LOOS,BAUDOUIN
Mercredi 1er août 2012
SYRIE Les militants extrémistes se font plus nombreux mais restent très minoritaires
ANALYSE
Selon les allégations du régime syrien depuis le début de la contestation (devenue révolte) en mars 2011, les opposants appartiennent à la mouvance « terroriste », à savoir à l’islam extrémiste façon Al-Qaïda. Ce qui n’a longtemps été qu’un moyen pour Bachar el-Assad d’apeurer l’Occident devient peu à peu partiellement vrai.
Si quelques « fous d’Allah » étrangers avaient été repérés ici ou là en Syrie l’an passé – mais curieusement jamais arrêtés par l’armée loyale au régime… –, il apparaît maintenant que des djihadistes provenant d’une multitude de pays y arrivent par dizaines sinon plus pour combattre la secte « hérétique » alaouite dont le pouvoir provient.
Les témoignages se multiplient en ce sens. L’un de ceux-là est dû à deux photographes, hollandais et britannique, qui ont été détenus entre le 19 et le 26 juillet par un groupe de djihadistes étrangers. Leur mésaventure débuta tout juste après leur entrée en Syrie par la Turquie ; les militants qui les avaient arrêtés venaient du Bangladesh, du Pakistan, de Grande-Bretagne et de Tchétchénie.
« Ils étaient entre 30 et 100, tous étrangers, ont déclaré les journalistes au New York Times. Ils étaient extrêmement religieux. Ils n’étaient pas d’Al-Qaïda, ils étaient trop amateurs pour cela. » Les deux hommes ont été menacés de mort puis finalement libérés grâce à l’intervention énergique d’un groupe de combattants « sans doute de l’Armée syrienne libre » (ASL).
Un reporter de l’Agence France Presse a aussi rencontré des djihadistes dans la même région de Bab al-Hawa. Sans pouvoir vérifier leurs dires, il cite les origines revendiquées par les militants : Algérie, Maroc, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Egypte, Libye, Tunisie, Tchétchénie ou Somalie… Ils sont souvent venus dans le pays grâce aux informations recueillies sur des sites de propagande ultra-islamistes qui appellent les jeunes musulmans du monde entier à rejoindre le djihad en Syrie.
Ayman al-Zawahiri, l’Egyptien qui a pris la tête d’Al-Qaïda après la mort de Ben Laden, avait d’ailleurs lancé un appel en ce sens le 12 février dernier destiné « à tout musulman et à chaque personne honorable et libre en Turquie, Irak, Jordanie et au Liban », soit les voisins de la Syrie.
Le quotidien allemand Die Frankfurter Allgemeine Zeitung écrivait il y a un mois que les services secrets allemands estimaient à 90 environ le nombre d’« attentats » perpétrés par des groupes proches d’Al-Qaïda ou d’organisations similaires.
Mais les renseignements confirmés sur l’importance de la mouvance djihadiste étrangère en Syrie manquent. Même la CIA éprouve des difficultés à s’y retrouver, clame un article du Washington Post du 24 juillet en citant des sources officielles américaines. Pour ces sources, toutefois, si « la présence d’Al-Qaïda a pris de l’ampleur en Syrie ces six derniers mois, elle ne représente toujours qu’une petite fraction de l’opposition à Assad ». Un officiel précise : « Les rebelles tentent de garder leurs distances avec Al-Qaïda, ce qui laisse le groupe déconnecté du reste de l’opposition ». Une opinion corroborée par divers témoignages recueillis sur le terrain.
Cette méfiance est peut-être accentuée par des phénomènes comme certaines horreurs (tortures, notamment) attribuées par des vidéos à ces militants exaltés, et aussi par des bruits insistants sur les manipulations par le régime de certains groupes islamistes extrémistes comme ceux qui concernent l’un des principaux d’entre eux, Jabhat al-Nusra.
L’Armée syrienne libre, de son côté, a officiellement rejeté les djihadistes mais, sur le terrain, les choses se passent parfois autrement, hors de son contrôle. Ainsi, par exemple, le cas documenté par un reporter du Guardian à Deir el-Zouhour, non loin de la frontière irakienne : là, l’équipe d’un certain « Abou Khouder » se revendique à la fois d’Al-Qaïda et proche de l’ASL : nous apportons notre expérience acquise en Irak qui manque cruellement à nos frères de l’ASL, explique en substance le chef du groupe.
Enfin, comble de l’ironie, des témoignages donnent à penser que l’absence d’aide occidentale pousse certains dans les bras du militantisme religieux, comme l’explique au New York Times un Syrien exilé à Paris : « Le radicalisme est résultat de la perte de l’espoir ».
faits du jour
Les combats continuent à Alep
Les rebelles syriens ont usé de ruse et d’audace pour s’emparer mardi du plus important commissariat du sud d’Alep et abattre son chef, un général connu pour sa participation à la
répression. Cette bataille était l’un des principaux objectifs
des rebelles. Les forces gouvernementales et les rebelles envoient des renforts vers Alep, où des milliers de civils cherchent refuge dans les écoles, universités et mosquées. Par ailleurs, plus de 900 Syriens se sont installés dans le premier camp de réfugiés syriens en Jordanie. (afp)
Gouvernement en exil ?
L’opposant Haytham al-Maleh a annoncé mardi avoir été chargé par une coalition de Syriens « indépendants sans affiliation politique » de former un gouvernement en exil qui sera basé au Caire. Le principal groupe d’opposition, le Conseil national syrien, a estimé cette annonce « prématurée ». (afp).
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