Publié le dimanche 09 mars 2014 à 11h57 – Mis à jour le dimanche 09 mars 2014 à 11h58

Au cœur même de l’austère basilique de Koekelberg se déroule une activité insoupçonnée et des plus inhabituelles dans les caves d’un lieu sacré. Tous les dimanches, LaLibre.be vous emmène « Dans le secret des lieux ».
Sur le coup de 20h, seuls Robert de Thibault, le responsable des lieux, et Marc, un habitué, sont présents. “Les autres vont arriver au compte-gouttes, on n’est pas au cours de gym ici”, sourit Robert, qui est également professeur d’éducation physique. Une vingtaine de minutes plus tard, les cordes, murs et plafonds, jusque-là endormis, sont accaparés par les spéléologues du G.S. Redan.
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“Cette salle est l’ancienne chaufferie à charbon. Elle fait 20 mètres sur 20 et 8 mètres de hauteur”, décrit Robert. “Elle est ouverte les mardis pour que la vingtaine d’affiliés puissent venir s’exercer aux techniques à utiliser sous terre, ainsi que les lundis impairs pour les membres des fédérations francophone et néerlandophone de spéléologie. Le but est avant tout de s’entrainer pour aller dans les grottes.”
Mais comment expliquer qu’une telle activité s’organise dans cette colossale basilique ? Robert de Thibault évoque un échange de bons procédés avec la fabrique d’Eglise. “Nous avons la capacité d’accéder à certains endroits de l‘édifice où, par exemple, l’architecte et les membres de la Fabrique d’Eglise ne parviennent pas à se rendre. En échange, le lieu est mis à notre disposition. Mais il est vrai que ça semble particulier, surtout lorsque nous nous entrainons dans notre cave d’où l’on entend en même temps les grandes orgues comme musique de fond”, badine-t-il.
Passage en vire, descente, remontée, ramping, progression en méandre : le lieu, aménagé à partir de 1980, permet de se tester à de nombreuses techniques.
“Utilise ton balancier”, crie Marc à un plus jeune. “Un peu de souplesse”, renchérit ironiquement celle que l’on surnomme “La Française”. Ici, les échanges de conseils sont monnaie courante. Et pendant que certains peaufinent leurs gestes, assurent leurs clefs complètes et demi-clefs, d’autres patientent dans les airs, tanguant au bout d’une corde. “Car on ne se met jamais à deux sur le même point d’ancrage, sauf en cas de secours”, avertit le robuste Marc.
De secours, il en est question, puisqu’Aurélie et Nicolas ont décidé de s’exercer au dégagement d’un blessé. Le jeune homme joue le rôle du spéléologue inconscient qui doit être aidé. La tâche s’annonce délicate pour la demoiselle, le bloqueur de poitrine étant difficile à ouvrir à cause de la tension émise par le corps. Entourée de ses camarades, qui lui soufflent des indications, accompagnées de quelques grivoiseries, Aurélie parvient finalement à se dépêtrer, sous les applaudissements de l’assemblée.
Même si la concentration est de rigueur, l’ambiance est bon enfant et vire par moments à la jubilation. La moyenne d’âge de 22 ans n’y est évidemment pas indifférente. “J’initie chaque année 300 élèves dans le cadre des cours d’éducation physique. Certains accrochent et continuent à venir en dehors des cours. C’est ce qui explique qu’il y ait tant de jeunes”, explique “Papa Robert”.
Résultat : les taquineries et railleries entre adolescents se multiplient. “On essaye d’embêter les autres quand ils sont suspendus aux cordes”, s’amuse Aurélie. Ce mardi soir, cette demoiselle de 17 ans se verra subtiliser ses chaussures puis sera enfermée quelques secondes dans le réseau de galeries souterraines par ses condisciples. Le tout, en riant. “On forme un vrai groupe d’amis”, lâche-t-elle en rechaussant son second soulier.
Pas encore rassasiée par l’effort, Aurélie remonte vers les cieux pour mieux se jeter la tête la première vers le sol. “Ce geste n’a aucune utilité en spéléo mais je l’ai appris récemment et il me procure des sensations fortes”, décrit-elle, l’oeil pétillant.
Pendant ce temps-là, Hans enchaîne, à vive allure, une montée sur corde à l’aide d’un croll et d’une poignée-frein. Cette technique s’impose pour gravir les 35 mètres menant au sommet de la cheminée. “Au début, cela me semblait difficile. Aujourd’hui, je suis habitué. Il faut juste bien pousser avec la jambe”, témoigne ce jeune Flamand qui a opté pour la spéléologie après avoir été obligé de choisir une activité avec des francophones “vu mes mauvais points à l’école”.
Si la discipline se rapproche de l’escalade, les spéléologues tiennent à afficher les différences. “Nos gestes sont plus petits, rapides et dynamiques. En outre, nous nous déplaçons principalement sur corde, et non contre les murs”, détaille Robert.
Un reportage de Jonas Legge