lundi 04 juin 2012
Une « farce », une « escroquerie »… Beaucoup d’Egyptiens ont laissé éclater leur colère samedi après que le verdict du procès de leur ancien dictateur, Hosni Moubarak, a été rendu. La peine de prison à vie infligée au vieil homme (84 ans) n’a en effet semblé satisfaisante que quelques instants, le temps de comprendre que l’ex-« raïs » et son ministre de l’Intérieur de l’époque, n’étaient condamnés que pour « complicité » dans la répression qui a fait plus de huit cents morts – on dit « martyrs » en Egypte – car les juges se sont dits incapables de désigner les commanditaires du bain de sang.
Certes, il convient de saluer une grande première dans le monde arabe : jamais un despote n’a été traîné devant la justice de son pays, si l’on excepte la scandaleuse parodie de procès subie par Saddam Hussein en 2006 à Bagdad.
Mais, si on se gardera bien d’appeler à la condamnation à mort de Hosni Moubarak comme le firent des foules frustrées en Egypte ce week-end, il reste que le premier procès de l’ex-chef d’Etat inspire un vrai malaise.
Pourquoi Hosni Moubarak n’a-t-il dû répondre des actes de la répression qui concernaient seulement trois jours de contestation et de manifestations en janvier 2011 alors que durant les presque trente ans de son règne la torture – parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive – était devenue la marque du régime avec aussi la corruption ?
Qui a décidé de ne pas juger un « système », un régime, en même temps que son chef ? Ne serait-ce pas l’armée, vraie source du pouvoir en Egypte ? D’innombrables Egyptiens soupçonnent leur armée, malgré ses promesses répétées, de ne pas avoir l’intention d’abandonner ses vastes prérogatives et ses immenses privilèges.
Ils en sauront bientôt plus : le second tour de l’élection présidentielle mettra aux prises les 16 et 17 juin le frère musulman Mohamed Morsi et l’ex-général et ex-ministre de Moubarak Ahmad Chafiq. Comme le déclarait le 29 mai au Courrier international le célèbre écrivain cairote Alaa Al-Aswany, qui n’a rien d’un intégriste, « si Chafiq est élu, la révolution est morte ».
Ce n’est sûrement pas par hasard que les mots « impunité » et « révolution » ne riment pas du tout…
BAUDOUIN LOOS
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