«L’affrontement israélo-arabe mobilise, la crise syrienne divise»


Nous avons interrogé le chercheur et politologue français François Burgat à propos du différentiel d’indignation exprimée s’agissant d’une part des intenses bombardements israéliens sur la bande de Gaza pendant quatre semaines et, de l’autre, des tueries quotidiennes en Syrie depuis trois ans.

On a rarement vu de telles mobilisations dans le monde en faveur des Gazaouis sous les bombes. Pourtant les révoltés syriens ont été victimes de massacres pires encore de la part du régime sans qu’on voie des foules indignées envahir les rues en Occident, pourquoi, à votre avis?

La dénonciation de la politique américano-israélienne unit. La lecture de la crise syrienne divise. L’affrontement israélo-arabe mobilise depuis toujours deux camps clairement identifiés, dont les acteurs et les argumentaires n’ont pas sensiblement évolué. Le camp dit «propalestinien» se superpose presque parfaitement à la vaste mouvance «anti-impérialiste», héritière d’une longue tradition d’opposition à la politique étrangère des États-Unis. La dénonciation de la politique israélienne est d’autant plus naturelle qu’elle a le plus souvent valeur de critique d’une classe politique qui, à droite comme à gauche, penche le plus souvent du côté israélien. Uni dans sa condamnation d’Israël et de ses alliés, ce camp «anti-impérialiste» est en revanche divisé moins sur la légitimité de l’opposition syrienne que sur la cohorte hétéroclite de ses alliés, arabes aussi bien qu’occidentaux. La révolte syrienne est en effet intervenue au lendemain d’un profond bouleversement de l’échiquier international. Celui qui a vu les diplomaties occidentales abandonner leur soutien inébranlable aux régimes autoritaires (en Tunisie et en Égypte notamment) pour mettre, assez cyniquement, leurs ambitions dans le panier du soutien aux révolutionnaires arabes. Le trouble généré par ce revirement a été accru par le fait que les Occidentaux, qui avaient boudé jusqu’à la dernière minute les protestations des Tunisiens et des Égyptiens, s’en sont pris pour inaugurer leur nouvelle politique à deux régimes (libyen et syrien) qui leur étaient tous deux traditionnellement hostiles, tout particulièrement sur la question palestinienne. Considérant qu’il a été en fait plus verbal qu’effectif (à la différence de celui de la Russie ou de l’Iran au régime), le soutien occidental s’est ainsi avéré plus préjudiciable qu’autre chose à l’opposition syrienne. On serait même tenté de dire qu’il a constitué à certains égards, pour l’opposition syrienne, un véritable «baiser de la mort». Nombreux sont les militants «anti-impérialistes» – tout particulièrement s’ils sont coupés du terrain syrien – qui hésitent en effet à joindre dans la lutte contre Bachar leurs efforts à ceux (Obama, Cameron, Hollande) qu’ils combattent depuis toujours. Comment aider des révolutionnaires si cela implique de se trouver dans le camp de Bernard Henri Lévy, pour ne rien dire de l’émir du Qatar ou du roi d’Arabie?

Il y a eu depuis trois ans beaucoup de condamnations verbales des horreurs en Syrie de la part des dirigeants de la «communauté internationale» et finalement assez peu à Gaza. La critique d’Israël reste contrainte?

C’est bien le problème. Nombre de militants hésitent à descendre dans la rue pour défendre l’opposition syrienne car ils ont le sentiment que cela revient à soutenir la politique de Hollande! Ils considèrent en quelque sorte qu’une mobilisation populaire aussi légitime que peut l’être la révolte syrienne est devenue infréquentable par le seul fait que des forces politiques illégitimes ont décidé d’essayer d’en tirer profit. Funeste est leur erreur d’analyse bien sûr, est-il besoin de le redire?

La critique d’Israël serait-elle contrainte…? Bien sûr et c’est peu dire! Journalistes, chercheurs, hommes politiques… La liste est longue de tous ceux qui pourraient témoigner des rigueurs multiformes de cette «contrainte»…

Les opinions publiques ne sont-elles pas troublées par l’apparition et par les succès des djihadistes en Syrie (et Irak), qui donnent de la révolte syrienne une image atroce (exécutions, crucifixions, etc.)?

Bien sûr! C’est en fait la question de l’islam politique tout entière qui est au cœur de la suspicion montante des Occidentaux à l’égard des printemps arabes. Sur le registre du «on vous l’avait bien dit», la très réelle et très inquiétante montée en puissance des djihadistes est seulement venue amplifier la réticence d’une écrasante majorité des opinions européennes à l’égard des élus des urnes des printemps arabes et partant, pour certains, à l’égard des printemps dans leur principe même. Nous n’avons sans doute pas assez pris conscience que le quasi-unanimisme européen (si tardif qu’il fût) devant le printemps tunisien était moins fondé sur la chute de Ben Ali que – supposément bien sûr, car l’erreur était de taille – sur la croyance que les islamistes, réputés absents des rangs des révolutionnaires, venaient de sortir de l’histoire.

Le paradoxe de la radicalisation djihadiste est qu’elle est en grande partie le résultat de nos atermoiements devant l’opposition modérée (et néanmoins islamiste car ces deux mots peuvent réellement aller de pair, il faut le redire sans se lasser) que nous avons refusé de soutenir efficacement. Notre réticence spontanée et viscérale vis-à-vis du Hamas ou la facilité avec laquelle nous avons accepté la déposition du président égyptien Mohammed Morsi en 2013 vont de pair avec notre suspicion précoce à l’égard du Conseil national syrien (opposition en exil), immédiatement jugé «trop proche des Frères musulmans». Les djihadistes, cela se fabrique. Le paradoxe de notre attitude vis-à-vis des islamistes est que notre rejet des plus modérés participe activement à la fabrication de leurs successeurs beaucoup plus radicaux.

Une partie des partisans de la cause palestinienne refuse de critiquer le régime syrien, qui prétend depuis toujours la défendre, que leur répondez-vous?

Je leur souhaite seulement d’aller exprimer leur point de vue dans les rues du camp palestinien de Yarmouk, à Damas, ou dans n’importe laquelle des villes que le régime syrien martyrise depuis trois ans sous les bombes et les obus. Ils prendraient alors la mesure de leur terrifiante erreur.

Propos recueillis par BAUDOUIN LOOS

Article paru dans Le Soir du 7 août 2014

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Egypte : le 3e procès du président destitué Morsi doit s’ouvrir


 

dimanche 16 février 2014, par La Rédaction

Le troisième des quatre procès intentés au président islamiste égyptien Mohamed Morsi, destitué début juillet par l’armée, doit s’ouvrir dimanche au Caire, pour « espionnage » en vue de mener des « actions terroristes ».
Au côté du seul chef de l’Etat jamais élu démocratiquement en Egypte, doivent comparaître 35 autres personnes, dont des dirigeants de sa confrérie des Frères musulmans qui avait remporté toutes les élections après la chute du régime de Hosni Moubarak début 2011. Les accusés encourent la peine de mort.
Ce nouvel épisode judiciaire intervient alors que le pouvoir mis en place par le chef de l’armée et nouvel homme fort égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, réprime dans le sang toute manifestation des pro-Morsi. En sept mois, plus de 1.400 personnes, des manifestants islamistes pour la plupart, ont été tuées, selon Amnesty international.
De même, plusieurs milliers de Frères musulmans, confrérie déclarée « organisation terroriste » par le nouveau pouvoir, ont été arrêtés depuis la destitution de M. Morsi le 3 juillet, dont la quasi-totalité de ses dirigeants qui, à l’instar du chef de l’Etat déchu, sont jugés dans divers procès pour lesquels ils encourent la peine capitale. Des « procès politiques », dénoncent les Frères musulmans mais aussi des organisations internationales de défense des droits de l’Homme.
Dans le procès de dimanche, les 36 accusés doivent comparaître pour « espionnage au profit de l’organisation internationale des Frères musulmans, de sa branche militaire et du Hamas », mouvement islamiste palestinien au pouvoir dans la bande de Gaza, frontalière de l’Egypte.
Certains sont directement accusés d’ »actes terroristes dans le pays visant ses biens et ses institutions » et d’avoir cherché à « semer le chaos (…) en s’alliant avec des groupes jihadistes ».
Le nouveau pouvoir, dirigé de facto par l’armée, accuse le Hamas —mouvement issu de la branche internationale des Frères musulmans— de soutenir la confrérie égyptienne et se livrer à des actes terroristes sur le sol égyptien

Egypte : le procès Morsi ou le risque de la dictature


Le procès du président déchu Mohamed Morsi et de quatorze autres hauts responsables des Frères musulmans doit débuter, lundi 4 novembre, en Egypte. Il se tiendra à la prison de Tora, dans la banlieue du Caire, sous la protection de 20 000 membres des forces de sécurité, mobilisés pour contenir la manifestation à laquelle a appelé la confrérie.

Les jours qui viennent s’annoncent donc comme une nouvelle étape à haut risque dans le chaotique et sanglant processus de transition en Egypte, inauguré par la révolution de 2011. Et il y a fort à craindre que le procès de l’ensemble de l’état-major des Frères – qui sont apparus comme la première force politique du pays à chacune des consultations libres organisées ces deux dernières années –, accentue encore un peu la polarisation de la société égyptienne entre les partisans de l’armée et ceux de la confrérie. Le démantèlement par la force des sit-in pro-Morsi du Caire avait déjà causé un millier de morts le 14 août.

Le procès de M. Morsi et de ses amis a toutes les chances de ressembler à une vengeance politique beaucoup plus qu’au nécessaire bilan d’une année de pouvoir (mal) exercé par les Frères musulmans, de leur victoire à l’élection présidentielle de juin 2012 jusqu’à la destitution du chef de l’Etat par l’armée, le 3 juillet 2013.

Lire En Egypte, les partisans de Mohamed Morsi victimes d’une chasse aux sorcières

Depuis ce coup d’Etat appelé de ses voeux par une large majorité d’Egyptiens, le gouvernement intérimaire, dominé par la figure écrasante du général Abdel Fattah Al-Sissi, voire par des figures revanchardes de l’ancien régime d’Hosni Moubarak, s’est attaché à démanteler méthodiquement la confrérie. Son association a été interdite par la justice en septembre, ses biens et avoirs financiers saisis. Sa façade politique, le Parti de la liberté et de la justice, est une coquille vide dont les principaux dirigeants sont sous les verrous. Deux mille militants ou plus seraient emprisonnés, toute expression publique de soutien à M. Morsi est criminalisée.

C’est un retour, non pas aux années de semi-clandestinité de l’ère Moubarak, mais à la persécution en vigueur sous Gamal Abdel Nasser, dans les années 1950-1960. Les timides appels au dialogue lancés par les Etats-Unis et l’Union européenne n’y changent rien. L’heure est à l’éradication, et le nouveau pouvoir égyptien a fait en sorte de n’avoir personne avec qui dialoguer.

Les Frères musulmans ont leur part de responsabilité dans ce désastre. Ils ont mené une politique clanique et intolérante, n’ayant de cesse, pendant un an, qu’ils prennent le contrôle de tous les leviers de l’Etat. Ils ont entretenu une confusion permanente entre la confrérie, le parti et les institutions publiques, à commencer par M. Morsi, qui s’est conduit en apparatchik plus qu’en chef d’Etat.

Mais lui faire subir un procès qui s’annonce comme une parodie n’est pas le meilleur moyen de restaurer la confiance des Egyptiens envers leurs institutions, en premier lieu la justice. Hosni Moubarak avait, lui aussi, été jugé après sa chute, en février 2011. Condamné à la prison à perpétuité, puis libéré, il est aujourd’hui assigné à résidence dans un hôpital militaire.

Comment s’étonner, dans ces conditions, que nombre d’Egyptiens ne voient dans le procès Morsi qu’une justice de vainqueurs. Et la démonstration que la révolution de la place Tahrir a accouché, à ce stade, d’un régime autoritaire, pour ne pas dire dictatorial.

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La violence contre les «frères»ne passe pas


Baudouin Loos
Mis en ligne il y a 3 heures

Depuis que l’armée égyptienne, avec l’appui d’une grande partie de la population, a déposé le 3 juillet le Frère musulman Mohamed Morsi qui avait été élu président démocratiquement un an plus tôt, deux carnages ont déjà eu lieu. Si le premier – 53 partisans de Morsi abattus le 8 juillet – avait été le fait de l’armée, celui de la nuit de vendredi à samedi – au moins 72 tués, peut-être beaucoup plus – a été perpétré par la police et des hommes en civil, toujours contre le clan des supporters du « raïs » islamiste déchu. Dans les deux cas, les victimes sont tombées sous les balles des armes à feu de leurs assassins.

Le malaise est grand. Criant. Les principales chancelleries dans le monde ont émis des communiqués faisant état de leurs inquiétudes, recommandant la retenue, etc.

Si l’on en juge par les mobilisations populaires des 30 juin et 26 juillet, Mohamed Morsi ne disposait certainement plus de l’appui de la population. Des millions de gens sont descendus deux fois dans les rues pour clamer d’abord leur exigence de voir le « raïs » se retirer, ensuite, ce vendredi, pour donner à l’armée le « mandat » que son chef, le général Al-Sissi, lui demandait pour « en finir avec le terrorisme et la violence ».

Les Egyptiens qui manifestent contre Morsi et son clan se disent mus par un élan démocratique. Rien ne permet d’en douter. Sauf qu’on n’impose pas la démocratie en tirant à balles réelles sur ses ennemis, fussent-ils considérés comme nuisibles et intolérants.

Il n’est en effet guère contestable que le comportement hégémonique, sectaire et parfois violent du président Morsi et des siens avait engendré un immense sentiment populaire de rejet. Mais la méthode ne passe pas.

Il y a une très douteuse surenchère de la violence de la part de l’armée qui détient à nouveau le pouvoir. Qui connaît d’ailleurs le nom du président par intérim, Adli Mansour, ex-président de la Cour constitutionnelle ? Qu’exerce-t-il comme pouvoir ? Poser la question c’est y répondre. Celui qui tire les ficelles s’appelle donc Abdel Fattah al-Sissi. Ce général est l’homme fort de l’armée, de l’Egypte désormais. Nombre d’Egyptiens qui se sont levés en masse contre Mohamed Morsi et les Frères musulmans lui accordent une confiance aveugle. Les deux carnages qui ont déjà eu lieu depuis le « coup » contre Mohamed Morsi montrent qu’ils auraient sans doute intérêt à chercher une « troisième voie », entre l’intolérance des Frères et la violence de l’armée.

Égypte : L’armée suspend la Constitution, démet Mohamed Morsi


LE CAIRE (Reuters) – L’armée a repris mercredi la place qu’elle a longtemps occupée au centre du jeu politique en Egypte, annonçant la mise à l’écart du président Mohamed Morsi et la suspension temporaire de la Constitution afin de trouver une solution à la crise que traverse le pays.

 

L’annonce de ces mesures d’exception a été faite à la télévision nationale par le général Abdel Fatah al Sissi, chef de l’état-major, à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de l’opposition et des communautés religieuses ainsi qu’avec les représentants des mouvements de jeunesse.

 

Ces décisions mettent fin à une année d’exercice du pouvoir par les Frères musulmans et ouvrent une période de transition politique qui doit conduire à de nouvelles élections présidentielle et parlementaires dans un délai restreint.

 

L’armée, qui se tenait en retrait des coulisses du pouvoir depuis quelques mois, a démontré qu’elle demeurait un acteur institutionnel majeur lors de cette journée à rebondissements.

 

Les militaires avaient donné au chef de l’Etat jusqu’à 17h00 pour répondre aux attentes des centaines de milliers de manifestants réclamant son départ depuis plusieurs jours.

 

A l’expiration de ce délai, et alors qu’aucun accord n’avait été trouvé, les choses se sont accélérées.

 

L’armée a d’abord pris position dans plusieurs lieux stratégiques du Caire, près du palais présidentiel et devant le siège de la télévision nationale.

 

Elle a ensuite apporté son soutien à la « feuille de route » mise au point par l’opposition, les dignitaires religieux et les organisations de la jeunesse.

 

Enfin, forte de l’appui d’une large partie de la population, elle a informé Mohamed Morsi qu’il n’était plus président de l’Egypte, un an après avoir été démocratiquement élu.

RÉVISER LA CONSTITUTION

Dans son allocution télévisée, Abdel Fatah al Sissi a précisé que le président de la Haute cour constitutionnelle allait devenir chef de l’Etat par intérim en remplacement de Mohamed Morsi. La prestation de serment est attendue jeudi.

Il reviendra au nouveau président, doté du pouvoir de gouverner par décrets, de désigner un gouvernement de technocrates pendant la période de transition.

Au cours de cette période, une commission sera chargée de réviser la Constitution, a ajouté le général Al Sissi.

Par ailleurs, le militaire a annoncé la création d’un comité de réconciliation nationale incluant les mouvements de la jeunesse, en pointe dans la contestation contre Mohamed Morsi.

Ces dispositions ont été approuvées par les dirigeants religieux, le grand cheikh de la mosquée Al Azhar et le patriarche de l’Eglise copte, Théodore II, ainsi que par le chef de file de l’opposition Mohamed ElBaradeï.

Ce dernier est lui aussi intervenu à la télévision pour appeler de ses voeux une élection présidentielle anticipée. Selon lui, la révolution du Nil qui avait été confisquée par les Frères musulmans dont était issu Mohamed Morsi a été relancée par les militaires.

Le calendrier des prochaines échéances électorales sera déterminé par le gouvernement intérimaire, a indiqué un porte-parole de l’armée.

Le parti Nour, deuxième formation islamiste d’Egypte, a annoncé qu’il soutenait la feuille de route afin d’éviter un conflit au pays.

LIESSE SUR LA PLACE TAHRIR

L’annonce d’Abdel Fatah al Sissi a été accueillie par des cris de joie et des scènes de liesse sur la place Tahrir au Caire où se rassemblaient les anti-Morsi. « Le peuple et l’armée sont unis comme les doigts de la main », chantaient les manifestants.

« Nous avions chassé un dictateur, nous en avons chassé un deuxième. Nous recommencerons si cela est nécessaire. Nous avons de l’expérience maintenant », expliquait un manifestant installé dans un café près de la place Tahrir.

De son côté, Mohamed Morsi a dénoncé sur son compte Facebook un « coup d’Etat militaire » et ses partisans, réunis dans la banlieue du Caire, ont réagi avec colère, certains arrachant des pavés et dénonçant les annonces d’Al Sissi comme « nulles ».

Pro et anti-Morsi se sont affrontés à Alexandrie dans la soirée où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins.

Un responsable de la police locale a indiqué que des renforts avaient été appelés et que les forces de l’ordre contrôlaient la situation.

Des heurts entre les deux camps auraient fait quatre morts à Marsa Matrouh dans le nord du pays où se sont déployées des forces de sécurité, a indiqué le gouverneur de la région.

Par ailleurs, la chaîne de télévision Egypt25 des Frères musulmans a été suspendue de diffusion et ses dirigeants ont été arrêtés, a rapporté l’agence de presse Mena.

Mohamed Morsi se trouvait, lui, dans une caserne de la Garde républicaine sans que l’on sache s’il était détenu ou restait libre de ses mouvements.

Selon des témoins, les soldats ont dressé des barrières et ont installé des fils de fer barbelés autour de la caserne.

Dans la journée, Mohamed Morsi et de hauts responsables des Frères musulmans s’étaient vu interdire tout déplacement hors d’Egypte.

Dans un message adressé à ses partisans, le chef de l’Etat a appelé à résister pacifiquement « au coup d’Etat militaire » et à ne pas avoir recours à la violence contre les soldats.

Les Etats-Unis se montrent pour l’instant discrets face aux événements en Egypte, ni la Maison blanche, ni le département d’Etat n’ayant fait de commentaire sur le rôle des militaires dans ce basculement politique.

Amr Dalsh et Asma Alshari, Jean-Philippe Lefief et Pierre Sérisier pour le service français

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L’EGYPTE A LA CROISEE DE TOUS LES DANGERS


Baudouin Loos

Petit commentaire sur l’Egypte

Rien ne va plus en Egypte. Un peu moins de deux ans après la révolution qui a chassé le dictateur Hosni Moubarak, le pays connaît à nouveau un climat quasi insurrectionnel. En cause, le comportement controversé du nouveau président, l’islamiste Mohamed Morsi, élu au printemps dernier au terme d’élections démocratiques.

Comportement controversé ? C’est un euphémisme. Lui qui avait d’abord semblé vouloir incarner, comme il le prétendait, le président « de tous les Egyptiens », s’est arrogé par décret, le 22 novembre, les derniers pouvoirs qui lui manquaient (essentiellement le contrôle du judiciaire). Puis, il a appelé la population à se prononcer par référendum dès le 15 décembre sur une nouvelle constitution hâtivement rédigée.


Les troubles qui ont alors éclaté en Egypte ont déjà fait couler le sang. Le discours du « raïs » prononcé jeudi soir était attendu par tout le pays. Las ! les nombreux détracteurs du président ont été déçus : Mohamed Morsi convie bien l’opposition au dialogue, mais il maintient son décret et le référendum. La tension reste donc au zénith et l’Egypte, divisée en deux, retient son souffle.


Pour nombre d’observateurs, tout se passe désormais comme si Morsi agissait surtout en tant que membre des Frères musulmans, les islamistes qui avaient remporté les élections d’avril avant que la Cour constitutionnelle ne les annule.


Habitués, pendant des décennies, à oeuvrer dans l’ombre sinon dans la clandestinité, les frères ont développé une mentalité d’assiégés voire de paranoïaques. Maintenant au faîte du pouvoir, ils tenteraient ainsi d’asseoir leur domination par les faits accomplis décrétés par « leur » homme, Mohamed Morsi.
Le projet de constitution en attesterait, pour d’aucuns. Certes, le président de la république ne cumulerait pas tous les pouvoirs ; certes, les salafistes n’ont pas obtenu l’imposition d’un code moral qu’ils exigeaient ; et certes enfin des atteintes aux droits de l’homme comme le recours à la torture y seraient proscrits.


Mais, en revanche, la protection assurée « à la vraie nature de la famille égyptienne », les procès militaires infligés à des civils qui demeurent possibles et d’autres dispositions en matière de presse, notamment, font craindre le pire quant au respect des libertés.


Si Morsi et son parti n’écoutent pas les protestataires, l’Egypte pourrait à nouveau connaître des heures très sombres.


Baudouin Loos
« Le Soir » du 8 décembre 2012