Afghanistan : en direct depuis le terrain


Lettre d’un ami médecin travaillant avec une mission humanitaire sur place

Chers amis,
 
Voilà quelques semaines de silence dû sans doute à un manque d’imagination ou une certaine lassitude, non pas celle de vous écrire, mais celle de décrire l’atmosphère pesante d’un hôpital de province qui se débat tant bien que mal avec les funestes conséquences d’une guerre interminable et inutile.

La semaine dernière, quatre bombes ont explosé simultanément dans la ville. Dans le jargon local, elles sont appelées IED (Improvised Explosive Device), et du fait de leur caractère artisanal, elles n’ont fait heureusement que peu de dégâts : trois morts et une vingtaine de blessés. Un plan catastrophe pour l’hôpital est prévu pour ce genre d’événement, mais il n’existe que sur papier. Je vous laisse deviner le désordre qui, une fois de plus, régnait dans l’hôpital !

Une autre réflexion est que la réalité est bien différente de celle des communiqués de l’IMF, assurant que, depuis la dernière offensive de l’OTAN, la province d’Helmand, bastion des talibans, est sous contrôle. Manifestement, la sécurité n’est pas assurée dans la région. Quant à la nôtre, si elle dépend de l’approbation, même tacite, de toutes les parties embarquées dans le conflit, elle dépend aussi de la bonne tenue de notre projet, à savoir procurer des soins de qualité à ceux qui en manquent le plus.
En Afghanistan, c’est un véritable défi, du fait des difficultés d’importation du matériel et médicaments indispensables, du profil bas que nous adoptons pour des raisons de sécurité, et du manque de ressources humaines pour mener à bien le projet.

L’Afghanistan n’est pas un pays très attractif pour les travailleurs humanitaires. Tous ces facteurs conjugués sont une source de frustrations, non seulement pour les expatriés, ce qui n’est pas encore trop grave, mais aussi pour tous ceux qui s’adressent à nous pour trouver quelques bonnes médecines. Se poser la question de savoir s’il existe encore un espace humanitaire aujourd’hui en Afghanistan n’est ni ridicule ni superflu.

Comme toujours, il y a quelques touches de lumière dans ce tableau un peu sombre. L’une est certainement l’accueil sincère que j’ai reçu de tous mes confrères afghans. Je m’imagine parfois à leur place et je m’interroge si, étant afghan, je serais prêt à collaborer aimablement avec une organisation occidentale, alors que mon pays est envahi par une coalition militaire de la même eau.

Si le degré de civilisation s’apprécie à la capacité de reconnaître l’humanité de l’autre, beaucoup d’Afghans, loin d’être les barbares que l’on croit, sont authentiquement civilisés.

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