Chronique de Bernard Guetta 17-02-2014, après la clôture des négociations de Genève II. |
Il y a le constat par définition froid, et la réalité qui est elle abominable; totalement intolérable, mais honteusement tolérée. Le constat est que le deuxième round des négociations sur la Syrie s’est achevé ce WE sans l’ombre d’un quelconque progrès et sans qu’une date n’ai pu même être fixée pour une reprise des discussions.
Ces négociations ont deux parrains, les Etats-Unis et la Russie, elles sont menées sous l’égide de l’ONU, c’est à dire de l’ensemble des pays du monde. Le monde entier vient de laisser le pouvoir Syrien refuser, bloquer toute avancée sur la voie d’un compromis permettant de mettre un terme, à bientôt trois années d’horreur.
C’est un scandale en soit, mais le pire est que depuis l’ouverture de ces négociations, en moins d’un mois, la répression a fait 5000 morts de plus, que l’on continue en Syrie à torturer des enfants devant leurs parents. Que le largage sur les zones d’habitations, de barils explosifs par l’aviation du Régime s’est maintenant étendue à une dizaine de villes et d’agglomérations, et que l’opération humanitaire, que le pouvoir a finalement acceptée à Homs, se solde par une abjecte comédie!
Non seulement la dictature n’a laissé entrer dans cette ville affamée que très peu de secours alimentaires, non seulement elle a interdit le passage de tout matériel médical, mais elle a arrêté les hommes qui sortaient de cet enfer avec leurs familles. Elle a arrêté des civils auxquels étaient accrochés des enfants. Sous le prétexte, de leur dispenser_ c’est une citation de porte-parole officiel_ je cite donc:
« »des cours d’instruction religieuse afin de modifier leur interprétation erronée de l’Islam. » »La dernière fois que des hommes ont ainsi été publiquement séparés de leurs familles c’était à Srébrénica. Et les corps de ces hommes avaient été retrouvés dans des fosses communes.
Avant qu’il ne soit trop tard on voudrait entendre le monde entier exiger séance tenante, la libération de ces pères de famille. On voudrait que ces obscénités sur les cours d’instruction religieuse provoque un tollé mondial mais, tendons l’oreille, cherchons un mot de protestation où que ce soit, et RIEN!
Rien qu’un silence général, celui de l’impuissance et de lâcheté, qui un jour écraseront de honte ces nouveaux témoins sourds et aveugles d’une nouvelle barbarie. Devant cette réalité là, l’analyse a quelque chose de dérisoire, et même indigne, mais il faut pourtant la tenter pour essayer de comprendre:
Des deux côtés de l’Atlantique les capitales occidentales condamnent l’obstruction organisée par le pouvoir syrien. Sortant de sa neutralité exigée, le médiateur de l’ONU lui même Lakhdar Brahimi a publiquement déploré que ce régime ait refusé d’aborder l’objet même de ces négociations: la mise en place d’une autorité gouvernementale de transition. Mais comme personne, à l’exception de la France, ne veut ni armer l’insurrection, ni frapper les installations militaires de la dictature, personne, ne veut admettre, que ces négociations ne servent aujourd’hui qu’à permettre au pouvoir, de gagner du temps.
Les occidentaux haussent le ton, mais espèrent seulement que la Russie voudra bien faire pression sur Bachar Al-Assad, et pendant ce temps les massacres continuent, impunément.
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Chronique de Bernard Guetta sur France Inter, lundi 17 février 2014 après la clôture du deuxième round des négociations de Genève II.