Une Syrienne parle


J’avais 7 ans lorsqu’une amie de l’école m’a rendue visite chez nous où elle a entendu mon père se plaindre des convocations répétitives des services de renseignements du régime. D’un ton accusateur, elle m’a demandé « Ton père n’aime pas le Président ?!!!». Je n’ai même pas essayé de nier et je me suis plongée aussitôt dans une peur profonde. Une peur que m’a mère a toujours entretenue par une phrase terrorisante « Laila, si tu répètes à l’école ce que tu entends à la maison, ils viendront enlever ton Papa et on le reverra plus jamais ».

J’ai pleuré à l’école chaque jour en imaginant des hommes en noir débarquant à la maison pour enlever mon papa .. J’ai supplié mon amie de ne dire à personne ce qu’elle a entendu de mon père et je lui ai cédé mon goûter à chaque récréation sans même qu’elle le demande. Elle ne m’a jamais dit si elle allait ou non nous dénoncer et s’est contentée de mon goûter et de me brûler à feux doux. Ma mère de son coté a refusé de me changer d’école me laissant passer l’année de CE1 à la merci de la petite tortionnaire.Vingt ans après, je me suis effondrée en larmes lorsqu’elle j’ai reçu d’elle une invitation d’amitié sur Facebook. J’ai décidé de lui écrire une longue lettre lui rappelant tout le mal qu’elle m’a fait. J’ai parcouru sa page pour découvrir une maman toute simple à l’extrême opposé de l’image du monstre qui m’a terrorisée. Soudainement, l’ancienne haine s’est dispersée et avec elle l’envie de lui en parler ..

Toute injustice est éphémère même celle des arrivistes corrompus qui se sont nourris de notre de peur. Il nous suffit pour justice qu’ils ne connaitront jamais le plaisir de se libérer de la peur !

Maître Laila Alodaat
Avocate Syrienne et militante des Droits de l’Homme
La Haye, le 10 aout 2012