Lettre ouverte aux acteurs culturels : ne vous mettez pas au service de la propagande israélienne




Dans quelques jours, l’Université de Liège accueillera une manifestation intitulée “Israël Autrement”, consacrée au développement de l’art vidéo en Israël et aux oeuvres de deux vidéastes israéliennes, suivi d’une rencontre avec une responsable du centre d’art contemporain de Tel-Aviv. (www.videographies.be/fr <http://www.videographies.be/fr> )


Les organisateurs proclament qu’ils veulent “

ouvrir des portes inattendues ou de porter un regard différent sur notre société globalisée et ses démons.”… Et annoncent qu’en mars 2015 “les artistes vidéastes palestiniens seront à leur tour invités à Liège”.


Avant d’en venir à l’essentiel, deux questions se posent :
  • Pourquoi n’y a-t-il aucun vidéaste israélo/palestinien, invité?

      N’y en a-t-il vraiment aucun(e) dans ces quelque 25% de citoyens israéliens d’origine autochtone?

  • Pourquoi annoncer dès aujourd’hui une manifestation, à organiser dans un an (!), qui accueillera des vidéastes palestiniens… “Pour, dans un dialogue aujourd’hui impossible, nous livrer leur vision”?
      Les organisateurs ont-ils quelque chose à se faire pardonner… préventivement?

Cet “Israël Autrement”, sous-titré “pour repenser Israël à travers l’art vidéo”, se situe (que les organisateurs liégeois en aient conscience ou non) dans le droit fil de la nouvelle stratégie de propagande, lancée courant 2013 par le régime israélien, pour redorer son image.

Une sourdine a été mise à l’assertion du “petit peuple qui se défend” (Argument peu crédible quand on sait qu’Israël est une des plus importantes puissances militaires de la planète!) et à la diabolisation des sympathisants des Palestiniens… Pour faire place aujourd’hui à un discours visant à faire accroire qu’il s’agit d’un conflit entre deux peuples pour un territoire et que seule la volonté de paix anime le régime israélien.
Cette proclamation d’équidistance (…il n’y a ni oppresseur, ni opprimé) est au centre de l’opération de propagande et, malheureusement, inhérente à la présentation de ”Israël Autrement”.
Elle permet
d’occulter les faits, de nier l’Histoire et d’escamoter les réalités “gênantes”, tels la colonisation violente, le nettoyage ethnique, la politique d’apartheid, les assassinats ciblés, la torture d’enfants de moins de douze ans (
Rapport UNICEF du 14/10/2013), le vol de terres, la destruction du patrimoine culturel palestinien… et autres exactions subies par ce peuple depuis plus de quatre-vingt ans.

Afin d’éviter si possible la multiplication d’événements comme “Israël Autrement”, il est important que les acteurs culturels de notre pays sachent que la culture, et principalement le cinéma, est le principal vecteur de cette

campagne de propagande à laquelle le gouvernement israélien consacre un budget très important.

Simple exemple de la “force de frappe” : la production israélienne de films documentaires financés par l’Etat est actuellement supérieure en nombre à ceux produits par le Benelux et le Danemark… réunis!
Les programmateurs des festivals de cinéma européens peuvent témoigner du déferlement de ces films donnant une image trompeuse des réalités israéliennes.

Pour renforcer encore l’impact de l’action, M. Netanyahu a récemment décidé d’injecter quelques 20 millions d’&euro supplémentaires dans cette campagne de désinformation et de reconquête de l’image médiatique.

Il n’est pas toujours aisé d’identifier et de résister à cet envahissement – guère d’écho et/ou d’analyse dans la presse belge – et il est heureux que d’éminents journalistes israéliens comme Gidéon Lévy, Amira Hass ou Michel Warschawski informent régulièrement sur ces opérations de propagande sournoise.Alors?
Il ne s’agit, en aucune manière, d’exclure systématiquement tout créateur israélien, ils sont nombreux à s’opposer aux agissements de leur gouvernement actuel.
Il s’agit seulement de s’informer et d’être vigilant… ce qui n’a vraisemblablement pas été le cas des organisateurs de “Israël Autrement”.En espérant que cette lettre aura permis d’alerter les acteurs culturels contre cette propagande subtile et insidieuse, qu’elle leur permettra de ne pas collaborer involontairement avec

ce régime dont l’idéologie fasciste était déjà dénoncée il y a plus de soixante ans par des personnalités comme Hanna Arendt et Albert Einstein (“New York Times” du 2/12/1948).


Rudi Barnet
Ancien expert pour l’audiovisuel (Ministère de la Communauté Wallonie-Bruxelles)
Ex-Directeur du Festival de San Sebastian
Concepteur de Wallimage


 

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