Il y aura sans doute bientôt de nombreuses places et rues « Mohamed Bouazizi » en Tunisie. C’est le nom du diplômé chômeur qui s’est immolé par le feu le 17 décembre dernier à Sidi Bouzid, dans le centre du pays. Son terrible geste désespéré n’aura pas été vain. Il aura été le petit événement qui précipita le cours de la grande Histoire.
Après, en quelques semaines, le peuple tunisien s’est pris en main. Sans l’aide de personne. Il a fait sa révolution. La première révolution populaire arabe ! Au courage. Face aux balles qui fusaient. Près de cent morts, sans doute, et aussi cinq autres suicides.
Ce qu’il adviendra de cette révolution reste à écrire. Mais les Européens, eux, n’auront pas bougé. Soit qu’ils cachaient un (très vague) sentiment de culpabilité. Soit qu’ils se cabraient dans une posture scandaleuse. Comment qualifier autrement les propos de la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui proposait, il y a trois jours à peine, la collaboration de la police de son pays aux forces de l’ordre tunisiennes pour « régler les situations sécuritaires » ? Quelle déconnexion inouïe avec la réalité du terrain, à moins que cela ne soit de l’expression d’une incompétence coupable. Ou d’un cynisme incommensurable.
Les dernières convulsions du dictateur blessé à mort auront été pathétiques. Pour la population, en tout cas sa grande majorité, la tentation était trop grande de pousser son avantage jusqu’à son terme, malgré les risques physiques que cette audace implique. Car dès que leur président a commencé à lâcher du lest, à offrir des concessions auxquelles personne ne croyait d’ailleurs plus, les Tunisiens n’ont plus eu qu’un seul scénario en tête, à l’exclusion absolue de tous les autres : le départ de Ben Ali et de sa clique de prédateurs.
C’est chose faite. Les démocrates de Tunisie – ils y sont nombreux – et ceux du reste du monde peuvent s’en féliciter sans retenue. Même si l’avenir n’est pas garanti.
Le pays du jasmin compte assez de fils et de filles qui chérissent les valeurs des droits de l’homme pour que l’horizon qui pointe inspire l’enthousiasme. La tâche est exaltante, puissions-nous y contribuer. Et si la Tunisie devenait le premier pays arabe démocratique ?

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