
Depuis le début de la confrontation armée, on fait ce qu’on peut avec les moyens du bord. On réutilise les armes du régime contre ses propres troupes. À chaque fois qu’on est bombardé par les airs avec des bombes à fragmentation [bombe aérienne qui peut exploser avant d’atteindre sa cible ou à l’impact et qui libère des milliers d’éclats ou de petites bombes], on va à la collecte des bombes non explosées pour en extraire la poudre après les déflagrations. Puis on les utilise pour fabriquer des engins explosifs, mais aussi pour les cartouches, les obus, les roquettes, etc.
Dans ce processus, on est aidés par des officiers déserteurs et par les combattants étrangers venus nous rejoindre.
Une bonne partie de notre armement provient de l’armée syrienne. Au début, on a acheté beaucoup d’armes et de munitions aux officiers qui cherchaient à se faire un peu d’argent. Mais cette pratique nous a coûté cher, certains nous ont vendu des cartouches qui explosaient dans les magasins de nos fusils dans une logique de sabotage ou même des roquettes anti-chars… sans charge explosive.
« Beaucoup d’ingénieurs et d’étudiants se battent dans les rangs des rebelles et nous font profiter de leurs connaissances scientifiques »
Aujourd’hui, beaucoup d’ingénieurs et d’étudiants se battent dans les rangs des rebelles et nous font profiter de leurs connaissances scientifiques. D’ailleurs ce sont eux qui nous aident en matière de balistique. Ils utilisent notamment des outils comme Google Earth pour cibler des lieux précis.
Avec l’aide de ces ingénieurs et de quelques forgerons expérimentés, on a développé une petite industrie artisanale pour la fabrication de roquettes, de mortiers et de munitions. D’ailleurs, c’est le cas de plusieurs villes syriennes.
C’est dans le Nord que les combattants sont les plus expérimentés car ce sont eux qui ont commencé à travailler les armes récupérées. Aujourd’hui, des hommes de toutes les villes vont dans cette région [Idleb] ou même en Turquie pour acquérir cette expertise. Nous allons aussi en Turquie pour acheter des composantes indispensables comme les douilles et les amorces pour les cartouches de différents calibres.
Notre manque de moyens nous oblige à profiter de toutes les occasions qui se présentent. Quand nos combattants s’attaquent à un transport de troupe blindé et le mettent hors d’usage, on essaye de récupérer ce qu’on peut. On récupère souvent le canon, la mitrailleuse et les munitions. Si la tourelle est indemne, on la récupère aussi pour la fixer sur un camion ou sur un 4×4, car elle constitue une protection pour notre tireur.
Tourelle d’un transport de troupes BMP1 avec canon de 73mm à âme lisse et mitrailleuse PKT de 7,62 mm de fabrication soviétique montée sur un poids lourd. Deir-Ezzor, 6 novembre 2012. Il est possible de mettre 40 obus dans la réserve du canon. Les transports de troupes BMP1 ont un faible blindage, donc sont faciles à endommager et donc à récupérer.
À Homs, nous avons même réussi a créer une mitrailleuse téléguidée. Nous l’avions récupérée sur un char T72 puis montée sur des roues avec un système de guidage à distance. Cinq personnes ont travaillé sur ce projet, elles ont utilisé un vieux vélo et un petit moteur électrique pour monter le mécanisme. En ce qui concerne la caméra, c’est une simple webcam, d’ailleurs on utilise les webcams sur toutes les lignes de démarcation pour surveiller les rues et les immeubles.
Ces techniques demeurent rudimentaires et l’efficacité de ces armes reste relative. Même si les rebelles syriens marquent des succès militaires, la puissance de feu de l’armée syrienne régulière reste inégalée.
Mitrailleuse PKT de 7,62 mm téléguidée du groupe djihadiste Foursan al-Souna
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