Maison de l’Image au Pathé-Palace


IN MEMORIAM
10e anniversaire des funérailles de la Maison de l’Image au Pathé-Palace

C’est fou comme le temps passe, non? Déjà dix ans qu’a débuté cette triste pantalonnade!

Pourtant, rien ne laissait prévoir un tel « sur place » quand le Ministère de la Communauté Wallonie-Bruxelles, dont j’étais l’expert pour l’audiovisuel, lança une étude pour décider de la destination future du bâtiment du “Pathé-Palace” que le Théâtre National allait quitter en 2004.
Après analyse de la situation de la distribution cinématographique « art et essai » à Bruxelles et consultation de nombreux professionnels, le dossier “Maison de l’Image”, élaboré avec l’aide de spécialistes de l’audiovisuel, était remis aux responsables administratifs et politiques.
On était en 2003!

Depuis lors, on a assisté à une longue et pitoyable saga, truffée de manœuvres tortueuses, de déclarations doucereuses et de silences hypocrites… jusqu’à aujourd’hui.
Le contenu de la « Lettre ouverte au Secrétaire Général » de septembre 2005 , dénonçant les incohérences et irrégularités de ce dossier, n’a jamais été dénoncé ou contredit.
Cette lettre s’est, bien malheureusement, révélée prémonitoire. (voir le texte ici)


C’était pourtant un bien beau projet!
Son concept novateur – une sorte de « Maison de la Culture » dédiée au cinéma – répondait aux principales attentes des gens de l’image et offrait une vitrine internationale à notre cinéma.
Il multipliait notamment les possibilités de collaboration entre nos producteurs (Bruxellois, Flamands et Wallons) et ceux des pays de l’Union européenne.
Il proposait aussi un fonctionnement participatif, un soutien aux distributeurs et festivals belges, des activités pédagogiques, des expositions, des rencontres de coproduction, une vidéothèque publique des productions belges, un centre de recherche pour les cinéastes… etc.
De nombreux professionnels étrangers et certains organismes de l’Union européenne encourageaient cette initiative et s’étaient engagés à lui apporter leur collaboration, des associations demandaient à venir s’y installer, plusieurs pays offraient même de financer des événements pour la promotion de leur cinéma national, un important fabricant de matériel audiovisuel envisageait d’intervenir comme sponsor dans l’équipement technique des salles…
Bref, ce devait être une belle et forte « Maison » conçue pour être à la fois au service de notre cinéma, et, s’appuyant sur la position privilégiée de Bruxelles « capitale de l’Europe », profitable aux autres cinématographies du continent.
Le Ministre-Président de l’époque était enthousiaste et soutenait publiquement ce projet prometteur.
L’avenir semblait tracé : une fois les locaux remis en état après le départ du Théâtre National — un expert estimait alors le coût des travaux à un million d’Euros, montant semblable à celui engagé en 2001 pour les transformations en théâtre — et après les quelques mois nécessaires pour réunir l’équipe d’animation et préparer le programme d’activités, la « Maison de l’Image » allait pouvoir ouvrir ses portes.

Mais… C’était sans tenir compte du “dessous des cartes“.
Les concepteurs de la « Maison de l’Image » ignoraient que certains responsables de la Communauté française manoeuvraient en coulisse pour que le bâtiment soit attribué à une société de distribution qui leur était proche.
Alors?… Alors la machine partisane se mit en branle pour éliminer ce projet qui contrecarrait leur plan.
Le Secrétaire général du Ministère récupéra – « confisqua » est plus approprié – le dossier et négocia une « remise à zéro des compteurs » avec le Ministre-Président qui mit une sourdine à son soutien au projet « Maison » et accepta de lancer un appel d’offre en direction du secteur privé.
Le principal danger étant ainsi écarté, restait à bien s’organiser pour terminer le travail.
On appela à la rescousse quelques personnalités « glamour » pour renforcer l’entreprise chère aux amis et une « commission de sélection » concoctée et présidée par le Secrétaire général lui-même décidera, bien entendu, d’attribuer le Pathé-Palace au projet… prévu.
« Emballez! C’est pesé! »
On était au printemps 2004!

Depuis? Rien ne bouge!
… Et le magnifique immeuble classé « Art Nouveau » se dégrade un peu plus chaque année.
Cause principale de ce fiasco?
Comme en témoignent les archives, à la disposition de qui serait intéressé, le projet élu était « bidon »!
Il ne répondait pas, entre autres « lacunes », à plusieurs obligations, pourtant clairement stipulées dans le cahier de charges, et, surtout, présentait un budget de fonctionnement… absurde!
Les responsables de l’attribution avaient été informés de ces carences et infractions à la loi, mais ils décidèrent de ne pas en tenir compte… Choisirent donc délibérément de ne pas respecter leurs propres règles!
Sans doute espéraient-ils « rafistoler les choses » plus tard…discrètement.

Mais les failles du projet choisi étaient considérables et le trou financier… plus qu’appréciable.
Alors? De mois en mois, d’année en année, on reporta, on postposa, on ajourna… histoire sans doute d’occulter ce « petit arrangement entre amis » qui avait foiré.
Fin 2006, le projet initial subit même une véritable métamorphose.
Plus question de simple remise en état du bâtiment, c’est carrément un plan de modification architecturale que lança alors le Ministère : création de nouvelles salles, transformation d’espaces, etc.
Ainsi, les modalités de l’appel d’offre de 2004 devenaient obsolètes et cette refonte majeure du projet aurait du, logiquement et légalement, entraîner un nouvel appel à proposition.
Il n’en fut rien, évidemment… Pourquoi être logique et respecter les règles?
Après quelques autres épisodes assez vaudevillesques, 2012 voit le début de premiers travaux.
On chuchote que cette rénovation coûtera plus de neuf millions d’Euros… pour un bâtiment acheté cinq!

Que faire devant ce consternant gâchis?
Se plaindre? Se moquer? Se résigner? S’attrister?
Tourner le dos à cette médiocrité et, comme moi, passer à autre chose?
Aller accrocher un bouquet de chrysanthèmes à la grille de ce qui aurait pu être un bel instrument au service des cinéastes et des cultures, et qui deviendra au mieux, à une date indéterminée, un simple  mais coûteux complexe de cinéma, concurrent de celui des galeries St-Hubert ou de la place De Brouckère?

Dix longues années que, pour des motivations politiciennes et mercantiles, les gens de cinéma et de culture sont dépossédés d’un outil essentiel pour leur développement.
N’est-il pas grand temps de… s’indigner?

IN MEMORIAM de ce qui n’est plus qu’un « problème » pour des mandataires politiques bien plus concernés par leurs privilèges que par leur mission.
Mais pas d’inquiétude, dormez tranquille! La loi ne punit pas l’incompétence en matière culturelle, ni l’absence d’éthique.
Quant à la dignité de certains professionnels de l’audiovisuel…

Rudi Barnet

Coordinateur de Wallonie-Bruxelles Images (1983 à 1991 & 1993 à 1996)
Fondateur et animateur de EuroAim (Programme Media 1 de l’UE)
Co-fondateur de EFP (European Film Promotion)
Directeur du Festival de San Sebastian (1991 et 1992)
Expert pour l’Audiovisuel du Ministère de la Communauté Française (1996 à 2004)
Concepteur de « Wallimage »
Co-fondateur de « Cap Network »

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