Ronald Barakat
Il a fallu la persécution et l’exode des chrétiens d’Irak, et notamment de Mossoul, pour pousser les patriarches orientaux à se réunir en catastrophe et émettre un communiqué qui sonne l’hallali général, lequel condamne les conséquences désastreuses de la non-ingérence à population en danger, ici chrétienne, et appelle la communauté internationale à intervenir « par tous les moyens possibles» pour juguler l’avancée des hordes du Baghdadi.
Pendant tout le temps interminable de persécution des manifestants syriens pacifiques, non chrétiens pour la plupart, qui a conduit, faute de secours, à une militarisation puis une radicalisation du conflit syrien, les patriarches orientaux, catholiques et orthodoxes, n’ont pas pipé mot, par accommodement identitaire, faisant fi de la parabole du bon Samaritain qui les invite à se porter au secours de « l’autre », du non chrétien, et dédaignant l’attitude exemplaire des prophètes, des pères et docteurs de l’Eglise qui dénonçaient courageusement les injustices et semonçaient les tyrans, aux dépens de leur propre sécurité.
Mais maintenant que le danger est entré dans le cocon paroissial, les cris d’orfraie fusent de tous les clochers orientaux jusqu’à battre le rappel des troupes ( !) : invoquer (en termes à peine voilés) le recours à l’intervention militaire, donc à la violence, ce qui est surprenant de la part d’ecclésiastiques qui devraient condamner toute forme de violence, en conformité avec les enseignements évangéliques, brandir l’étendard de la bonne parole, de l’amour, de la fraternité, du pardon, de la miséricorde…et laisser au monde laïque le soin d’user de la violence légitime.
Et dire que ce sont les représentants premiers de la chrétienté orientale qui offrent l’exemple contraire et viennent nous rappeler le temps des croisades où la croix papale se mariait à la bannière monarchique.
Messeigneurs,
Il est bon que vous vous soyez enfin réveillés pour appeler le monde occidental à « votre » rescousse, ce qui viendra profiter à ceux qui ne sont pas de votre « race religieuse » ; il est bon aussi que vous appeliez les ulémas et dignitaires musulmans, sunnites et chiites, à promulguer des fatwas, des décrets religieux, condamnant la persécution de votre «genre», ce qui se répercutera aussi sur les autres communautés, après ce long silence suspect de votre part face aux massacres en série, à la décimation de localités syriennes entières, aux bombardements aveugles de secteurs résidentiels, d’hôpitaux et de boulangeries à coups de barils d’explosifs, au gazage d’enfants de la Ghouta, à la rafle de milliers d’innocents passés à la moulinette de la torture, aux atrocités inouïes commises à l’encontre d’êtres humains qui n’avaient pas la chance de compter parmi vos ouailles pour mériter votre attention ; il «serait » bon que vous en arriviez à insinuer un recours à la violence légitime, salutaire, à l’instar des laïques, mais faites aussi comme eux, ou mieux qu’eux, et portez-vous au secours des « autres », qui ne sont pas de votre « race », en bons ou même mauvais Samaritains !
R.B.