jeudi 21 juin 2012, 10:34
Asmaa Seba est une photographe belge qui se trouve actuellement dans la bande de Gaza. Son interview
Asmaa SebaPourquoi vous trouvez-vous actuellement à Gaza ?
En 2010, une délégation de citoyens belges ralliant un convoi humanitaire m’avait confié le travail de couverture photographique de leur expédition. Sur place, les images de destructions de maisons, des écoles, des hôpitaux et surtout les regards terrifiés des enfants m’ont terriblement marquée et interpellée. J’ai donc décidé d’y revenir et d’user de l’expression photographique pour mettre la lumière sur le vécu quotidien de ces enfants peu couvert, voire pas du tout, par les médias. Je suis à Gaza dans le cadre d’un projet artistique et photographique qui s’intitule « Gaza vue par ses enfants » et qui a pour but de donner la possibilité à 6 enfants âgés de 6 à 11 ans du camp de réfugiés de Khan Younès de s’exprimer à travers l’image. Chaque enfant a reçu du matériel de photographie ainsi qu’un appareil photo qu’il gardera pendant 2 mois. Parmi ces enfants, certains sont devenus orphelins après la guerre de 2008, d’autres ont subi des traumatismes en voyant des membres de leur famille tués devant leurs yeux, et tous continuent de vivre dans des conditions précaires et dans un environnement très oppressant. Chaque semaine, je leur donne pour les guider un sujet à exprimer à travers l’objectif, cette méthode permet à l’enfant d’exprimer en image ce qu’il ne peut faire au moyen de la parole. Les photos donneront lieu à une exposition urbaine dans le camp, ainsi qu’à une exposition au Parlement européen qui permettra aux enfants belges de se rendre compte de la vie d’un enfant à Gaza.
Que disent les gens que vous rencontrez ? De quels besoins vous parlent-ils ? Des problèmes de la vie quotidienne ou des questions politiques plus larges ?
Depuis mon arrivée il y a trois semaines, il y a eu de nombreux bombardements au nord de la ville et à l’est, plus d’une quinzaine de morts et de nombreux blessés, je peux entendre les bombardements depuis Gaza City, des drones et des F16 sont passés régulièrement au-dessus de ma tête. Il faut ajouter à cela la précarité des familles vivant à l’étroit du fait de la densité, entassées dans 30 mètres carrés à 12 personnes avec un seul salaire qui ne dépasse pas les 150 dollars, les coupures quotidiennes d’électricité, le manque de fuel, de certains médicaments… En dépit de ces conditions de vie épouvantables, je sens une énergie incroyable, des gens avec beaucoup d’humour et un sens du recyclage pour tout. Les gens se plaignent beaucoup des coupures quotidiennes d’électricité, du prix du fuel qui a doublé depuis 2 mois, il est passé de 2 shekels à 4 shekels et c’est un vrai problème, du manque de logement, les camps ne suffisent plus à la population, ce sont des tracas quotidiens. Les jeunes eux se plaignent du manque de travail, de débouchés après l’université, du manque d’infrastructures pour des activités culturelles comme soupapes face au blocus. Ils affirment que leur futur est lié aux relations avec Israël car sans la levée du blocus sur Gaza, l’arrêt de la colonisation en Cisjordanie et une paix véritable et juste, leur avenir et celui de leurs enfants sera incertain.
Est-il toujours impossible pour un Gazaoui de se rendre en Cisjordanie ? Et qu’en est-il de la sortie par Rafah, la frontière égyptienne ?
Je confirme qu’il est quasi impossible pour un Gazaoui de passer la frontière israélienne et se rendre en Cisjordanie. Ainsi, une famille d’un des enfants du projet a voulu se rendre à Ramallah afin de participer aux obsèques du patriarche de la famille, elle n’a pas pu passer. Il m’a été confirmé qu’il est plus facile d’emprunter le passage de Rafah depuis quelques mois, les Égyptiens ayant ouvert le point de passage plus régulièrement mais cela concerne surtout ceux qui ont obtenu un visa afin d’aller dans un pays européen, des malades devant se faire soigner en Egypte ou les internationaux comme moi qui ont fait une demande de visa auprès des ambassades d’Egypte de leur pays respectif.
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