Editorial – Baudouin Loos
Que faire ? Un massacre a lieu dans la banlieue de Damas, en Syrie. La région jouxte
la capitale syrienne et s’appelle « la Ghouta ».
Elle est aux mains des rebelles
depuis cinq ans.
Elle est aussi assiégée par le régime, qui recourt à tous les moyens pour écraser les insoumis.
Depuis quelques jours, les bombardements ne cessent plus, les victimes civiles s’accumulent
par centaines, dont un tiers d’enfants. C’est une boucherie. Un scandale qui glace le sang.
Le monde observe, navré ou choqué. On convoque « l’impuissance » pour occulter l’inaction,
la lâcheté voire l’indifférence.
Mais les images continuent à nous parvenir.
Les smartphones ont changé la face des conflits. On tue en direct. On meurt devant la caméra.
Le cri des blessés et celui des parents qui portent leur enfant meurtri résonnent
dans les consciences. Ou devraient résonner.
Alors on fait un communiqué. Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères,
se dit par exemple « préoccupé ». Préoccupé.
Il parle de « violation grave du droit humanitaire ».
Il « soutient l’appel de l’Union européenne à l’égard de toutes les parties impliquées
dans le conflit à prendre les mesures nécessaires afin de diminuer la violence et de protéger
la population syrienne »…
Pendant ce temps, la mort rôde dans la Ghouta. Elle frappe ici ou là.
Sans prévenir, sans choisir, au hasard. Dans un décor d’apocalypse,
les derniers témoins joignables hurlent leur douleur, appellent à l’aide.
Mais, au fond d’eux-mêmes, ils savent que leur sort est scellé.
Personne ne viendra. Ils sont cernés, bombardés, affamés.
Ils attendent l’offensive terrestre qui serait imminente et dont on peut craindre le pire.
Pour des violations massives des droits humains au Kosovo en 1999, l’Otan
s’était mobilisée pour frapper, bombarder et terrasser la Serbie.
En Syrie, l’Occident ne bougera pas. Trop compliqué. Trop risqué.
La Russie couve le dictateur Assad et lui prête même bombardiers et pilotes.
Le funeste précédent libyen hante les esprits. Etc. Les bonnes raisons s’accumulent et
dissipent la mauvaise conscience.
Les assiégés mourront donc. Ou ils se rendront à leurs bourreaux pour un destin
des plus incertains.
Dans d’autres cas de villes rebelles assiégées, des accords d’évacuation
ont eu lieu depuis 2015. Populations et rebelles qui le souhaitaient ont été conduits vers Idleb,
dans le nord-ouest de la Syrie.
Mais cette zone, toujours insurgée, attend
maintenant elle aussi l’assaut final de la soldatesque assadienne…
Depuis 2012, les occasions n’ont pas manqué, comme la première attaque chimique du régime,
qui eussent justifié d’envoyer une coalition aérienne pour détruire l’aviation du régime,
sauver ainsi des milliers de vies et épargner à des millions d’opprimés les tourments de l’exil.
Seuls les hideux djihadistes de Daesh eurent droit à ce régime, parce qu’ils avaient frappé
sur notre sol, pour le plus grand ravissement d’Assad et ses sbires.