Luc Mathieu, envoyé spécial pour Libération
Mis en ligne le 31/07/2012
Impassible face à l’excitation de ses combattants, Rifaat Khalil, estime, lui, que cette victoire ne vaut pas tant pour les chars récupérés que pour l’accès qu’elle donne à Alep. « Tous les villages au nord de la ville peuvent désormais être considérés comme libérés. Les civils pourront s’y réfugier. Et nous, nous pourrons chasser d’Alep les gangs d’Assad et les chabihas (NdlR: des miliciens du régime). Si la ville tombe, le régime suivra », affirme-t-il.
Alors que le régime a chassé les rebelles de la plupart des quartiers de Damas, Alep fait aujourd’hui figure de principale bataille de la guerre civile syrienne. Les insurgés ont pénétré dans la ville le 22 juillet, profitant de l’effet de surprise. Ils sont depuis visés par les bombardements des forces du régime qui ont encerclé plusieurs quartiers. Des milliers de civils ont quitté la ville pour se réfugier dans les villages alentours.
Dans son bureau installé dans un immeuble d’Anadane déserté par ses occupants, Ferzat Abdul Nasser affirme lui-aussi que la rébellion tient la région s’étirant entre Alep et la frontière turque. « Le régime ne contrôle plus que les airs », résume-t-il. La réalité est un peu plus nuancée, l’armée syrienne disposant toujours de deux bases, dont un aéroport. Elle contrôle également la route qui vient d’Idlib, à l’ouest, empruntée vendredi par les renforts envoyés à Alep. Mais les rebelles circulent quasi-librement sur les petites routes de montagnes, y compris celles qui traversent les zones kurdes récemment ralliées à la révolution. Ils peuvent aussi compter sur les trois postes frontières qu’ils ont conquis ces dernières semaines. Après plus d’un an de lutte armée dans la région, ils espèrent donc pouvoir s’appuyer sur une zone libre jouxtant la frontière turque.
La seule solution viable, selon eux, pour assurer leur approvisionnement en armes, téléphone satellite, nourriture et médicaments. Cette « zone libre » permettrait aussi d’accélérer les désertions au sein de l’armée. Avant de quitter leur poste, les officiers doivent mettre leur famille à l’abri pour la protéger des représailles du régime.
Au barrage d’Anadane, les combattants hurlent que la prochaine étape est la prise d’Alep. « C’est bon, on a nettoyé la région, on y va ! », crie un rebelle debout à l’arrière d’un pick-up en brandissant sa kalachnikov. Ferzat Abdul Nasser est plus circonspect, misant, sans en paraître persuadé, sur une victoire d’ici la fin du Ramadan, le 20 août.
Des explosions résonnent, l’armée syrienne continue de pilonner Alep, de l’autre côté de la colline. Personne ne semble s’en soucier. Jusqu’à ce que les bombardements se rapprochent. Un obus explose à 200 mètres, derrière la tente où des combattants viennent de récupérer un canapé en bois verni. Une autre détonation retentit, encore plus proche. Certains courent vers leur moto, d’autres remontent dans leur pick-up. L’armée a repéré leur fuite. Elle ajuste ses tirs. Un obus explose à quelques dizaines de mètres, soulevant des gerbes de terre. Les rebelles baissent la tête et accélèrent.

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