despotisme baroque d’hier ?

En Syrie, il est peut-être trop tôt pour affirmer de manière définitive la victoire du régime. Mais une chose est certaine. « Nous » avons perdu. Hubert Védrine, qui n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un fanatique de l’interventionnisme à l’occidentale parle, « d’impuissance crucifiante », quand il fait référence à la crise syrienne. Une expression qu’un psychanalyste n’hésiterait pas à décortiquer. N’est-ce pas, en partie au moins, la préoccupation pour le sort des chrétiens d’Orient qui a servi de catalyseur sinon d’alibi pour justifier la non-intervention ?

Par leur hésitation et leur faiblesse, les sociétés démocratiques ont trahi des populations civiles abandonnées à leur sort, laissées sans défense entre la froide détermination d’un régime sanguinaire et la dérive extrémiste de fanatiques religieux.

Si Bashar Al Assad a gagné, ce n’est pas seulement parce que Barack Obama a reculé, réduisant à néant le sérieux et la crédibilité de toute notion de « ligne rouge ». C’est aussi et peut-être avant tout parce que les feux de l’actualité se sont déplacés ailleurs.

Au Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie, suivie comme son ombre par la Chine, bloque toute forme de résolution qui mettrait des limites au déchaînement de la violence contre les civils. Dans un entretien à la BBC en fin de semaine dernière, l’ambassadeur de France aux Nations unies, Gérard Araud, devait reconnaître l’impuissance totale de la communauté internationale. Son dernier espoir résidait dans la création de couloirs humanitaires pour pouvoir, non pas mettre fin, mais seulement alléger les souffrances d’une population qui a été laissée seule face à la catastrophe. Plus de 10 millions de Syriens ont fui leur pays et sont devenus des réfugiés, plus de 150.000 ont perdu la vie. Le Liban est au bord de l’implosion et risque d’être la prochaine victime collatérale de la tragédie syrienne. Sans une aide internationale massive, la Jordanie, qui a ouvert ses portes toutes grandes aux réfugiés, aurait peut-être elle aussi sombré dans la violence.

La tragédie syrienne restera la honte de nos sociétés démocratiques en ce début de XXIsiècle. Elle est notre guerre d’Espagne. La Russie et l’Iran ont pu tester la résolution et le courage des sociétés démocratiques avec leurs principes universalistes.

Plutôt que de nous en prendre à la Russie de Poutine, reconnaissons notre responsabilité et en particulier celle conjointe de l’Amérique de Bush tout comme celle d’Obama. La première a, par des aventures militaires contestables et non concluantes, dispersé ses forces et affaibli la volonté de ses citoyens. La seconde n’a pas su prendre en compte la nature et l’importance de l’enjeu. Par peur du risque, bien réel, elle a ouvert toute grande, les portes du doute. Un doute dans lequel s’est engouffré sans hésitation la Russie de Poutine. Le maître du Kremlin dans son soutien sans faille au régime syrien a su utiliser nos peurs, nos divisions, nos faiblesses. Il a su parfaitement intégrer dans son raisonnement stratégique le « tempérament zappeur » des sociétés démocratiques. « Loin des yeux, loin du coeur ». Il y a incontestablement dans nos sociétés ce que l’on appelait hier « un effet CNN » et qui couvre aujourd’hui tous les moyens modernes de communication. Pas d’images, pas d’émotion, pas d’histoire. En 1992, c’est la présence d’équipes de télévision américaines en Somalie, plutôt qu’au Soudan, qui a déterminé dans une très large mesure le lieu d’une intervention, qui s’est révélée aussi désastreuse et mal préparée qu’elle pouvait sembler nécessaire.

Aujourd’hui, l’Ukraine a fait oublier la Syrie. Le Mondial de Football, qui commence le 13 juin au Brésil, fera-t-il oublier l’Ukraine ? Le cynisme russe qui intègre très probablement cette donnée dans son « calendrier stratégique » n’a d’égal que la légèreté des sociétés démocratiques occidentales. Poutine a fait du sport une arme redoutable de propagande. Mobiliser les uns, profiter de la démobilisation des autres. Surfant sur le succès des Jeux Olympiques d’Hiver de Sotchi, il a mobilisé, sur une cause plus noble encore aux yeux des Russes, le nationalisme de la Grande Russie. La Crimée après les médailles. La passion pour la nouvelle religion séculaire du monde – le football – va bientôt s’emparer de la planète. Qu’importe si les chances sont minces pour la Russie d’aller très loin dans la compétition brésilienne, il suffit d’exploiter avec habileté les passions des autres ! La guerre en Géorgie, à l’été 2008, a coïncidé avec l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin. La « réélection triomphale » de Bashar Al Assad en Syrie passera d’autant plus facilement que les yeux de la planète seront tournés vers le Brésil. Et pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups et avancer également dans la fragmentation de l’Ukraine ?

Repenser l’interventionnisme est un objectif nécessaire et légitime. Il y a eu beaucoup d’errements. On ne joue pas impunément avec la culture et les émotions des peuples. Mais repenser ne signifie pas rejeter toute idée même d’intervention. A long terme, le coût de l’indifférence peut être plus grand encore que celui de l’ingérence.

Dominique Moïsi

Dominique Moïsi, professeur au King’s College de Londres, est conseiller spécial à l’Ifri.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/0203518892146-la-tragedie-syrienne-notre-guerre-d-espagne-673501.php?FkCkC3gBKGWYdhSr.99#xtor=CS1-31

Jean-Pierre Filiu – «Le danger d’un 11 Septembre européen est réel»


2 juin 2014, 00:16

 

Marc SEMO 2 juin 2014

 

Jean-Pierre Filiu, de Sciences-Po, pointe la montée en puissance des intégristes de l’EIIL en Syrie :

 

Très bon connaisseur de la Syrie, Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris (1) est considéré comme un des meilleurs spécialistes d’Al-Qaeda.

 

Que signifie cette implication d’un jihadiste revenu de Syrie ?

 

Je crains que cela ne soit qu’un début. Depuis des mois, je mets en garde contre l’émergence d’un «jihadistan», aux confins de l’Irak et de la Syrie, sous l’égide d’Abou Bakr al-Baghdadi et de son Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Ce jihadistan est beaucoup plus dangereux que ne l’était l’Afghanistan taliban de1996 à 2001, du fait de sa proximité avec l’Europe et de l’impossibilité de contrôler le flux des va-et-vient, notamment au travers de la Turquie. L’EILL ne combat plus le régime de Bachar al-Assad et peut donc se concentrer sur l’intégration des «volontaires» étrangers dans les groupes de combat. Ils servent souvent de chair à canon, mais ils sont aussi astreints à recruter des compatriotes et des amis via les réseaux sociaux, ce qui explique la progression exponentielle des départs vers la Syrie. Aujourd’hui, la radicalisation se fait moins par la fréquentation de sites jihadistes que par Facebook. Certains jihadistes sont aussi formés pour être opérationnels une fois de retour dans leur pays d’origine. D’où le risque croissant, dans un futur proche – on y est peut-être déjà -, d’autres attentats similaires en Europe.

 

Al-Badghadi est il le nouveau Ben Laden?

 

Il veut en effet s’imposer comme le chef du jihad mondial et, donc, supplanter le successeur de Ben Laden, Ayman al-Zawahiri, à qui il a toujours refusé de prêter allégeance. Les groupes de combattants ou les cheikhs qui se rallient à lui sont de plus en plus nombreux au Moyen-Orient et au delà. Pour consolider son éviction d’Al-Zawahiri, Al-Baghdadi doit organiser un attentat majeur dans un pays occidental, ce dont Al-Qaeda a été incapable depuis une décennie. Barack Obama a affirmé la semaine dernière devant les cadets de West Point qu’un 11 Septembre n’est plus possible aux Etats-Unis. Il a probablement raison, d’autant que les jihadistes américains en Syrie ne sont qu’une poignée. En revanche, le danger d’un 11 Septembre européen est toujours plus réel. Al-Bagdhadi veut prendre en otages les musulmans européens, à la faveur d’un climat politique toujours plus dégradé, comme l’a montré lors des européennes la poussée d’un vote populiste et xénophobe. Il mise sur un engrenage de haine, voire des représailles de type raciste, pour accroître la radicalisation d’une partie des jeunes musulmans. L’Europe ne peut pas espérer être tranquille avec un volcan comme la Syrie à ses portes.

 

La clé du problème est-elle en Syrie ?

 

Sans aucun doute. Les programmes de prévention, comme ceux que vient de lancer la France, tout comme les mesures de contrôle vis-à-vis de ceux qui reviennent, ne sont que des palliatifs. Il faut prendre le mal à la racine, car le nombre des volontaires partant combattre en Syrie continue d’augmenter et le pire est à venir. L’inaction de la communauté internationale en Syrie a créé la situation actuelle où les intérêts stratégiques d’Al-Baghdadi – dont les jihadistes ne combattent que leurs anciens alliés révolutionnaires – et ceux de Bachar al-Assad – dont les sbires ne combattent plus les jihadistes – s’alimentent réciproquement. Le «boucher de Damas» se pose comme le rempart contre Al-Qaeda, avec le soutien des Russes et un écho croissant dans les opinions occidentales. Si, après avoir abandonné tacitement les Syriens luttant contre le régime, les Occidentaux les abandonnent ouvertement, le choc en retour sera terrible. Cela ne peut qu’alimenter la rhétorique de ces groupes et leur dénonciation de l’hypocrisie des Occidentaux. Combattre le jihadisme en envoyant des drones contre Al-Bagdhadi ne sera pas non plus efficace. Seule la coalition anti-Bachar lutte efficacement contre l’EIIL. Et seul un succès de la révolution syrienne peut nous prémunir face à ce danger qui monte.

 

(1) Dernier livre paru : «Je vous écris d’Alep», Denoël, 158 pp., 13,50 €.

 

Recueillipar Marc Semo
http://www.liberation.fr/monde/2014/06/01/le-danger-d-un-11-septembre-europeen-est-reel_1031517

Pire que la Fête d’Indépendance



La Journee de Jerusalem

Il y a quelques semaines j’ecrivais dans ce blog sur la Fete d’Independance d’Israel, et combien difficile etait pour moi de voir des amis et des proches celebrer ce qui est avant tout la depossession des Palestiniens et l’expulsion de leur patrie. Mais il y a bien pire. Mercredi dernier (28 Mai) Israel celebrait la Journee de Jerusalem, qui marque la conquete, l’occupation et l’annexion de Jerusalem Est en Juin 1967. Cette fete est celebree depuis 1968, mais c’est depuis une dizaine d’annees qu’elle est devenue une veritable parade de masse nationalo-messianiste, avec des debordements qui ont un relent de pogrome. Si pendant la commemoration de la Fete d’Independance, j’essaie de ne pas quitter ma maison, le Jour de Jerusalem, je m’y barricade, tentant de proteger mes yeux et surtout mes oreilles des demonstrations populaires qui polluent ma ville. 

 


La Journee de Jerusalem, c’est la Fete d’Independance de la droite et des colons. Des le matin, la ville est envahie par des hordes de jeunes portant la grande Kippa tricotée des colons, un grand drapeau dans une main et, souvent, le M16 en bandoulière. Des jeunes, mais aussi des familles de colons avec leur ribambelle d’enfants et leurs regards illumines.

 


Le rebus de la societe israelienne ce concentre pendant une journee a Jeruasalem, dans une immense parade qui inclut un defile, a travers la Vieille Ville arabe, vers le Mur des Lamentations. Depuis plusieurs annees, la police demande aux commercants palestiniens de fermer leurs echoppes, pour leur bien, car, quand ils etaient ouverts, les jeunes colons saccageaient tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Aujourd’hui ces voyous ideologiques se contentent de frapper sur les rideaux de fer avec leurs gourdins. Et de casser quelques voitures, voire de tabasser des passants palestiniens, obliges de sortir de chez eux.

 


En arriere fond, les discours des dirigeants politiques : les plus moderes (y compris la « gauche sioniste ») repetent que Jerusalem, capitale de l’Etat Juif, est unifiee pour l’eternite, les plus extremistes parlent de la « disparition » des mosquees afin de faire place nette a la construction du troisieme Temple de Jerusalem. Mais les discours, retransmis dans toute la ville par de puissantes sonos, sont en general couverts par les chants ultra-nationalistes – et souvent racistes – des colons qui resonnent pendant toute la journee a travers la ville.

 


Cette Journée de Jérusalem est un véritable cauchemar, non seulement pour la population palestinienne et ceux qui s’identifient à son combat, mais même pour la minorité « normale » des résidents de Jérusalem qui se sent envahie par cette racaille vociférante et violente. En fait, la Journee de Jerusalem est devenue la Fete d’Independance des nouveaux maitres du pays.


Serge Grossvak

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