Papier dans Le Soir du jour:ANALYSE
Une crise de plus. Une confrontation à Gaza, avec cet air de déjà-vu : le Proche-Orient réécrit le même scénario en lettres de sang, avec les civils comme figurants et martyrs. Dans cette histoire maintes fois répétée, le Hamas occupe un rôle de choix. Celui du « méchant », du va-t-en-guerre…
Cette organisation islamiste considérée comme « terroriste » par l’Union européenne et par les Etats-Unis, qui contrôle une bande de Gaza sous blocus depuis 2007, se flatte de sa réputation radicale. Pas question pour elle d’effacer les articles de sa charte qui nient à Israël le droit à exister.
Pour les autorités israéliennes, tout est clair, comme le signale un communiqué des Affaires étrangères : « Depuis l’opération Pilier de défense en Novembre 2012, le Hamas a continué à s’armer de vastes quantités d’armes et est actuellement en possession de 10.000 roquettes, dont des Fajer 3 et Fajer 5, missiles produits dans les usines d’armes iraniennes. Le Hamas exploite délibérément et systématiquement la population civile palestinienne et l’utilise comme bouclier humain lors du lancement des roquettes vers Israël. ».
Même du côté palestinien, on trouve des voix pour mettre la responsabilité des derniers événements sur le Hamas. Ainsi en est-il du politologue Mahdi Abdoul Hadi, qui répondait ce 10 juillet à Libération : « La réconciliation avec le Fatah est finie et il a perdu le soutien de l’Egypte. La seule façon, pour le Hamas, de sortir de cette impasse, c’est la confrontation avec Israël afin de pousser la communauté internationale à s’engager, quitte à en payer un prix très lourd. D’où les roquettes qui provoquent les Israéliens et les poussent à riposter, seul moyen de réveiller la communauté internationale et d’obtenir que les Egyptiens se ressaisissent du dossier israélo-palestinien. C’est peut-être une politique suicidaire, une fuite en avant mais, pour le Hamas, il n’y a pas d’autre option ».
Les choses, pourtant, se révèlent plus complexes. Le dernier enchaînement de violences a débuté avec l’enlèvement (et l’exécution quasi immédiate) de trois adolescents israéliens capturés par des activistes en Cisjordanie occupée le 12 juin. Le gouvernement israélien a vite accusé le Hamas de ce triple meurtre et déclenché une vaste opération à travers les territoires occupés, arrêtant des centaines de personnes, dont beaucoup de cadres du Hamas. Or la responsabilité des dirigeants du mouvement reste très hypothétique. Ils n’ont certes pas condamné les assassinats, au contraire, mais ils ont admis ne pas savoir de quoi il retournait.
Mais, alors que, à Gaza, des organisations palestiniennes rivales du Hamas répondaient par des tirs de roquettes au « nettoyage » israélien en Cisjordanie et au meurtre d’un jeune Palestinien de Jérusalem brûlé vif par des extrémistes juifs en « représailles » au triple assassinat, des bombardements de l’armée de l’air israélienne tuaient dimanche dernier sept activistes du Hamas, poussant ce dernier à entamer l’escalade avec Israël en déployant ses roquettes de plus en plus puissantes. Depuis mardi et l’opération militaire israélienne, la spirale paraît sans fin, chaque camp répondant aux derniers tirs de l’autre.
L’un des meilleurs spécialistes du Hamas, le chercheur Jean-François Legrain, voit bien les choses ainsi dans une interview au Monde : « L’élimination de sept combattants du mouvement dans une attaque de drone israélien sur la bande de Gaza, le 7 juillet, a ainsi été considéré comme un acte d’agression rompant le cessez-le-feu avec Israël négocié avec le partenaire égyptien en novembre 2012. L’engagement avait été pris qu’aucune partie ne mènerait une opération militaire contre l’autre. Le Hamas et son aile militaire, les brigades Ezzedine Al-Qassam, ont alors considéré qu’ils devaient répondre ».
De là à dire que le Premier ministre israélien Binyamin Netanyhaou a cherché à provoquer le Hamas, il n’y a qu’un pas que des experts franchissent en observant qu’il n’a qu’une obsession : faire voler en éclats le gouvernement palestinien d’unité nationale, Hamas compris, mis en place quelques semaines plus tôt et accepté pour son plus grand courroux par l’Union européenne et même par les Américains.
Pour sortir de cette spirale infernale, il n’y a pour le moment aucun médiateur qui s’impose : seule l’Egypte se prêtait régulièrement à ce rôle, et avec talent. C’était du temps de Moubarak ou de l’islamiste Morsi, déposé en 2013. Le régime du maréchal Sissi, qui qualifie tous les Frères musulmans de terroristes, ceux d’Egypte comme également le Hamas, semble se plaire à voir ce dernier en difficulté. Et tant pis pour les civils.
BAUDOUIN LOOS
source: Le Soir du 11 juillet