Terrorisme : il n’est pas interdit de réfléchir


 

Le président Francois Hollande, le 25 juillet 2016 à Vincennes.Crédits : Ian Langsdon / AP

Le président Francois Hollande, le 25 juillet 2016 à Vincennes.Crédits : Ian Langsdon / AP

Saint-Etienne du Rouvray. Un nom supplémentaire sur la liste des lieux d’attentats. Et comme à chaque fois, la classe politique s’illustre par son indécence politicienne.

L’opposition crie, vitupère et dénonce, non pas parce qu’elle a le souci réel de contribuer au débat et à l’élaboration de solutions mais juste parce qu’elle pense à l’élection présidentielle de 2017. La communication politique ne s’embarrasse pas de nuances ni de retenue.

A chacun sa démagogie : rendre illégal le salafisme (attaquons-nous plutôt à la bêtise, ça rendra service à l’humanité !), enfermer toutes les personnes faisant l’objet d’une fiche S dans des camps d’internement (l’étape suivante c’est d’enfermer tous les musulmans ou de leur faire porter un croissant jaune sur le revers de la veste ?)…

L’Occident fabrique ses propres ennemis

Quant au président de la République et au gouvernement, ce n’est guère plus brillant. D’abord cette manie de se rendre immédiatement sur les lieux alors qu’à ce moment-là les services de secours et de sécurité ont bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper du déplacement des plus hautes autorités de l’Etat.

Lorsque j’étais directeur de cabinet de préfet, nous savions qu’en cas de catastrophe, nous n’avions pas le choix, il fallait être prêt à détourner des moyens dédiés à la gestion de la crise pour prendre en charge les hautes autorités en goguette. On appelait cela le « sur-accident ». Venir sur place, rien de tel pour dramatiser sa communication.

Mais le plus fort dans toute cette mise en scène médiatique, c’est la désignation quasi immédiate de l’ennemi, Daech. Qu’il est confortable d’avoir un ennemi ! Surtout quand il est extérieur à nous. Quel soulagement quand la revendication tombe !

En nommant l’ennemi, on lui attribue tous les torts et on s’exonère de sa propre responsabilité. On évite ainsi de se poser des questions sur les conséquences de notre politique. Michel Onfray dans son essai « Penser l’Islam » (Grasset, 180p) rappelle qu’à force d’exporter la guerre on finit par l’importer sur son territoire. Le terrorisme n’est jamais spontané, il est toujours en réaction à une colère, une frustration.

Depuis vingt ans, c’est l’Occident qui fabrique ses propres ennemis. Oussama Ben Laden a été construit par les Américains avant de leur échapper. Daech est né de la persécution des sunnites en Irak par le gouvernement chiite de Nouri Al-Maliki, soutenu par les Américains. Les bombes que nous larguons au-dessus de la Syrie et de l’Irak n’ont visiblement pas d’impact positif sur notre sécurité nationale (bien au contraire) sans compter qu’elles tuent aussi des innocents, les anonymes victimes collatérales.

Laurent Bigot est un ancien diplomate français devenu consultant indépendant.

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