Opinion | Les trompettes de la victoire retentissent, mais leur mélodie séduisante trompera les Israéliens.


Gideon Levy

Responders work beside a damaged building following a hit by an Iranian ballistic missile in central Israel on Saturday night.

Les secouristes travaillent à côté d’un bâtiment endommagé après avoir été touché par un missile balistique iranien dans le centre d’Israël samedi soir. Crédit : AFP/JACK GUEZ Gideon Levy

15 juin 2025

Les Israéliens aiment la guerre, surtout quand elle commence. Il n’y a pas encore eu de guerre à laquelle Israël – tout le pays – n’ait pas adhéré dès le début ; il n’y a pas encore eu de guerre – à l’exception de la guerre du Kippour en 1973 – qui n’ait pas conduit tout le pays à s’émerveiller, dès le début, des capacités militaires et du renseignement exceptionnels d’Israël. Et il n’y a pas encore eu de guerre qui ne se soit pas terminée dans les larmes.

Menahem Begin s’est lancé dans la première guerre du Liban dans un état d’euphorie. Il en est sorti dans un état de dépression clinique. Begin comme parabole. Il y a de fortes chances que cela se reproduise à la fin de la guerre contre l’Iran. Nous avons déjà un début euphorique – les albums photos de guerre sont déjà sous presse – mais cela pourrait bien se terminer dans la dépression.

Les ailes sur les uniformes de nos pilotes de l’armée de l’air, couvertes du sang de milliers d’enfants et de dizaines de milliers d’innocents, ont été purifiées en un instant après plusieurs sorties en Iran. Quels héros ! Une telle vague d’adulation nationale pour notre armée de l’air n’avait pas été entendue depuis la « miraculeuse » guerre des Six Jours en 1967.

Regardez comment ils ont envoyé le missile à travers le balcon et la fenêtre. Même Benjamin Netanyahu a été purifié du jour au lendemain, et une fois de plus, il est Winston Churchill, du moins pour certains d’entre nous. Les chaînes de télévision et les réseaux sociaux débordaient d’éloges.

Israeli security forces inspect destroyed buildings that were hit by a missile fired from Iran, near Tel Aviv, Israel, Sunday.

« Les forces de sécurité israéliennes inspectent des bâtiments détruits par un missile tiré depuis l’Iran, près de Tel Aviv, en Israël, dimanche. Crédit : Ohad Zwigenberg, AP

« Quand nous le voulons, nous savons comment retourner le couteau dans la plaie », s’est vanté Liat Ron sur le site d’information Walla. « Le 13 juin, avec sa portée historique, est une nouvelle occasion que nous ne pouvons pas manquer. Chapeau bas à l’armée israélienne et longue vie à l’État d’Israël ! », a écrit le journaliste considéré comme le plus influent d’Israël.

Les premiers jours d’une guerre sont toujours les plus beaux, les plus enivrants et les plus agréables. Regardez comment nous avons détruit trois forces aériennes en 1967, ou comment nous avons tué 270 policiers de la circulation le premier jour de l’opération Plomb durci à Gaza en 2009. C’est toujours la même arrogance, vantant les exploits de l’armée et du Mossad.

Vendredi, certains envisageaient déjà, après seulement 100 sorties, de remplacer le régime iranien. Cette fierté démesurée s’accompagne toujours d’un sentiment de justice. Il n’y avait pas d’autre choix en 1967 ou en 1982 : aucune guerre n’était plus juste que ces deux-là. Vendredi, encore une fois, il n’y avait pas d’autre choix. Le début ressemble à un scénario de film ; la fin pourrait être tirée d’une tragédie grecque.

Vendredi soir, le sentiment agréable avait déjà fait place à autre chose, alors que trois séries de sirènes envoyaient des millions de personnes dans leurs abris, avec leur lot de destructions et de morts. Les neuf scientifiques nucléaires iraniens tués n’ont pas pu compenser cela ; même la mort du commandant des Gardiens de la révolution (qui a déjà été remplacé) n’était pas une consolation.

Israël s’est lancé dans une guerre qu’il aurait pu éviter s’il n’avait pas convaincu les États-Unis de suspendre les négociations sur un accord nucléaire que Donald Trump aurait été heureux de signer. Israël a agi ainsi en estimant qu’il n’avait pas le choix, un argument éculé et familier.

Israël regarde les résultats du premier jour avec des œillères, sans penser aux jours qui suivront. Après plusieurs mois passés à se rendre trois fois par nuit dans un abri anti-bombes, avec une économie en ruine et un moral au plus bas, nous commencerons à nous demander si cela en valait vraiment la peine et s’il n’y avait vraiment pas d’autre choix. De telles questions ne sont même pas légitimes aujourd’hui.

Israeli Iron Dome air defense system fires to intercept missiles over Tel Aviv, Israel, early Sunday.

Le système de défense aérienne israélien Iron Dome tire pour intercepter des missiles au-dessus de Tel Aviv, en Israël, tôt dimanche matin. Crédit : Ohad Zwigenberg, AP

Quelle est la patience de l’Iran par rapport à celle d’Israël ? Dans quelle mesure Tel-Aviv est-elle capable de faire face à la menace d’attaques de missiles sans se transformer en Kiev, et dans quelle mesure Téhéran en est-elle capable ?

Cette question doit être posée avant de décoller pour bombarder Natanz, et non après le retour triomphal des pilotes. Il ne s’agit pas ici de gâcher la joie des gens, mais plutôt de jeter un regard lucide sur la réalité et, surtout, de tirer les leçons du passé, ce qu’Israël refuse de faire.

Y a-t-il eu une seule guerre dont Israël soit sorti plus fort à long terme ? Y a-t-il eu une seule guerre dans laquelle Israël n’avait pas le choix ? La guerre contre l’Iran pourrait bien être une guerre comme nous n’en avons encore jamais vue.

La seule chance minime d’y mettre fin rapidement dépend en grande partie des caprices du président de Washington. Il s’agit sans aucun doute de la guerre la plus dangereuse à laquelle Israël ait jamais été confronté. C’est une guerre que nous pourrions regretter plus que toutes les précédentes.

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