Razan Ghazzawi, « blogueuse courage » de la révolte syrienne


L’Orient-le-Jour/AFP – 18 décembre 2011

Elle animait un blog en Syrie sous son vrai nom, au vu et au su du régime de Bachar al-Assad. Depuis le 5 décembre, Razan Ghazzawi croupit en prison, « punie » pour son militantisme sans concession.

« C’est une fille courageuse et très passionnée« , affirme à l’AFP « Abir », une militante libanaise des droits de l’Homme et amie de Razan qui préfère utiliser un pseudonyme.

Cette blogueuse américano-syrienne de 31 ans, accusée d’avoir « affaibli le sentiment national« , « créé une organisation qui vise à changer le statut social et économique de l’Etat » et « ravivé les dissensions confessionnelles« , selon le Centre syrien pour l’information et la liberté d’expression. Elle est passible de trois à quinze ans de prison. Son cas rappelle ceux de blogueurs détenus en Egypte : Maïkel Nabil, condamné à deux ans de prison pour avoir critiqué les forces armées ou Alaa Abdelfattah, toujours en détention préventive.

Trois jours avant son arrestation, à l’occasion d’un « vendredi de la colère » en Syrie, cette brune aux cheveux courts avait écrit sur son compte Twitter (@RedRazan): « Mon Dieu, faites en sorte que ça soit le dernier vendredi avec le régime du (parti) Baas au pouvoir« . Sympathisante de gauche et de la cause palestinienne, féministe, Razan Ghazzawi animait depuis 2009 un blog, « Razaniyyat » –les pensées de Razan– et était très active sur Twitter, à l’image des milliers de jeunes, moteurs du « printemps arabe » en particulier à travers les réseaux sociaux. « Appeler Assad à quitter le pouvoir est la seule façon de sauver la Syrie de la guerre civile et de la domination de l’Otan« , écrivait-elle le 2 décembre.

« C’est une blogueuse qui ne mâche pas ses mots, elle a fait son travail avec courage et ils la punissent pour cela« , estime Nadim Houry, de Human Rights Watch (HRW) à Beyrouth. « Il est évident que le régime d’Assad ne tolère aucune forme de dissension et il le prouve jour après jour« , ajoute-t-il.

Razan Ghazzawi a été arrêtée le 5 décembre alors qu’elle se rendait à Amman pour assister à un forum sur la défense du droit d’informer. D’après les informations publiées sur Twitter par sa soeur Nadine, elle a été transférée deux jours plus tard à la prison d’Adra à Damas, et sa famille s’inquiète du risque de torture, alors que l’examen de son cas est repoussé de jour en jour.

« Je m’attendais à ce qu’elle soit arrêtée à tout moment, vu qu’elle n’utilisait pas de pseudonyme« , affirme « Abir », qui l’a rencontrée en 2007 au Liban où Razan, déjà diplômée en littérature anglaise à Damas, préparait un master à l’Université de Balamand. Ses amis insistent sur son « audace » face à un régime qui surveille de près la toile, alors que la répression du soulèvement populaire entamé mi-mars a fait plus de 5.000 morts selon une estimation de l’ONU. « Elle insistait pour écrire son blog sous son vrai nom, affirmant que le régime ne l’intimiderait pas« , raconte « Hoda », une autre militante libanaise qui a requis l’anonymat. D’après elle, la jeune Syrienne militait sur tous les fronts, et a même fait un séjour en Egypte où elle a participé à des manifestations sur la place Tahrir au Caire, emblématique de la révolte qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak en février. Selon un proche de Razan qui a requis l’anonymat, « son arrestation signifie que les gens qui +pensent+ ne sont pas les bienvenus en Syrie« .

Quelques jours avant son arrestation, elle tweetait, comme dans un pressentiment : « Si quelque chose m’arrive,je veux que vous sachiez : le régime n’a pas peur des détenus, mais de ceux qui n’oublient pas les détenus« .

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