L’EGYPTE A LA CROISEE DE TOUS LES DANGERS


Baudouin Loos

Petit commentaire sur l’Egypte

Rien ne va plus en Egypte. Un peu moins de deux ans après la révolution qui a chassé le dictateur Hosni Moubarak, le pays connaît à nouveau un climat quasi insurrectionnel. En cause, le comportement controversé du nouveau président, l’islamiste Mohamed Morsi, élu au printemps dernier au terme d’élections démocratiques.

Comportement controversé ? C’est un euphémisme. Lui qui avait d’abord semblé vouloir incarner, comme il le prétendait, le président « de tous les Egyptiens », s’est arrogé par décret, le 22 novembre, les derniers pouvoirs qui lui manquaient (essentiellement le contrôle du judiciaire). Puis, il a appelé la population à se prononcer par référendum dès le 15 décembre sur une nouvelle constitution hâtivement rédigée.


Les troubles qui ont alors éclaté en Egypte ont déjà fait couler le sang. Le discours du « raïs » prononcé jeudi soir était attendu par tout le pays. Las ! les nombreux détracteurs du président ont été déçus : Mohamed Morsi convie bien l’opposition au dialogue, mais il maintient son décret et le référendum. La tension reste donc au zénith et l’Egypte, divisée en deux, retient son souffle.


Pour nombre d’observateurs, tout se passe désormais comme si Morsi agissait surtout en tant que membre des Frères musulmans, les islamistes qui avaient remporté les élections d’avril avant que la Cour constitutionnelle ne les annule.


Habitués, pendant des décennies, à oeuvrer dans l’ombre sinon dans la clandestinité, les frères ont développé une mentalité d’assiégés voire de paranoïaques. Maintenant au faîte du pouvoir, ils tenteraient ainsi d’asseoir leur domination par les faits accomplis décrétés par « leur » homme, Mohamed Morsi.
Le projet de constitution en attesterait, pour d’aucuns. Certes, le président de la république ne cumulerait pas tous les pouvoirs ; certes, les salafistes n’ont pas obtenu l’imposition d’un code moral qu’ils exigeaient ; et certes enfin des atteintes aux droits de l’homme comme le recours à la torture y seraient proscrits.


Mais, en revanche, la protection assurée « à la vraie nature de la famille égyptienne », les procès militaires infligés à des civils qui demeurent possibles et d’autres dispositions en matière de presse, notamment, font craindre le pire quant au respect des libertés.


Si Morsi et son parti n’écoutent pas les protestataires, l’Egypte pourrait à nouveau connaître des heures très sombres.


Baudouin Loos
« Le Soir » du 8 décembre 2012

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