Jérusalem: Madame l’ambassadrice, qu’est-ce qui vous fait dire que le roi David a réellement existé ? (OPINION)


OPINIONS Une opinion de Victot Ginsburgh, professeur d’université (Ecares-Ulb et Core-UCL).

L’ambassadrice se trompe. Il n’est pas du tout certain que le roi David, qui est une figure biblique, ait réellement existé. Et, même s’il a existé, il n’est pas permis à Israël d’annexer Jérusalem-est, selon le droit international.

Mme Simona Frankel, ambassadrice d’Israël en Belgique, est juriste, ce qui ne fait pas d’elle une très bonne historienne. Ni une très bonne juriste, d’ailleurs.

Dans une interview donnée le jeudi 7 décembre à la radio belge, elle explique très sérieusement que ce qu’a radoté le grand président Trump « est une reconnaissance de la réalité. Ce n’est pas Donald Trump qui a déclaré Jérusalem comme la capitale du peuple juif, c’est le roi David qui l’a fait il y a 3 000 ans. C’est une reconnaissance d’une histoire qui existe depuis 3 000 ans » (1).

Sauf qu’il n’est pas du tout certain que le roi David, qui est une figure biblique, ait réellement existé. Et, même s’il a existé, cette juriste devrait savoir que selon le droit international, il n’est pas permis à Israël d’annexer Jérusalem-est. Mais elle se moque du droit comme de l’histoire.

L’histoire du roi David est singulière. Il apparaît bien entendu dans la Bible, ce qui l’a rendu très populaire, mais il n’y a qu’une seule pièce archéologique, une stèle (dite de Tel Dan) qui date du IXe siècle avant J.-C. (alors que David aurait régné au Xe siècle avant J.-C.).

Cette stèle « raconte la victoire qu’un roi araméen (probablement Hazael) a remportée sur le roi d’Israël et sur le ‘roi de la maison de David’ » (2). Sinon, rien. Ce qui est étonnant pour un personnage aussi fameux et actif (dans la Bible en tout cas), et qui aurait dû laisser bien plus de traces archéologiques, aussi bien en Israël que dans les autres régions du Moyen-Orient et en Egypte avec lesquelles il aurait guerroyé.

Rien, shum davar, nada, nothing, nichts, Madame l’Ambassadrice. Je n’ajoute pas le néerlandais que vous étudiez…

Pas d’évidence autre que celle de la Bible d’un séjour des Juifs en Egypte, ni de l’Exode, ni du retrait de la mer Rouge pour les laisser passer, ni des 40 ans d’errements dans le désert, ni même du roi Salomon, pas plus hélas, que de la tour de Babel.

Lisez donc les deux ouvrages écrits par l’archéologue Israël Finkelstein et l’historien Neil Silberman (3). Evidemment, les académiques se contredisent. Pour ceux de Jérusalem, la Bible raconte la vérité historique, tandis qu’à Tel Aviv, on pense plutôt que la cité de David, située au sud du mont du Temple à Jérusalem, n’a de David que le nom, et encore…

Ne versez pas, Madame l’Ambassadrice, dans les fausses vérités et les vrais mensonges de celui qui vit à Washington et qui finira par construire son ambassade à Jérusalem. Suivi par le délicieusement précieux et subtil président des Philippines, Rodrigo Duterte qui, après six mois de pouvoir, avait déjà sur les mains le sang de quelques milliers de victimes. Quel bel exemple.

–> (1) rtbf.be

–> (2) Julia Fridman, « The naked truth about King David », in « Haaretz », février 2014. Il faut cependant noter que l’interprétation de l’inscription « beithdan » qui pourrait signifier « maison de David » est mise en doute par certains archéologues et spécialistes de l’hébreu ancien.

–> (3) Israël Finkelstein et Neil Silberman, « La Bible dévoilée, Les nouvelles révélations de l’archéologie » (Paris, Gallimard, 2004) et Israël Finkelstein and Neil Silberman, « David and Salomon. In search of the Bible’s Sacred Kings and the Roots of Western Tradition » (New York, The Free Press, 2006).

source

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s