« En Syrie, la situation passe de mauvaise à épouvantable »


Jeudi 23 août 2012

La commissaire européenne à l’Aide humanitaire et à la Réponse aux crises, la Bulgare Kristalina Georgieva, n’est pas en vacances. Mercredi après-midi, elle a reçu Le Soir pour lancer un cri d’alarme au sujet de la situation en Syrie : « La situation était mauvaise, elle est passée à épouvantable, nous a-t-elle déclaré. Que faire ? L’action humanitaire n’est pas la solution. Il faut une solution politique. Mais on ne la voit pas encore. Ce que nous demandons à présent à la communauté internationale, c’est que l’absence de solution politique ne soit pas un obstacle à l’aide humanitaire. L’aide ne doit pas être l’otage d’un manque de consensus. Il faut une unanimité sur les questions humanitaires. » Un appel du pied destiné, sans le dire, aux Russes et aux Chinois, qui persistent à défendre le régime de Damas…

La responsable européenne estime que quelque 2,5 millions de personnes ont aujourd’hui besoin d’une aide humanitaire en Syrie (sur 23 millions d’habitants). Elle insiste sur la menace de « contagion » de la crise syrienne dans les trois pays où 175.000 Syriens ont trouvé refuge jusqu’ici : la Turquie, le Liban et la Jordanie

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« En Syrie, nous nous préparons au pire »

LABAKI,MAROUN; AFP

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Jeudi 23 août 2012

Syrie La commissaire européenne Georgieva lance un crime d’alarme : il faut accroître l’aide humanitaire, et faire cesser les exactions

Entretien

Mercredi après-midi, au Berlaymont, le siège de la Commission européenne, à Bruxelles. Un calme inhabituel règne dans le bâtiment – c’est les vacances ! Mais certains, au huitième étage, guettent l’écho des fureurs du monde.

« Ces dernières semaines, les conditions humanitaires ont empiré de façon spectaculaire, en Syrie et dans les pays voisins, nous dit Kristalina Georgieva, la commissaire européenne à l’Aide humanitaire et à la Réponse aux crises. Depuis juillet, il n’y a plus de refuge possible en Syrie, il n’y a plus de place où fuir dans le pays. Les Syriens fuient donc à l’étranger : en Jordanie, au Liban, en Turquie. Or, c’est une région très sensible. La contagion pourrait y être dramatique… »

Avant la réunion du 30 août du Conseil de sécurité de l’ONU, la responsable européenne lance un appel : « La communauté internationale doit s’unir sur l’humanitaire ! Ce que nous demandons à la communauté internationale, c’est que l’absence de solution politique ne soit pas un obstacle à l’aide humanitaire ».

Kristalina Georgieva soulève un premier point : « Nous ne sommes toujours pas convaincus que la communauté internationale a été assez ferme avec le gouvernement syrien – et aussi avec l’opposition – sur le respect de la loi humanitaire internationale : il faut protéger les civils et permettre aux travailleurs humanitaires de faire leur travail. Des choses horribles sont en train de se produire, dont sont victimes des civils, il y a de la torture… »

Des deux côtés ? « Oui, mais évidemment le gouvernement a plus de responsabilités sur ses épaules, parce que… c’est le gouvernement, et aussi parce que l’armée est extrêmement bien armée. Elle utilise de l’armement lourd contre des civils. Il faut être très clair ; ça doit cesser ! Dans une guerre civile, les parties ont des obligations. Tuer des civils, c’est un crime de guerre ! Tirer sur des ambulances, c’est un crime de guerre ! Le conflit se terminera un jour, mais les crimes de guerre resteront là, sombre héritage, suspendu au-dessus du pays… »

Deuxième point : « Les besoins augmentent de façon exponentielle. Le Croissant-Rouge syrien fait du très bon travail, mais il faut augmenter le nombre de travailleurs humanitaires sur place. Le gouvernement syrien a accepté un plan d’action humanitaire : que l’ONU augmente sa présence dans le pays, que les organisations de l’ONU se déploient dans les quatre villes les plus touchées, que huit ONG internationales puissent travailler en Syrie – en plus du CICR. Mais le gouvernement n’agit pas assez vite : il ne donne pas de visas… Nous, Européens, déjà premiers donateurs, si nous avons plus d’accès, nous augmenterons encore notre aide : je m’y engage. Mais il faut des capacités d’action et de contrôle en Syrie même – dans tout le pays ».

Mais où est le problème avec la communauté internationale ? « Au plus haut niveau au Conseil de sécurité », répond la commissaire européenne. La Russie, la Chine ? « Fin août, je crois qu’il y a une chance d’“embarquer tout le monde” sur la question humanitaire, ajoute-t-elle prudemment. Nous sommes tous signataires de la Convention de Genève. Nous voulons tous sauver des vies innocentes ».

Et sur le front politique ? « Le retrait des observateurs de l’ONU équivaut à une reconnaissance du fait que les efforts jusqu’ici n’ont pas abouti. Dans la communauté humanitaire, nous espérons le meilleur, mais nous nous préparons au pire. Les perspectives n’incitent pas à l’optimisme. Mais nous ne voulons pas nous retrouver otages de l’absence de solution politique. Au contraire : parce qu’il n’y a pas de solution politique, l’accès humanitaire est encore plus obligatoire ».

Faits du jour

Les combats ont continué à faire rage, mercredi, en Syrie. Leur bilan est de 109 morts, dont 65 civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’OSDH a accusé l’armée d’avoir perpétré une tuerie mardi dans la région de Damas, où le bilan dans la seule ville de Maadamiyat al-Cham s’élevait à 42 civils tués, dont certains auraient été sommairement exécutés.

Paris et Washington ont répété hier leur volonté de voir Bachar al-Assad quitter rapidement le pouvoir, après la déclaration mardi à Moscou du vice-Premier ministre syrien Qadri Jamil, disant que le régime était prêt à discuter de cette question dans

le cadre de négociations avec l’opposition. (afp)

Les chiffres

2,5 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire.

1,2 million de Syriens sont considérés comme des « déplacés » dans leur pays.

175.000 Syriens ont trouvé refuge dans les pays voisins : Turquie, Liban, Jordanie.

146,4 millions d’euros : tel est montant total de l’aide humanitaire européenne, si l’on additionne les contributions des Etats membres (77,5 millions, dont 2 de la Belgique) et celle de la Commission. Cela fait 41,3 % de l’aide internationale.

Source : LeSoir

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