Pour occuper la place abandonnée par les instances internationales et les Amis de la Syrie, déçus des résultats de leur action hésitante et discontinue en faveur des Syriens révoltés contre « l’Etat de barbarie« , les Russes avaient convoqué pour quatre jours à Moscou, entre le 26 et le 29 janvier, une « rencontre consultative » entre Syriens. Au cours des deux premiers jours, livrés à eux-mêmes, les opposants invités devaient parler entre eux, et, si possible, s’entendre sur un certain nombre d’idées et de principes de nature à sortir leur pays de la crise dans laquelle il se débat depuis près de quatre ans. Ils devaient ensuite échanger, durant les deux autres jours, avec une délégation du régime en place.
L’objectif non déclaré de l’exercice était, pour les organisateurs, de remettre en course leur poulain, Bachar al-Assad, dont l’incapacité à remporter la victoire sur une « révolution orpheline » avait démontré qu’il n’était guère plus qu’un vulgaire canasson. Il se maintenait toutefois dans la course, dopé aux aides, soutiens et appuis de toutes natures que lui injectaient ceux qui avaient parié sur ses chances et qui se refusaient à perdre leur mise. Pour parvenir à leurs fins, les Russes ont donc mis en œuvre tous les moyens à leur disposition.
Ils ont commencé par écarter les partis politiques, anciens ou nouveaux, et ils ontsélectionné intuitu personae quelques dizaines d’opposants, en veillant à ce que la présence d’authentiques adversaires de Bachar al-Assad dissimule celle d’opposants de circonstance, sans programme ni idées politiques mais présentant bien sous les feux de la rampe, et celle d’arrivistes et de militants de la dernière heure, aussi bien enclins aux surenchères qu’aux concessions. Pour ne pas commettre d’erreur et ne pas mettre en difficulté la délégation du régime en lui donnant pour interlocuteurs des débatteurs coriaces, ils ont retenu les noms que leur avait suggérés leurs amis syriens. Pour mettre à l’épreuve la disposition des heureux élus à entrer dans leur jeu, ils ont également annoncé que la rencontre n’aurait ni programme, ni ordre du jour, et qu’ils n’admettraient aucune précondition de type politique, humanitaire ou autre. Ils se sont finalementabstenus de publier la liste de leurs invités, pour interdire l’évaluation précise du succès de leur entreprise.
Ces manœuvres n’ont pas abusé la Coalition nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition syrienne (CN), qui a annoncé lors de son assemblée générale du début du mois de janvier, qu’elle déclinait l’invitation et n’autoriserait pas ses membres à participer à la rencontre. Celle-ci ne les concernait pas. Elle n’était pas l’initiative d’un parrain neutre ou d’un honnête courtier mais d’un coresponsable des crimes de Bachar al-Assad, puisque Moscou fournissait au régime des armes qui provoquaient quotidiennement la mort de dizaines de Syriens. Les Russes n’avaient aucun plan pour la Syrie et ils ne souhaitaient que prolonger la présence au pouvoir d’un criminel discrédité par son incapacité et rejeté par son peuple. Celui-ci n’était d’ailleurs pas intéressé par une solution politique. Ce qu’il voulait, c’est polariser l’attention de la communauté internationale sur les groupes islamistes radicaux, dont il avait lui-même contribué à la création et qu’il s’abstenait de combattre sérieusement. Il voulait profiter de la présence en Syrie de l’Etat islamique et du Front de Soutien pour se maintenir indéfiniment en place, au nom du moindre mal et sous le prétexte de la lutte antiterroriste. La décision de Moscou d’augmenter le nombre des invités de la Coalition en le portant de 5 à 9 n’a rien changé à sa décision. Aucun de ses membres, actuels ou anciens, n’a répondu à la convocation.