Slaheddine Jourchi: « Les Tunisiens n’accepteront plus un régime dictatorial »


BAUDOUIN LOOS

lundi 01 octobre 2012, 11:58

Rencontre avec un « sage » de Tunisie: Slaheddine Jourchi est un homme libre qui compte à Tunis. Il tire pour Le Soir un bilan de la jeune expérience démocratique tunisienne et donne ses conseils…

Slaheddine Jourchi: « Les Tunisiens n'accepteront plus un régime dictatorial »

Slaheddine Jourchi n’a pas attendu ses 58 ans pour être un des intellectuels les plus respectés en Tunisie. Acteur de la mouvance islamiste dès les années 70, il a très tôt pris ses distances avec les partis islamistes dont il avait été l’un des membres créateurs (MTI puis Ennahda) pour se consacrer aux droits de l’homme (il fut le premier vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, la plus ancienne d’Afrique), à la réflexion politique et au journalisme. Invité par le Brussels Press Club Europe la semaine dernière, nous avons rencontré celui qui a refusé toute position officielle après la révolution qui a chassé Ben Ali l’an passé.

Comment appréciez-vous la performance des islamistes d’Ennahda qui dirigent le gouvernement depuis décembre dernier, on dit qu’ils sont déjà grisés par le pouvoir ?

Ennahda ne ressemble pas aux Frères musulmans, on peut dire qu’il s’agit là du parti le plus modéré dans la mouvance islamiste. Mais, maintenant qu’il est au pouvoir, il convient certes de le critiquer et d’éviter qu’on reproduise un régime autoritaire. Je ne dis pas qu’on en est là, mais il y a des symptômes. De toute façon, les Tunisiens n’accepteront plus un régime comme celui de Ben Ali (dictature au pouvoir de 1987 à 2011, NDLR); il faudrait beaucoup, désormais, pour faire taire les citoyens. En outre, le paysage politique tunisien est maintenant fragmenté, les partis opposés à Ennahda – qui ne peut gouverner seul – sont nombreux, la société civile a pris de l’importance, et notamment les syndicats. Le changement politique est structurel.

Quel bilan tireriez-vous des vingt premiers mois après la révolution?

Il y a des acquis. Le premier, ce sont les libertés. Liberté d’expression, liberté d’association, liberté de créer de partis politiques. C’est important pour l’existence de contrepouvoirs. Mais, en même temps, nous nous trouvons devant de grands défis, j’en vois au moins trois. Le défi économique et social, d’abord: la situation est très fragile, le malaise social est patent avec 800.000 chômeurs, la hausse des prix, etc. Le gouvernement n’a pas la possibilité de trouver des solutions rapides. D’autant que la Tunisie est victime du modèle de développement néolibéral adopté jusqu’ici. N’oublions pas que la révolution était avant tout sociale!

Le second défi est politique. Comment préserver les acquis, nos libertés? Il faut des partis qui possèdent un réel ancrage populaire. A ce critère, Ennahda apparaît comme le plus structuré et le plus lié à la population, comparé aux autres formations politiques, modernistes, laïques, qui n’ont pas le même poids, qui sont mal organisées, qui sont coupées des réalités. Or il n’est pas de régime démocratique sans opposition solide.

Le troisième défi se situe dans le culturel: nous n’avons pas de culture révolutionnaire, il y a comme un vide au niveau des idées, surtout dans la sphère religieuse. Du coup, le mouvement salafiste, réactionnaire dans ses fondements idéologiques, devient un problème pour Ennahda et pour les laïcs, il se développe en raison du vide culturel et profite aussi de l’absence de justice sociale – ses bastions se situent d’ailleurs dans les quartiers les plus pauvres. C’est le fruit du modèle économique imposé à la Tunisie par la Banque mondiale et autres…

Pas mal de Tunisiens reprochent amèrement à Ennahda de ne pas agir avec fermeté contre les excès violents des salafistes…

Je dirais deux choses. D’abord, les dirigeants d’Ennahda et surtout son chef Rachid Ghannouchi croient que les jeunes salafistes font partie intégrante de la mouvance islamiste et espèrent pouvoir les intégrer par le dialogue. Ces salafistes sont par ailleurs divisés entre ceux qui accepteraient bien le jeu politique et ceux qui le refusent totalement. Ensuite, Ghannouchi estime important d’éviter une situation de confrontation au sein de la même famille. Là, le problème est que l’agenda des jihadistes (les plus radicaux parmi les salafistes, NDLR) n’a rien à voir avec celui d’Ennahda.

J’ajouterais que le grand parti islamiste n’est lui-même pas monolithique. Vous avez le ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh, qui est peu apprécié des salafistes quand il prône la fermeté contre ceux qui se situent hors du champ de la loi car il estime qu’ils mettent ainsi les lois et les libertés en danger. Vous avez par ailleurs des responsables d’Ennahda proches des salafistes qui essaient d’encadrer ce mouvement… sans y parvenir.

Que faut-il faire face à cette mouvance radicale?

Je ne suis pas au pouvoir mais il me semble que trois choses sont à faire:

Mettre de l’ordre: si quelques individus mettent le pays en danger, il faut appliquer les lois sinon l’Etat s’affaiblit; le risque va jusqu’à voir des mouvements comme Al-Qaïda au Maghreb utiliser notre pays, que nous devenions le terrain de tous les trafics d’armes régionaux, etc. Ce n’est pas par hasard que le ministre américain de la Défense est venu à Tunis il y a une dizaine de jours. Le gouvernement doit se montrer ferme.

Dialoguer avec les salafistes. On ne peut se contenter d’une approche purement sécuritaire comme Ben Ali, on a vu son échec, il a amené les opprimés au pouvoir. Ce dialogue n’est pas impossible: certes ces gens sont aidés par des organisations hors du pays, mais ce sont des Tunisiens, ce sont des jeunes, il faut essayer de les encadrer.

Le problème de base se situe dans le socio-économique évoqué plus haut; des régions appauvries présentent des problèmes gigantesques, si on ne s’y attaque pas de front, le danger salafiste deviendra énorme dans les dix ans.

Que reste-t-il de l’ancien régime dictatorial, des membres de ce régime conservent-ils un pouvoir de nuisance?

Certains RCDistes (membres du RCD, ex-parti quasi unique de Ben Ali, NDLR) ont réussi à s’intégrer dans la vie politique, il y en a même à Ennahda. On dit alors qu’il s’agit de gens qui avaient les mains propres. D’autres, en revanche, essaient d’agir de manière souterraine pour mettre des bâtons dans les roues, par exemple en encourageant et payant des jeunes chômeurs pour qu’ils créent des troubles, mettent le feu à des bâtiments officiels, bref, entretiennent un climat antigouvernemental. La troisième catégorie reste en dehors du jeu. Je dirais qu’on ne peut ostraciser un million et demi de citoyens parce qu’ils ont peu ou prou collaboré avec le régime défunt, la paix civile est en jeu, évitons la funeste expérience irakienne. Ce qui ne veut pas dire pardonner aux corrompus: nombreux sont ceux qui sont libres parce que la justice transitionnelle n’est pas au point. L’instauration d’une justice indépendante reste un besoin. De même, la rénovation du secteur policier n’est pas faite structurellement, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

L’affaire du viol par trois policiers d’une Tunisienne qui se retrouve elle-même accusée d’attentat à la pudeur fait actuellement beaucoup de bruit…

Oui, cela montre que la police doit être réformée de manière scientifique, l’image du pays en dépend, mais je ne suis pas sûr que le gouvernement actuel peut faire cette révolution au sein de la police. Un dialogue national avec la société civile et la police est nécessaire: on demande beaucoup des forces de l’ordre au niveau des salafistes et de la criminalité alors que la situation socio-professionnelle des policiers est elle-même fort dégradée.

Certains pensent que ce gouvernement est déjà à bout de souffle…

Il passe par une période très difficile, il a perdu beaucoup de crédit. Un renouveau, un remaniement pourrait concerner d’autres partis ou ferait entrer des technocrates confirmés au gouvernement – nous en avons beaucoup! Ce gouvernement manque de vision et d’une feuille de route pour les six prochains mois. Il devrait s’ouvrir, encadrer un dialogue national avec les nombreux acteurs pour le moment écartés comme les syndicats, les associations de la société civile, les hommes d’affaires, les partis politiques, etc. Sinon, on court à l’échec et les partis au pouvoir en paieront le prix aux élections.

Le 23 octobre, il y aura un an que les élections ont eu lieu. Le gouvernement doit-il s’effacer?

C’est une date symbolique. Ennahda et dix autres partis avaient signé avant ces élections un texte assurant qu’un an serait suffisant pour organiser des élections présidentielles et législatives. Sur le plan de la légalité constitutionnelle, les juristes disent que seule l’Assemblée constituante est habilitée à prononcer sur la date des élections. En tout cas, je crois que le gouvernement a le devoir de dire aux Tunisiens quand les élections auront lieu. Ce sera sans doute le résultat des pressions des partis politiques et de la société civile. L’Assemblée constituante colporte une mauvaise image d’elle-même car on y voit beaucoup de discussions vides ou de disputes entre pas mal d’élus inexpérimentés et dénués de culture politique. Encore une fois, c’est la pression de la société civile qui doit jouer un rôle majeur pour que les Tunisiens se dotent d’une constitution consensuelle; on l’a vu quand la mobilisation a réussi à retirer un mot, « complémentarité », qu’Ennahda voulait accoler dans la constitution au statut de la femme par rapport à l’homme, au lieu du mot égalité, finalement choisi.

Croyez-vous que le président Moncef Marzouki et le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar ont eu tort d’associer leurs partis à Ennahda au pouvoir? On reproche au président, par exemple, d’avoir accepté un poste sans réels pouvoirs…

Cette coalition était positive, je crois. Son point faible est qu’elle n’assure pas l’égalité entre les partenaires, pourtant Ennahda a plus besoin de ses partenaires que l’inverse. Quant à Marzouki, il n’a pas la confiance de l’élite intellectuelle qui le critique farouchement car il n’est pas arrivé à trouver un équilibre entre son rôle de président et son statut d’homme libre et de défenseur des droits de l’homme. C’est pourquoi, dans ce pays qui a une longue tradition de présidents forts, il s’est retrouvé plusieurs fois en porte-à-faux.

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Réfugiés syriens: après l’horreur, comment se reconstruire?


 

Par Clothilde Mraffko, publié le 01/10/2012 à 16:56, mis à jour à 17:19

 

En Syrie, la brutale répression du régime de Damas a transformé la révolution en bain de sang. Pour les réfugiés qui ont pu fuir à l’étranger, la violence ne cesse jamais. L’Express a rencontré des médecins qui viennent en aide aux victimes de violences.

Réfugiés syriens: après l'horreur, comment se reconstruire?
SYRIE – Les camps installés aux frontières du pays, comme à Mafraq en Jordanie, accueillent les réfugiés. Outre l’épreuve de la vie entassés dans des tentes exposées à la poussière, sans eau courante, ni électricité, il faut essayer de se reconstruire après avoir vécu dans la peur.

Reuters/Ali Jarekji

 

Le périple peut durer des semaines. Sans provisions d’eau ni de nourriture, les civils syriens qui fuient la répression n’ont pour seul bagage que la peur. Ils voyagent de nuit, feux éteints afin de ne pas se faire repérer par les milices du régime de Bachar el-Assad. Aujourd’hui, ceux qui parviennent à s’extraire du chaos syrien s’échouent à la frontière libanaise, turque ou jordanienne. La plupart sont des femmes et des enfants qui ont laissé leur mari, leur père ou leur frère dans l’horreur des combats. Ils ont été témoins d’exactions, ils ont vu les bombardements et le déchaînement de violence. Parfois, ils en ont été eux-mêmes les victimes.

Après la fuite, arrivés à l’étranger, il leur faut survivre dans des camps dispersés, entassés dans des tentes surchauffées et exposées à la poussière, sans eau courante, ni électricité. Surtout, les fantômes du passé rôdent. « Les réfugiés syriens souffrent de la perte, explique le docteur Mohammed, psychologue de Médecins sans Frontières, basé au Liban. Ils ont perdu des êtres proches, ils sont en deuil. Mais ils ont aussi perdu le cadre de leur ancienne vie: un Etat qui devait les protéger et une société qui les entourait. Ils n’ont plus rien, même au niveau matériel. Et ils ont subi ces séparations de manière brutale, douloureuse ».

Une douleur qui reste

Certaines souffrances mettront des mois avant d’être exprimées. « D’autres resteront tues, précise Béatrice Patsalides-Hofmann, psychologue au centre Primo Levi, une association qui prodigue des soins et un soutien aux personnes victimes de torture et de violences politiques. Ce choix de ce qui est dit ou non permettra à la personne de se reconstruire un espace de pensée ». Des victimes choisissent de parler, « afin de cadrer leur souffrance pour qu’elle ne puisse pas tout engloutir », précise le docteur Mohammed. Les autres, en revanche, se murent dans un silence profond. « Beaucoup de gens ne viennent pas consulter un psychologue dans les camps, explique Gilles Potier, directeur des opérations internationales à Médecins du Monde. Ils pensent: ‘A quoi bon parler? Qu’est-ce que je peux faire? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire?’ « . La douleur non dite finit toujours par s’exprimer, autrement, que ce soit à travers la violence ou par des symptômes physiques.

Des semaines durant, les victimes revivent très précisément les moments traumatiques. « C’est assez frappant, relate Agnès Afnaïm, médecin généraliste au centre Primo Levi. Le temps d’une consultation, la présence s’éclipse dans le regard. Le sujet n’est plus là, il ne fait plus la distinction entre son souvenir et le présent. Un moment d’inattention, un détail qui se rappelle à sa mémoire et la pensée prend le dessus sur la réalité ». Certains troubles rongent la mémoire: les victimes oublient de finir de s’habiller ou ne savent plus combien elles ont de frères et soeurs.

Vivre avec la peur

« J’avais perdu la notion du temps, raconte Nidal, opposant syrien aujourd’hui réfugié en France. En sortant de prison, je n’arrivais plus à parler avec les gens, à leur donner des rendez-vous. Dans ma cellule, je ne gérais plus mon temps et en sortant, j’ai mis longtemps à utiliser une montre ». Lors de leur détention, les victimes vivent au rythme de leur peur. A tout moment, elles peuvent être extirpées de leur cellule pour être exécutées. A leur libération, l’angoisse de se faire arrêter à nouveau les empêche de s’abandonner à un sentiment de sûreté. « Je me souviens d’un homme, raconte Béatrice Patsalides-Hofmann. Il avait été torturé, et il sursautait lorsqu’il percevait des bruits qui nous paraissent, à nous, anodins. Une sirène de police résonnait, au loin, dans la rue et il était terrifié. Il avait passé des mois en prison, attentif au moindre bruit qui lui signalerait un danger imminent. Il revivait ces moments d’angoisse à chaque porte qui claquait ».

 

 

Lors du séjour en prison, des mécanismes inconscients se mettent en place pour protéger la victime de la douleur. Mais ils perdurent bien après la libération et empêchent le contact entre le corps et l’esprit: « Pendant deux mois, poursuit Nidal, je n’avais plus de sentiments. Je n’étais ni content, ni insatisfait, je ne savais pas. Je regardais les gens autour de moi et je n’étais pas présent avec eux. J’étais spectateur de ma situation. J’entendais de la musique mais je ne l’écoutais pas. Ce n’est qu’après deux mois que j’ai commencé à ressentir. J’ai eu envie de quelque chose à nouveau, envie de boire un café ou de manger. J’éprouvais de nouveau des besoins ».

Quarante ans de torture en Syrie

Mais qu’en est-il alors, à l’échelle de toute une nation? « Le cas de la Syrie est préoccupant, souligne Béatrice Patsalides-Hofmann. C’est un conflit qui dure depuis un an et demi maintenant. Et il n’est que la répétition de la même situation : cela fait quarante ans qu’on torture en Syrie. Le monde est au courant, par les médias, les témoignages… mais ne fait rien. Ce cynisme inouï accentue la souffrance des victimes ». L’espoir fluctue au gré des nouvelles du front. « Il y a encore six mois, les gens pensaient revenir rapidement en Syrie, reconstruire le pays, raconte le docteur Mohammed. Mais aujourd’hui, les réfugiés se disent: ‘Ca prend tellement de temps, va-t-on vraiment revenir? Et si on revient, que va-t-on faire?’  ».

 

 

Les illusions d’une guérison rapide se perdent. Certains se demandent comment endurer l’insoutenable. « Tous les jours, un de nos proches meurt, confiait, il y a peu, un opposant à Nidal. Et on ne répond pas. Ils nous frappent et nous torturent, et on n’ose même pas leur lancer des pierres. On manifeste avec une rose à la main, et on nous anéantit. C’est à devenir fou ».

Tous savent que demain ne sera jamais plus comme hier, et que ces mois de violence laisseront une trace indélébile. « On ne guérit pas de la torture, précise Béatrice Patsalides-Hofmann. Mais on peut apprendre à vivre avec les traumatismes ». Et si la guerre s’arrête, la nécessité de la reconstruction prendra alors peut-être le dessus sur les blessures profondes de la Syrie.

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Mouvement pour la Civil-isation de la société israélienne


Ce que le Mouvement souhaite et ce pourquoi il milite : une société plus démocratique et plus égalitaire

entre les hommes et les femmes, mais aussi entre l’ensemble des citoyens israéliens, qu’ils soient juifs

ou non. Il soutient aussi les mouvements de ceux qui refusent de servir dans les territoires palestiniens occupés.

New Profile fait également partie de la Coalition des Femmes pour la Paix et est très actif dans ces différents

domaines :

Replantations d’oliviers arrachés par les colons ;

Ramassage des olives ;

Actions contre le mur de l’annexion ;

Soutien aux ONG palestiniennes ;

Soutien aux Bédouins israéliens du désert du Néguev expulsés de leurs terres.

Nous vous invitons à venir voir l’exposition de photos que New Profile a collectées et

qui montre et dénonce l’omniprésence de la pensée militariste à tous les échelons

de la société israélienne, et à en débattre avec notre invité Raanan Forshner.

Programme de la tournée

Samedi 29 septembre à 15h30 : Vernissage de l’exposition à l’Union des Progressistes Juifs de

Belgique (UPJB), 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles, drink, présentation, commentaire et débat

avec Raanan Forshner, représentant de New Profile.

Dimanche 30 septembre à 14h30 : Visite de l’exposition par l’UPJB-jeunes et dialogue avec

Raanan Forshner. Á 16h : Accès de l’exposition à tous.

Lundi 1er octobre à 17h30 heures : Visite de l’exposition et, à 19h30, conférence-débat avec

Raanan Forshner à Wavre, à la Maison de la Laïcité, 33 rue Lambert Fortune. En partenariat avec

la coordination du Brabant wallon des groupes PJPO (Pour une Paix Juste au Proche Orient).

Mercredi 3 octobre à 19h : Visite de l’exposition et conférence-débat avec Raanan Forshner à

Leuven, Damiaancentrum, 5 Sint-Antoniusberg. En partenariat avec Vrouwen in ‘t Zwart Leuven,

Leuvense Actiegroep Palestina et Intal Leuven.

Jeudi 4 octobre à 18h : Visite de l’exposition et, à 20h, conférence-débat avec Raanan Forshner

à Mons, Université de MONS, Bâtiment Warocqué-Auditoire Hotyat-1er étage, 17 Place Warocqué.

En partenariat avec L’Association Belgo-Palestienne Mons-Borinage.

Vendredi 5 octobre à 19h30 : Visite de l’exposition et conférence-débat avec Raanan Forshner à

Antwerpen, Vrijzinnig Karel Cuypershuis, 57 Lange Leemstraat. En partenariat avec Pax Christi

Vlaanderen, Vredesactie, Masereelfonds, Oxfam Wereldwinkels et Humanistische Vrijzinnige

Vereniging.

Samedi 6 octobre à 12h : Visite de l’exposition et conférence-débat avec Raanan Forshner à

Mouscron, dans les locaux «de l’aut côté», 21A rue des Brasseurs. En partenariat avec l’Association

Belgo-Palestinienne – Plateforme mouscronnoise pour la Palestine.

Avec le soutien de la Fondation Heinrich Böll et de l’Échevinat pour l’Égalité des Chances

de Saint-Gilles.

Du samedi 29 septembre au samedi 6 octobre 2012

Exposition photos de New Profile

qui montre et dénonce l’omniprésence de la pensée

militariste à tous les échelons de la société israélienne

Rencontres avec un de ses représentants

Raanan Forshner

En partenariat avec plusieurs associations amies

«Nous, un groupe

de femmes et

d’hommes féministes,

sommes convaincus

que nous

n’avons nul besoin

de vivre dans

un état militariste.

Aujourd’hui Israël

est en mesure

de mener une politique

tournée résolument

vers la

paix qui ne nécessite

pas une société

militariste….

Alors qu’on cherche

à nous faire

croire que le pays

est confronté à

des menaces qui

échappent à son

contrôle, nous réalisons maintenant que l’expression «sécurité nationale» a souvent masqué des décisions

prises pour adopter des actions militaires en vue de la réalisation d’objectifs politiques.

Nous ne voulons plus partager de tels choix. Nous ne voulons plus être mobilisés en permanence, élever

des enfants pour qu’ils soient mobilisés, soutenir des partenaires, des frères et des pères mobilisés, alors que

les responsables du pays continuent à avoir recours à l’armée plutôt que chercher d’autres solutions…»

C’est ainsi que débute la «charte» de New Profile, mouvement pour la civil-isation de la société israélienne.

Les souks d’Alep sous les obus


lundi 1er octobre 2012, par La Rédaction

À Alep, deuxième ville du pays et enjeu majeur du conflit qui dure depuis plus de 18 mois, de violents combats se sont déroulés pendant plusieurs heures dans les souks historiques, déjà victimes de destructions durant le week-end. « Le plus grand problème, c’est qu’on ne sait rien de nos échoppes, tout ce qu’on sait, on l’apprend par le bouche-à-oreille », se lamente un marchand de ficelles qui estime sa marchandise à des millions de livres syriennes. Classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1986, avec la vieille ville d’Alep, les souks et leurs quelque 1 550 échoppes étaient depuis des siècles l’un des centres névralgiques du commerce au Moyen-Orient.

La France a exprimé lundi sa « vive condamnation suite à la destruction par les flammes du marché médiéval d’Alep causée par de violents bombardements ». Les portes de bois des échoppes, remplies d’étoffes et de broderies, s’étaient rapidement consumées après les premiers combats samedi. Cinq de la quarantaine des marchés du souk, comme le souk des femmes, celui de l’or ou encore celui des abayas, ont été entièrement détruits, selon des témoins, même s’il reste difficile d’estimer les dégâts en raison des combats.

Toujours à Alep, de violents combats ont également éclaté dans d’autres secteurs. L’immeuble abritant le gouvernorat local a été la cible d’un tir, « provoquant la panique parmi les fonctionnaires », selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Au total, près de 56 personnes, dont 31 civils ont péri dimanche dans les violences à travers le pays, selon un bilan provisoire de l’OSDH.

Ainsi, à Idleb, province voisine d’Alep dans le nord-ouest du pays, au moins 21 civils, dont huit enfants, ont été tués dans un raid aérien mené par les troupes du régime de Bachar el-Assad sur la localité de Salqine, selon l’OSDH et des militants. Une vidéo postée sur Internet montre des images insoutenables de corps carbonisés et démembrés, dont ceux d’enfants. » Oh, mon Dieu, mon fils est mort », pleure un homme devant un pick-up plein de corps. Trois enfants sont membres d’une même famille, selon l’ONG.

La mort a frappé ailleurs dans le pays, dans les régions défendues farouchement par les rebelles, comme à Deraa, berceau de la contestation, où au moins cinq personnes, dont une femme, son père et un rebelle, ont péri dans le pilonnage par l’armée, selon l’OSDH. « Que Dieu te maudisse, Bachar, toi, tes soldats et ta famille, nous nous vengerons », clame un homme dans une vidéo. Au moins 18 soldats syriens ont par ailleurs été tués et 30 autres blessés dans une embuscade rebelle contre un convoi de voitures, de camions et de véhicules sur la route de Homs, dans le centre du pays, selon l’OSDH. Le conflit a fait plus de 30 000 morts depuis le début du conflit en mars 2011, toujours selon l’organisme indépendant basé à Londres.

Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a accusé les États-Unis de vouloir répéter le scénario qui a mené à la chute du dictateur irakien Saddam Hussein en prétextant la présence d’armes chimiques dans le pays. « C’est une chimère qu’ils ont inventée pour lancer une campagne contre la Syrie comme ils l’ont fait en Irak », a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne arabe Al-Mayadeen, réalisée en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, et dont des extraits ont été rendus publics lundi. L’argument des États-Unis de la présence d’armes de destruction massive en Irak avait servi à justifier l’invasion de ce pays en mars 2003 et s’était ensuite révélé faux.

Walid Mouallem a toutefois gardé le flou sur la détention d’un tel arsenal par le régime, deux mois après que Damas a reconnu pour la première fois posséder des armes chimiques et menacé de les utiliser en cas d’intervention militaire occidentale, mais jamais contre sa population. « Ces armes chimiques en Syrie, si elles existent, et je dis bien si elles existent, comment est-il possible que nous les utilisions contre notre propre peuple ? C’est du n’importe quoi », a-t-il dit. La semaine dernière, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta avait affirmé que Damas avait déplacé des armes chimiques pour les sécuriser. Washington est défavorable à une intervention armée en Syrie.

Le diplomate syrien a en outre estimé que des pays comme le Qatar « dépensaient des milliards de dollars pour faire assassiner le peuple syrien ».
La Turquie a par ailleurs évalué dimanche à près de 100 000 le nombre de Syriens réfugiés sur son territoire, et a réclamé une aide internationale pour continuer à les accueillir. Au total, 93 576 réfugiés sont logés dans 13 camps dispersés dans le sud-est de la Turquie, frontalière avec la Syrie, selon Ankara.

source

Courage, le nettoyage ethnique sera bientôt terminé! (2)


Seconde partie de l’étude de Rudi Barnet dont la première partie figure ici

Il y a des crimes contre l’humanité que tout citoyen aborde avec appréhension, ce sont ceux commis par ses propres dirigeants.

C’est ce qui est arrivé aux citoyens allemands qui, aujourd’hui encore, affrontent difficilement le récit des crimes des dirigeants nazis.

C’est sans doute la même « gêne » qu’éprouvent de nombreux Espagnols quand ils sont confrontés aux exactions franquistes.  Même malaise pour les Serbes et le massacre de Srebrenica, les Hutus et le génocide rwandais, les Belges et les crimes commis au Congo, les Français pour ceux perpétrés en Algérie, etc.

Il est donc probable que les citoyens israéliens et les sionistes de bonne foi affronteront douloureusement les informations sur ce crime contre l’humanité qu’a été le sinistre « Plan Daleth ».

Ce texte est seulement le résultat des recherches d’un citoyen lambda qui veut « comprendre ».

Sauf oubli, on pourra trouver les références de chaque citation et information.

Ainsi le lecteur pourra en vérifier la provenance et compléter ses connaissances.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit en rien de stigmatiser une population!

Seuls ceux qui ont fomenté ce plan et commis ces crimes doivent être dénoncés.

En espérant que ce texte permettra à certains de faire face à une réalité douloureuse qu’on veut leur cacher… ou qu’ils se refusent de voir.

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Nettoyage ethnique? Plan Daleth [1]? Vous délirez!

Comme pour tout crime, les commanditaires, les exécuteurs de ce plan « D » et les propagandistes de service ont d’abord tenté de nier son existence.

Mais depuis que certaines archives ont été rendues publiques et que les preuves se sont accumulées, ils cherchent à minimiser son importance en affirmant que ce n’était qu’un simple plan d’opérations militaires dans le contexte de la guerre ou à essayer de décrédibiliser ceux et celles qui ont découvert et révélé les faits.

C’est ainsi que l’historiographie officielle israélienne et ses officines de propagande cherchent à faire accroire que la destruction, il y a 65 ans, de quelques 530 villages, la fuite de près de  800.000 habitants et les milliers de morts palestiniens étaient simplement les conséquences malheureuses de la guerre… Et que la très grande majorité des « réfugiés » était partie de son plein gré!

Affirmer cela est mensonger ert injurieux pour la vérité historique et pour les innombrables témoignages recueillis par d’éminents historiens comme Avi Shlaïm,[2]Walid Khalidi, [3]Ilan Pappe [4] Elias Sanbar [5]ou Nur Masalha.[6]

L’analyse des archives israéliennes disponibles a permis à ces historiens de vérifier la triste réalité : un nettoyage ethnique a bien débuté durant ces années-là.

Même Benny Morris, [7]l’historien sioniste (!) qui fut le premier à parler de l’existence de ce plan D reconnaissait qu’il y avait bien eu « nettoyage ethnique », tout en amenuisant son importance et le justifiant : « Il y a des circonstances dans l’histoire qui justifient le nettoyage ethnique. Je sais que ce terme est complètement négatif dans le discours du 21ème siècle, mais quand le choix est entre le nettoyage ethnique et le génocide – l’annihilation de votre population – je préfère le nettoyage ethnique (…)Un Etat juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner 700.000 Palestiniens. Par conséquent il était nécessaire de les déraciner. Il n’y avait pas d’autre choix que d’expulser cette population. « [8]

Yoav Gelber [9], historien sioniste d’extrême-droite et partisan de l’expulsion totale des Palestiniens, affirme de son côté que ce n’est qu’un plan élaboré pour répondre aux attaques de l’ALA (Armée de libération arabe qui n’a jamais compté plus de 5.000 volontaires, majoritairement non-palestiniens!) et de la « Légion Arabe », 6.000 soldats dirigés par des officiers britanniques pour le compte de Abdallah, roi de Transjordanie, opposé à la création d’un Etat palestinien.

L’affirmation de Benny Morris à propos du danger de génocide est assez absurde car, comme on le verra plus loin, ce nettoyage ethnique a débuté en 1947, bien avant la décision de partage de l’ONU et l’entrée en guerre des pays limitrophes. Il visait essentiellement des civils palestiniens.

Où était le risque de génocide pour les colons sionistes à ce moment?

Pour les Palestiniens il en était autrement.

S’il est vrai que l’armée israélienne ne comptait « que » 40.000 hommes en mai 48, au moment de la déclaration d’indépendance, elle sera rapidement de plus de 100.000 hommes (plus importante en nombre que l’ensemble des forces de tous les pays environnants… et aussi bien mieux équipée (tanks, bombardiers…)

De leur côté, les Palestiniens étaient dispersés, inorganisés et peu armés et avaient parfaitement conscience que le rapport de forces était trop inégal.

Ben Gourion le déclara d’ailleurs lui-même : « Je pense que, majoritairement, les masses palestiniennes acceptent la partition comme un fait accompli et ne croient pas possible de l’empêcher ou de la rejeter (…) La grande majorité ne veut pas se battre contre nous. » [10]

Mais, rien n’y fait!

La propagande israélienne a toujours présenté cette guerre comme la lutte d’un petit David juif affrontant un Goliath arabe alors que la réalité du terrain, révélée par les historiens modernes, montre qu’Israël n’a jamais été confronté à un véritable risque de défaite.

… Mais il est fondamental de maintenir le mythe fondateur du « petit peuple obligé de se défendre contre les barbares qui veulent l’exterminer. » afin d’éviter ainsi toute accusation de crime contre l’humanité!

Le crime est pourtant incontestable.

Quand on met côte à côte les éléments recueillis par la Haganah[11] pour chaque village palestinien (plan, noms et adresses des habitants de sexe masculin, etc), contenus dans les annexes du plan D, et qu’on les compare avec le rapport des événements et les témoignages des habitants de ces même villages, force est de constater que l’adéquation est, majoritairement, parfaite!

On voit bien qu’il s’agit de l’application stricte et méthodique d’un plan de nettoyage ethnique.[12]

On peut toujours nier les faits, nier l’Histoire, nier les crimes… Cela porte un nom : négationnisme.

De A à C, ou comment peaufiner un plan

Quand Ben Gourion et les chefs de la Haganah finalisèrent le « Plan D » le 10 mars 1948, il y avait déjà de nombreux mois qu’il avait été « testé ».

En effet, les archives israéliennes révèlent qu’on n’avait pas attendu la décision de partage de l’ONU (29/11/1947), ni la fin du Mandat britannique (14/5/1948) pour passer à l’attaque.

Quand le 14 mai 1948, Ben Gourion proclame l’indépendance d’Israël, les forces sionistes avaient déjà expulsé par la violence près de 250.000 Palestiniens et 200 villages avaient déjà été détruits.[13]

… Près de six mois avant le début du conflit avec les pays arabes limitrophes!

Il y avait déjà eu, bien entendu, les plans A, B et C.

Le plan A datait de 1937 et exposait les lignes directrices de la conquête de la Palestine en cas de retrait des troupes britanniques.

Les deux suivants affinèrent le projet.

Le plan C énumérait notamment, avec précision, les actions punitives à exécuter contre la population : « Tuer les dirigeants politiques, agitateurs et soutiens financiers, s’en prendre aux transports et moyens de subsistance (puits, moulins, etc). » [14]

Le « Plan D » complétait et finalisait les trois premiers.

Il détaillait notamment les moyens d’action pour l’expulsion totale et systématique de la population palestinienne de l’ensemble du territoire.

L’opération bénéficiait aussi de tous les renseignements accumulés par les « collecteurs » du FNJ (Fonds national juif) depuis les années 30 : plans des villages, photos, composition sociologique, nombre d’habitants de sexe masculin (de 16 à 50 ans), noms des notables, etc.

Pour chaque village, une liste des Palestiniens qui s’étaient opposés aux Britanniques et avaient combattu le mouvement sioniste avait été établie.

Ces éléments ont été le moteur des pires atrocités commises contre les civils.

On y retrouve des ordres précis aux « brigades opérationnelles », tels  que :

« Destruction de villages (y bouter le feu, les faire exploser et planter des mines dans les débris), en particulier les centres de population dont le contrôle continu est difficile. (…) Réaliser des opérations de recherche et de contrôle en fonction des lignes de conduite suivantes : encerclements des villages et fouille de ceux-ci. En cas de résistance, les forces armées doivent être détruites et la population expulsée en dehors des frontières de l’État hébreu« . [15]

Yaël Yadin, un des chefs militaires du « Plan D » a déclaré fin 1948 que c’est cette reconnaissance minutieuse et détaillée de ce qui se passait dans chaque village palestinien qui a permis au commandement militaire sioniste d’affirmer : « Sans la présence britannique nous aurions écrasé la révolte arabe en un mois!… car les Arabes palestiniens n’avaient personne pour les organiser correctement. » [16]

La volonté de destruction de la Palestine rurale et l’expulsion des habitants pour la création d’un Etat « ethniquement pur » est patente. Le mot « nettoyage » figure d’ailleurs en toutes lettres sur les ordres donnés par le « Haut Commandement » aux unités sur le terrain.

Ben Gourion n’hésitera d’ailleurs pas à affirmer « Nos ennemis sont les paysans arabes! » [17]

Pas les opposants politiques, pas les propriétaires… Non! Les cultivateurs pacifiques, ceux qui gênent le plan D par leur refus de se battre contre les sionistes,  comme on peut le lire à plusieurs reprises dans les rapports des réunions de Ben Gourion et ses associés.

Soixante ans plus tard, Lieberman ne fera que confirmer cet objectif de « nettoyage » en proclamant : « Nous allons faire d’Israël un Etat ethniquement homogène! » [18]

Partition décidée par l’ONU

C’est ainsi que le 31 décembre 1947, on « testa » le plan « D » dans plusieurs endroits, notamment à Balad al-Cheikh, un village à quelques kilomètres de Haïfa, et, le même jour, sur un des quartiers arabes de la ville.

Pour Balad al-Cheikh, l’ordre était de « encercler le village, tuer le plus d’hommes possible, saccager les biens, mais s’abstenir de s’en prendre aux femmes et aux enfants » [19]

L’assaut dura trois heures et fit plus de soixante morts… pas tous des hommes!

Les Britanniques ont laissé faire ces atrocités… Ils ont même parfois apporté leur aide comme après la tuerie de Sa’sa (village près de Safed, à la frontière libanaise) en février 1948.

Un commando israélien pénétra de nuit dans le village et installa des explosifs contre des maisons cibles. On dénombra de nombreux morts dans les maisons démolies.

Les Britanniques transportèrent à l’hôpital deux israéliens, blessés par des débris.

A partir de mars 1948, les opérations de « nettoyage » s’accélérèrent.

Chaque commandant des douze brigades de la Haganah avait reçu une liste de villages ou quartiers de villes à détruire, les informations sur les Palestiniens à tuer ou à expulser… et la date d’exécution de l’opération![20]

Il est à noter que chaque carnage de villageois sera toujours présenté comme le résultat involontaire d’une âpre bataille, en riposte à une attaque, les maisons devenant des fortins bourrés d’armes et les paysans transformés en combattants féroces.

Décidément, plus de soixante ans après, le discours n’a pas changé! [21]

Début de la grande lessive

 

Le massacre de Deir Yassin [22], petit village de pasteurs et de paysans, n’est pas celui qui a fait le plus de victimes (« moins » de 200 civils, dont de nombreux enfants) mais il est resté dans les mémoires comme un modèle du caractère systématique de l’application du « Plan D ».

Le colonel israélien Païl décrit l’horreur : « Faisant feu de toutes leurs armes, ils balançaient également des explosifs dans les maisons. Ils abattirent ainsi toutes les personnes qu’ils y trouvèrent, y compris les femmes et les enfants. Par ailleurs, près de 25 hommes qui avaient été sortis de chez eux furent chargés dans un camion et exposés, à la romaine, à travers les quartiers de Mahahneh Yehuda et Zakron Josef. Après quoi ils furent emmenés dans une carrière de pierre et abattus de sang-froid » [23]

Deir Yassin

Menahem Begin (commandant de l’Irgoun qui, avec le « groupe Stern » mena l’opération), nia tout massacre, parlant d’une « propagande mensongère ».

Mais devant l’indignation de la communauté internationale, Ben Gourion et ses associés finirent par condamner l’action. Les historiens proches du régime estimèrent ensuite que  le massacre avait été « un concours  de circonstances, presqu’inévitable », sans connexion avec le « Plan D ».

Evidemment!

Mais Deir Yassin n’était que le début de la « Grande Lessive ».

Haïfa fut « désarabisée » en une journée de ses milliers d’habitants palestiniens par la sinistre brigade Carmeli.

On pilonna d’abord la ville au mortier depuis les collines, repoussant la population affolée vers la mer.

Ensuite les milices envahirent la place.

Les ordres de Mordehaï Maklef, officier des opérations, étaient clairs et simples : « Tuez tous les Arabes que vous rencontrez, incendiez tout ce qui est inflammable et ouvrez les portes à l’explosif. » [24]

Ce fut fait!

Ben Gourion visita les quartiers arabes après le nettoyage et nota dans son journal : « Un spectacle épouvantable et fantastique. Une ville morte, une ville carcasse … sans âme qui vive, à part les chats errants. » [25]

Ce qui est arrivé à Acre – le plan de partage de l’ONU attribuait la ville à l’État arabe projeté – est exemplatif de la méthode d’exécution du « Plan D ».

La ville était assiégée mais résistait aux bombardements.

Début mai 1948, la Croix-Rouge constata l’empoisonnement de l’eau des aqueducs qui approvisionnaient la ville. L’origine?… Injection des germes de la typhoïde. [26]

Affaiblis par l’épidémie et le pilonnage intensif, les habitants se rendirent… et partirent, laissant les israéliens piller leurs maisons.

Le cas de Jaffa est également exemplaire.

C’est la dernière ville conquise avant la fin du mandat britannique par 5.000 « soldats » de la Haganah et de l’Irgoun.

Après trois semaines de siège, les 50.000 habitants ont été expulsés sous la « protection » des Britanniques.

Ruines de Jaffa

A cette date, il n’y avait plus de Palestiniens dans les grands centres urbains et 200 villages avaient été détruits, leurs habitants tués ou expulsés.

Tout cela s’est passé avant la proclamation d’indépendance, dans l’indifférence ou avec la complicité des troupes britanniques.

Comme l’écrit Ilan Pappe : »C’est un fait, à dire et à répéter, car il anéantit le mythe israélien selon lequel les « Arabes » se seraient enfuis quand « l’invasion arabe » a commencé (…) C’est une pure fabrication de prétendre qu’il y a eu des tentatives juives pour persuader les Palestiniens de rester, comme l’affirment encore aujourd’hui les manuels scolaires israéliens » [27]

Avant « l’entrée en guerre » des pays voisins, près de la moitié des villages palestiniens du territoire que l’ONU leur avait attribué avaient déjà été attaqués et conquis par les sionistes.

De nombreux autres seront rayés de la carte dans les mois qui suivirent la déclaration de l’Etat d’Israël.

… Et nettoyage final?

Après le 14 mai 1948, le « nettoyage ethnique » s’accentua encore.

L’arrivée, en juin, de nouveaux avions, entre autres armes « lourdes », renforça notablement les moyens de la conquête.

Yigaël Yadin, chef d’état-major adjoint de la Haganah, lança à ses troupes : « Aujourd’hui, nous avons toutes les armes dont nous avons besoin (…) Les Britanniques s’en vont (…) Toute la situation sur les fronts va changer »

Et il avait plus que raison de se réjouir.

Ben Gourion avait ordonné à la Haganah : « Le nettoyage de la Palestine demeure l’objectif premier du plan Daleth! » [28]

Des 64 villages entre Tel-Aviv et Haïfa, seuls deux furent épargnés… Sur la demande des colons qui avaient besoin des villageois pour le travail [29]

Parmi les villages rasés se trouvait celui de Al-Tantoura qui comptait 1500 habitants.

Après avoir maté la résistance, la soldatesque de la brigade Alexandroni rassembla les hommes (adolescents compris) et déclencha une orgie d’exécutions de sang-froid sur la plage, la mosquée ou le cimetière.

Plus de 200 Palestiniens furent ainsi assassinés.

Malgré les témoignages des survivants et les aveux de certains membres de la brigade, Israël a toujours nié les faits et diffamé ceux qui les révélaient.

Encore aujourd’hui ceux qui critiquent Israël sur ce massacre sont considérés comme traîtres ou menteurs.

Mais comme l’écrit Benny Morris, historien sioniste, il suffirait d’ouvrir les archives pour connaître les détails de ce que lui-même considère comme un crime de guerre. [30]

Mais c’est apparemment encore un sujet trop sensible pour le régime… plus de 60 ans après!

Jusqu’à l’automne 48, les diverses brigades de la nouvelle armée israélienne continuèrent leur lugubre besogne : expulsions, destructions d’un maximum de villages palestiniens et exécutions de ceux qui résistent. Comme à Al-Bassa, gros village de 3.000 habitants, où de nombreux hommes et adolescents furent alignés devant l’église et assassinés, tandis que le reste de la population était expulsée vers le Liban. [31]

A certains moments, le médiateur de l’ONU, Folke Bernadotte [32] parvint à ralentir les exactions et à obtenir de courtes trêves, pas toujours respectées.

Mais dès la fin de la trêve, le « rouleau compresseur » se remettait à écraser, impitoyable.

C’est ainsi que 50 à 70.000 personnes furent expulsées des villes « palestiniennes » de Lydda (Lod aujourd’hui) et Ramla. La brigade, commandée par Yigal Allon et Yithzak Rabin, [33] y assassina plus de 250 habitants. [34]

 Exode de Lydda

Benny Morris rapporte que durant cette « opération Hiram », dirigée par le général Carmel, [35]les forces israéliennes perpètrent au moins neuf massacres de civils palestiniens et de prisonniers de guerre.

Des tonnes de bombes furent déversées par les « B-17 » sur 7 villages de Galilée, provoquant la mort de près de cent civils.

L’armée israélienne fit également des incursions dans des villages du Sud-Liban, proche de la frontière. Fin octobre 48,  elle massacra 80 personnes à Hula et 94 à Saliha.

L’officier Shmuel Lahis qui tua de sa main 35 habitants de Hula sera condamné à 7 ans de prison, avant d’être amnistié… et nommé directeur de l’Agence Juive. [36]

Israël sait honorer ses héros!

Morris estime que la moitié des massacres commis durant la « guerre » se produisirent durant  cette l’opération.[37]

Nazareth qui comptait une population de religion chrétienne importante connut un sort moins dramatique.

Ben Gourion ordonna d’arrêter les expulsions car « Ici, le monde nous regarde. » [38]

Même les 90.000 Bédouins du Néguev furent « nettoyés » ou cantonnés dans des « réserves ».

Al-Dawaimeh, village martyr!

 

Ce village près de Hébron a été le théâtre d’une des pires atrocités commises par l’armée israélienne durant les opérations de nettoyage ethnique.

Ce fut aussi la dernière grande tuerie… avant celle de Kfar Kassem en 1956.

A Al-Dawaimeh, plus de 200 civils palestiniens ont perdu la vie le 28 octobre 1948 quand le général Yitzak Sadeh [39], commandant de la « Brigade Huit », sous les ordres du général Yigal Allon [40], lança ses tueurs dans le village.

Les récits des témoins, soldats israéliens inclus, et le rapport de l’ONU décrivent un massacre impitoyable, jusque dans la mosquée.[41]

Devant les risques de scandale, les lieux de la tuerie furent rapidement nettoyés le 1er novembre [42], ce qui permit, dans un premier temps, de nier l’ampleur du massacre et de s’opposer aux témoignages.

Ce n’est que des mois plus tard (juin 1949) qu’un rapport des Nations Unies mentionna : « La raison pour laquelle on connaît si peu au sujet de ce massacre qui, à bien des égards, a été plus brutal que celui de Deir Yassin, est dû au fait que la Légion arabe (la force jordano-britannique qui contrôlait la région) a craint que, si la nouvelle se répandait, elle exercerait le même effet sur le moral de la paysannerie que Deir Yassin : un nouvel afflux de réfugiés arabes. » [43]

C’est ce qu’on nomme le cynisme ordinaire?

De rares responsables israéliens eurent le courage de dénoncer l’horreur, tel Aharon Tzizling, Ministre de l’agriculture, qui déclara au conseil des ministres, le 17 novembre 1948 : « Je n’ai pu dormir de la nuit. Ce qui est en cours blesse mon âme, celle de ma famille et celle de nous tous (…) Maintenant, les juifs aussi se conduisent comme des nazis, et mon être entier en est ébranlé » [44]

En dépit des preuves accablantes, aucun des israéliens auteurs ou commanditaires des massacres et des destructions durant ces années de nettoyage ethnique n’a été inculpé pour crime de guerre!

Et… En route vers de nouvelles aventures?

La passivité de l’ONU devant le non-respect de sa décision de partage du territoire est impressionnante.

A aucun moment, Israël n’a dû rendre de comptes sur ses « débordements » d’avant la création de l’Etat et toutes ses conquêtes n’ont pas provoqué la moindre réaction au moment de sa reconnaissance comme membre de l’ONU en mai 1949.

Seule une attaque contre le plateau du Golan (Syrien!) a pu être empêchée par l’ONU… pour quelques années.

Mais Ben Gourion n’avait pas l’intention de s’arrêter là!

Il prévoyait, dans un premier temps d’étendre le territoire israélien en Cisjordanie et au Sud-Liban, mais les ordres d’attaque furent reportés par crainte des accords d’alliance militaire de la Jordanie avec la Grande-Bretagne.

Il révèle sa soif de puissance et ses prochains objectifs dans un texte daté du 24/5/1948 : « Nous allons créer un Etat chrétien au Liban, dont la frontière sera le Litani. Nous allons briser la Transjordanie, bombarder Amman et détruire son armée, et alors la Syrie tombera, après quoi, si l’Egypte veut continuer à se battre, nous bombarderons Port-Saïd, Alexandrie et Le Caire.

Ce sera notre vengeance pour ce qu’ils ont fait à nos aïeux à l’époque biblique. » [45]

Nouvel Alexandre le grand? Nouveau Napoléon? Nouvel Attila?… Ou nouveau Dr Folamour?

Revenir? Où voulez-vous revenir?

Fin 1948, ce nettoyage ethnique était terminé, mais les épreuves des Palestiniens n’étaient pas près de prendre fin.

Pour une bonne partie d’entre eux, le régime israélien activa un second plan, celui de « l’anti-rapatriement ».

Pour empêcher toute possibilité de retour des expulsés, on accéléra la destruction des villages et la création d’implantations juives, de manière à éviter toute pression internationale et toute revendication basée sur la résolution 194 de l’ONU du 11/12/1948, proclamant le droit au retour des réfugiés palestiniens.

On créa une unité spéciale chargée d’empêcher les villageois et citadins de revenir dans leurs maisons.

Elle n’hésitait pas à les exécuter sans sommation, comme en témoignent les archives des FDI (Forces de Défense d’Israël) [46]

Et demain?

Il serait illusoire de croire que ce sinistre « Plan D » n’est plus en activité!

Toute la politique du régime actuel tend à poursuivre le plan Daleth, à conquérir de nouveaux territoires et à assujettir les habitants qui n’ont pas été expulsés.

Avant le plan Daleth… et après le plan Daleth

S’il n’est plus possible d’agir comme il y a 65 ans et qu’il n’est plus envisageable de museler l’information, il est visible que les pratiques actuelles du régime israélien sont dans le droit fil de ce plan.

Ses objectifs ont simplement pris d’autres formes : que ce soit dans la partie arabe de Jérusalem où les expulsions sont journalières, que ce soit en Cisjordanie où l’armée chasse les habitants de la zone C, où les colons fanatiques sèment la terreur, brûlent les récoltes et volent les terres, que ce soit dans le Néguev où les Bédouins sont pourchassés, que ce soit à Gaza où les commandos marins assaillent les pêcheurs à quelques centaines de mètres du rivage… Tout est conforme au « Plan D »

On est bien loin, à l’opposé même, du « Petit peuple qui a dû se défendre contre les armées arabes qui n’acceptaient pas son existence! » et de « Deux peuples qui ne parviennent pas à s’entendre ».

Ces leitmotivs sont d’ignobles tartufferies!

Il y a certes encore de nombreuses zones d’ombre à éclaircir – ce ne sera possible qu’en rendant publiques toutes les archives de cette époque – et il existe de nombreux faits et comportements qui restent à élucider.

Mais il est indéniable, pour tout honnête homme, qu’il y a bien eu là-bas un effroyable nettoyage ethnique!

Indéniable aussi que ce « Plan D » a été mis en œuvre bien avant la décision de l’ONU de partager la terre et que l’explication « ils sont partis de leur plein gré » est un mensonge éhonté.

Il est aussi troublant de constater que l’objectif du régime israélien est toujours, visiblement, de nettoyer ce territoire de la présence palestinienne par des mesures de plus en plus oppressantes : mesures d’apartheid, humiliations, blocus, expulsions, créations de colonies, occupations militaires, destructions de maisons… etc.

Tout en continuant de discourir sur une solution à deux Etats… Mirage pour les naïfs, Hochet pour les discoureurs!

Ce plan »D » est bien un crime de guerre et un crime contre l’Humanité.

Il faut être d’une totale mauvaise foi pour le contester!

… Mais les tribunaux qui jugent ce type de crime étant presque toujours les tribunaux des vainqueurs, il est malheureusement plus que probable que les criminels qui ont élaboré, planifié et perpétré cet odieux programme ne se retrouveront jamais dans le box des accusés.

L’Histoire les jugera.

Rudi Barnet

(Septembre 2012)


[1] 4ème lettre de l’alphabet hébreu

[2] « Le mur de fer. Israël et le monde arabe » (Buchet Chastel, 2008) et « Israël face à son passé » (Editions Arkhê, 2010)

[3] Il a enseigné à Oxford et Harvard et est membre de l’American Academy of Arts and Sciences.

[4] Historien israélien, professeur d’histoire à l’Université d’Exeter en Grande-Bretagne

[5] « Palestine 1948, l’expulsion » (Revue d’études palestiniennes, 1984)

[6] Historien britannique né en Palestine, rédacteur en chef de la revue Holy Land Studies (Edinburgh University Press)

[7] Il est professeur à l’Université Ben Gourion du Néguev à Beer-Sheva et a également enseigné aux USA.

[8] « Haaretz » le 15/1/2004

[9] Officier dans l’armée durant 13 ans, professeur à l’Université de Haïfa

[10] Cité par Ilan Pappe dans « Le Nettoyage ethnique de la Palestine (Fayard, 2006)

[11] Principale milice clandestine sioniste créée en 1920

[12] Walid Khalidi « Plan Daleth: Master Plan for the conquest of Palestine » (Middle East Forum, novembre 1961)

[13] Benny Morris  » The Birth of the Palestinian Refugee Problem 1947-1949″ (Cambridge University Press, 1989)

[14] Yehuda Sluzki « Le Livre de la Haganah »

[15] « Archives de la Haganah », cité dans « Le Nettoyage Ethnique de la Palestine » de Ilan Pappe (Fayard, 2006)

[16] « Israel : The Establishment of a State » de Harry Sacher (British Book Centre. 1952, Hyperion. 1976)

[17] Discours au comité exécutif du Mapai le 6/4/1948

[18] « Le Monde » du 19/9/2010

[19] Uri Milstein :  » History of Israel’s War of Independence »(University press of America) cité dans « Le Nettoyage Ethnique de

la Palestine » de Ilan Pappe (Fayard, 2006)

[20] Archives des FDI (Forces de Défense d’Israël), 1950/2315, dosier 47, 11/5/1948

[21] Doctrine de l’historien sioniste Nathan Weinstock dans « Terre Promise, Trop Promise » (Odile Jacob, 2012)

[22] Deir Yassin était situé dans la zone attribuée par l’ONU à la partie arabe. Partage soit-disant accepté par Ben Gourion.

[23] Colonel Meir Païl dans « 100 clés du Proche-Orient » de Alain Gresh et Dominique Vidal (Huchette Pluriel, 2003)

[24] Archives de la Haganah 69/72 du 22/4/1948. Maklef devint, plus tard, chef d’état-major de l’armée israélienne.

[25] Voir dans www.haifa-israel.info/Haifahistoire.html et « Le Port dans la Tempête » de Shay Fogelman (Haaretz du 3/6/2011)

[26] Archives de la Croix-Rouge (Genève, dossier G59/1GC, G3/82)

[27] « Le Nettoyage Ethnique de la Palestine » (Fayard, 2006, p145 et 177)

[28] Journal de Ben Gourion, repris par Ilan Pappe dans « Le Nettoyage Ethnique de la Palestine, P.174)

[29] Archives FDI (Forces de Défense d’Israël) 15/957, dossier24

[30] « The Tantura « Massacre » Affair » dans « The Jerusalem Report » du 4/2/2004

[31] On peut trouver la liste chronologique des méfaits sur « www.palestineremembered.com »

[32] Il sera assassiné en septembre 48 par le groupe d’Yitshak Shamir pour avoir, notamment, tenté de sauver les

Palestiniens (droit au retour)… comme il avait tenté, en tant que président de la Croix-Rouge suédoise, de sauver ses

concitoyens juifs quelques années auparavant.

[33] Tous deux deviendront Ministres

[34] Salim Tamari « Journal of Palestine Studies » (Vol.27 n° 4, 7/1998)

[35] Originaire de Bielorussie, émigré en 1924 en Israël, devint ensuite ministre des transports

[36] Dominique Vidal « Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949) » (Editions de l’Atelier

[37] Benny Morris »Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste » (Editions complexe, 2003)

[38] Journal de Ben Gourion du 18/7/1948 (cité par Ilan Pappe)

[39] D’origine polonaise (émigré en 1920), il est le fondateur de « Palmah » (unité de choc paramilitaire)

[40] Futur Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères

[41] Benny Morris « The Birth of the Palestinian Refugee Problem »(Cambridge University Press, 1989)

[42] Wikipedia : « A-Dawayima massacre »

[43] Cité par Ilan Pappe dans « Le Nettoyage Ethnique de la Palestine » (Fayard, 2006)

[44] « Magazine Tel-Aviv » (23/4/2004) cité par Dominique Vidal dans « Dix ans de recherches sur la guerre de 1947-1949 » (Le

Monde Diplomatique de décembre 1997)

[45] « Journal de Ben Gourion » du 25/5/1948 (cité par Ilan Pappe)

[46] Archives FDI 51/957, dossier 1683

Bosnie et Syrie


L’ombre portée du drame bosniaque

Par Nathalie Nougayrède

Et si l’histoire se répétait ? « Sur la Syrie, on en est là où je me trouvais en 1993 et en 1994 avec la Bosnie. Cela nous a pris deux ans ». Ce commentaire saisissant de l’ancien président américain Bill Clinton date du mois de juin. Parallèlement, William Hague, le chef du Foreign Office, faisait le même constat : la Syrie « ressemble à la Bosnie des années 1990 ».

Chaque crise est différente, les époques aussi. Pourtant, lorsque des responsables occidentaux, des observateurs, des acteurs ou témoins directs du drame dans les Balkans se remémorent ces événements, la comparaison avec la Syrie vient assez rapidement. « Après trente ans de travail sur des zones de conflit, nous déclare un ancien conseiller de la force de l’ONU en Bosnie, je dois constater que la Syrie est le dossier qui affiche le plus de similitudes avec la Bosnie : une guerre civile avec de fortes composantes ethnico-religieuses, un environnement régional où des pays « voisins » agissent comme parrains des parties au conflit, et un troisième cercle, celui des grandes puissances, incapables de s’entendre. »

Dans le nord d’Alep après un raid de l’armée syrienne

Un autre expert des deux dossiers, l’actuel émissaire suisse au Moyen-Orient, Jean-Daniel Ruch, qui a travaillé pour la justice internationale dans les Balkans, évoque comme points communs « une impasse politique, une escalade de la violence, une diplomatie impuissante, une opinion internationale choquée souhaitant que quelque chose soit fait pour mettre fin aux massacres des civils ».

En Bosnie, la guerre civile a duré de 1992 à 1995. La communauté internationale a paru longtemps hésitante et impuissante. Il fallut attendre cent mille morts et le crime de génocide, à Srebrenica, pour que les occidentaux décident de mettre fin au bain de sang. Des frappes aériennes ciblées de l’OTAN sur les positions serbes, couplées avec une aide en sous main aux forces bosno croates, ont contraint Slobodan Milosevic à la négociation. Elle a abouti aux accords de Dayton, en novembre 1995, qui ont sanctuarisé un partage du pays selon des lignes communautaires.

Aujourd’hui, le pilonnage aérien sur Alep et d’autres villes syriennes fait penser à Sarajevo. Les opérations de ratissage et d’épuration ethniques conduites en Syrie par les chabbiha (milices pro-Assad) rappellent cruellement celles de la soldatesque de Ratko Mladic et Radovan Karadzic. Une similitude d’ordre historique apparaît aussi : ces deux crises surviennent chacune dans un contexte international chamboulé. Les bouleversements géopolitiques induits par la chute du communisme à l’Est composent la toile de fond de la guerre en Bosnie. Ce conflit découle de l’effondrement idéologique de la Yougoslavie. Il est le théâtre de la folie meurtrière née du concept de « Grande Serbie », exalté par l’homme fort de Belgrade, Slobodan Milosevic.

Le drame de la Syrie se produit dans un contexte de transformations historiques : un printemps de libération des peuples arabes en révolte contre les pouvoirs. A Damas, c’est le crépuscule d’un système clanique, celui des Assad, qui repose sur une coalition de minorités. Il lutte contre sa disparition par un déferlement de violence.

L’affrontement en Bosnie était religieux (Serbes orthodoxes contre Croates catholiques et Bosniaques musulmans) et nationaliste (Serbes contre Bosniaques et Croates, Sarajevo étant martyrisée parce qu’elle portait l’étendard de la multiethnicité). En Syrie, le soulèvement anti-Assad est né au sein de la majorité sunnite, tandis que la minorité alaouite est assimilée au pouvoir (tous les alaouites ne sont pas pro-Assad). Ce n’est pas à proprement parler une guerre confessionnelle, même si cette pente existe. L’affrontement se joue principalement entre un peuple en révolte et un régime prêt à recourir aux dernières extrémités pour se maintenir en place. Pendant des mois, en 2011, les contestations de rue étaient pacifiques. La guerre a d’abord été le choix du pouvoir.

Le spectacle d’une longue inaction de la communauté internationale est un autre élément commun aux deux dossiers. La paralysie et la division des puissances sont la conséquence du positionnement russe face aux Occidentaux : soutien de Moscou au pouvoir syrien aujourd’hui, soutien de Moscou aux Serbes hier. Pourtant, c’est la posture, en retrait, de Barack Obama qui apparaît comme l’élément le plus déterminant. Comme l’était, en 1993 et 1994, l’attentisme de Bill Clinton face à la Bosnie. Il a hésité pendant près de trois ans avant de se résoudre à une intervention.

La Syrie n’a pas été la priorité de Barack Obama. En campagne électorale, il ne veut pas de nouvelle guerre américaine dans le monde musulman. Ce qui prime, c’est de prévenir tout dérapage dans le dossier nucléaire iranien, où la coopération de Moscou est par ailleurs recherchée. Dans les années 1992-1994, les Etats Unis de George Bush père, puis de Bill Clinton, ne voient pas d’intérêt stratégique à se mêler de l’affaire bosniaque. Les Balkans sont à leurs yeux le dossier des Européens. James Baker, le secrétaire d’Etat de George Bush, a cette formule devenue célèbre : « We don’t have a dog in that fight » (« Nous n’avons aucun intérêt à défendre dans ce conflit »). Warren Christopher, son successeur, renchérit : « Bosnia is a problem from Hell ».

La Syrie, un « problème infernal » ? Les Etats Unis semblent, pour l’essentiel, déléguer la crise à leurs partenaires régionaux, à savoir la Turquie et certains pays arabes. On cherche à contenir le risque de contagion. Mais cette valorisation des acteurs régionaux, dont l’action est confuse, contribue à amplifier l’effet de « guerre par procuration » dans le grand clash stratégico-confessionnel : sunnites contre chiites, Arabie saoudite contre Iran.

Sur la Bosnie comme sur la Syrie, les Européens s’illustrent par leur impuissance à agir seuls. Et par leurs divisions, plus ou moins visibles. Dans les années 1991-1994, les Croates ont l’appui de l’Allemagne. Les Serbes, eux, bénéficient d’une forte indulgence de François Mitterrand.

Appels français peu suivis d’effets

La France de François Hollande, autant que celle de Nicolas Sarkozy, est en pointe en Europe pour dénoncer les agissements du régime Assad. Mais ses solos restent des solos.

L’annonce faite par François Hollande, le 27 août, d’une « reconnaissance » d’un futur « gouvernement de transition » à Damas et son récent appel à l’ONU en faveur d’une protection pour les « zones libérées » en Syrie ont eu peu d’effet d’entraînement jusqu’à présent. Les Britanniques comme les Américains ont jugé ces initiatives prématurées. Paris semble avoir étudié l’idée, pendant plusieurs semaines, de s’appuyer sur les « zones libérées » à l’intérieur de la Syrie pour conférer une légitimité à une politique d’ingérence. L’autorité de Damas ne s’exerçant plus sur ces régions, la souveraineté de l’Etat syrien ne serait pas enfreinte.

La récente tournée du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, en Jordanie et au Liban a cependant signalé l’abandon de cette option : ni livraisons d’armes ni « zones tampons » protégées. On s’en tient aux équipements « non létaux » distribués à des groupes d’opposants armés que les services français tentent de trier sur le volet, une démarche conforme à ce que font les Américains. Le reste de l’aide concrète est dans le registre de l’humanitaire et du soutien à la société civile. A leurs interlocuteurs français, les chefs de katibas (unités de combattants) anti-Assad répètent que le refus occidental de leur fournir des armes antiaériennes ne fait que pousser la rébellion vers d’autres sources d’approvisionnement : le marché noir, où les islamistes financés par le Golfe auraient la haute main…

On retrouve là certains échos du débat qui avait cours à l’époque de la Bosnie : faut-il livrer des armes, violer l’embargo (onusien en Bosnie, européen en Syrie) ? L’administration Clinton était favorable à un approvisionnement des Bosniaques. Paris et Londres étaient contre. Aujourd’hui, la politique des Occidentaux sur la Syrie est de ne pas adopter de posture de belligérant, même si cela paraît en décalage avec leurs appels au départ d’Assad, lancés depuis août 2011. La crainte est vive de voir des armes sol-air sophistiquées tomber un jour entre les mains de groupes radicaux, terroristes ou hostiles aux intérêts occidentaux. Israël a envoyé des messages catégoriques sur ce point, obsédé par le stock d’armement du Hezbollah.

Selon une source proche des milieux saoudiens, Washington a mis un veto à toute livraison d’armes antiaériennes performantes à la rébellion syrienne par des pays du Golfe. Vrai ou faux ? Si c’est vrai, quelles en seraient les conséquences pour une rébellion que l’on prétend soutenir ? « Les Américains ont mis quinze ans à retrouver tous les missiles Stinger qu’ils avaient envoyés aux moudjahidin d’Afghanistan », rappelle un expert des questions de défense à Paris. En Bosnie, le problème du « contrôle des airs » ne se posait pas. Milosevic n’employait pas l’aviation car une zone d’exclusion aérienne avait été imposée en 1993, ce qui n’est pas le cas en Syrie.

Depuis 2011, la diplomatie internationale a repris à propos de la Syrie une série de figures imposées, déjà observées pour la Bosnie. Elles se déclinent en conférences, sommets, tentatives de médiations, scénarios hypothétiques de règlement. Sans lendemain. Hier, les émissaires étaient Lord Carrington, Lord Owen, Cyrus Vance ; aujourd’hui, Kofi Annan et Lakhdar Brahimi. La formule « groupe de contact » se retrouve sur les deux crises. De même que la formule des « observateurs internationaux » (casques bleus en Bosnie, missions de la  Ligue arabe et de l’ONU en Syrie). Impuissants, ces observateurs sont cantonnés dans un rôle de spectateurs de la dévastation et des crimes. Le problème de leur sécurité en fait des otages potentiels.

Alors, on s’en remet à l’humanitaire, indispensable volet. Qui a en outre l’avantage de fournir des images plus positives aux téléspectateurs. Comme à Sarajevo autrefois, l’assistance acheminée vers les Syriens allège des souffrances, mais ne règle en rien le fond du problème. La violence continue de s’abattre sur les civils. On compte trente mille morts à ce jour.

Comment la donne a-t-elle changé en Bosnie ? Le « facteur CNN » a sans doute été décisif. L’impact de la couverture médiatique de la Syrie est d’ailleurs, aujourd’hui, suivi de très près par les décideurs occidentaux, sur fond de « fatigue des guerres » ressentie par les opinions. En 1995, le choc créé par le massacre de huit mille hommes et adolescents bosniaques à Srebrenica a été un tournant majeur. La passivité face à l’horreur, au coeur de l’Europe, est alors devenue intolérable pour tous. Le rôle des personnalités politiques ne doit pas être négligé. Après l’arrivée au pouvoir de Jacques Chirac, un puissant duo franco-américain se forme avec Bill Clinton. Les deux dirigeants s’entendent pour que l’OTAN montre ses muscles.

Afin que la pression militaire sur les Serbes soit crédible et décisive, les Occidentaux décident, en juillet 1995, que le feu vert de l’ONU ne sera pas nécessaire pour déclencher des frappes massives. L’obstacle russe à l’ONU est contourné. Quatre ans plus tard, Américains et Européens iront encore plus loin en intervenant au Kosovo sans mandat explicite délivré par le Conseil de sécurité. L’épuisement de la carte diplomatique et la volonté d’en finir avec Slobodan Milosevic agissent comme un accélérateur majeur.

François Hollande répète que rien ne peut être entrepris en Syrie sans résolution de l’ONU – ce que n’ont dit ni les Etats-Unis ni les Britanniques. Le président français enterre ainsi la « doctrine Kosovo », regrettent certains diplomates. Et raye la logique de Jacques Chirac en 1999 selon laquelle « le scandale humanitaire efface le scandale juridique ». La seule « ligne rouge  » fixée par les Occidentaux à Bachar al Assad concerne l’emploi d’armes chimiques. Il y a là un paradoxe qui peut susciter des accusations de cynisme : les Occidentaux semblent plus préoccupés par le problème de la prolifération des armes de destruction massive que par la protection des civils.

En 1995, le dénouement est arrivé en Bosnie avec l’inversion du rapport de forces sur le terrain. Les Serbes ont fini par céder parce qu’ils étaient pris dans la double tenaille des frappes de l’OTAN et de la reconquête menée sur le terrain par les forces croates. Celles-ci ont été équipées et entraînées par une société privée militaire américaine. « Nous savions que la diplomatie ne pouvait pas réussir tant que les Serbes n’auraient pas subi des pertes importantes sur le terrain », racontera Bill Clinton dans ses Mémoires. En novembre 1995, les accords de Dayton entérinent les lignes de front en Bosnie. Une paix imparfaite, aux lourdes séquelles aujourd’hui, mais les armes se sont tues.

Les ingrédients du dénouement bosniaque ne sont pas réunis à l’heure actuelle en Syrie. Les Occidentaux sont convaincus que Bachar Al-Assad finira par tomber, à plus ou moins longue échéance. Mais avec le temps, le pourrissement de la situation rendra de plus en plus difficile l’endiguement d’une crise qui menace de déborder dans un Moyen-Orient explosif. Des Etats arabes poussent à faire plus, mais peinent à s’accorder entre eux.

En Occident, la perception du facteur islamiste refroidit les enthousiasmes et fait oublier un peu vite la formidable résistance civile à l’oeuvre en Syrie au niveau local. Aucun dirigeant occidental n’a cherché à prendre un leadership sur ce dossier. C’est au contraire Vladimir Poutine, ardemment opposé à une politique de changement de régime imposée de l’extérieur, qui campe une figure dominatrice.

Les Balkans furent peut-être une parenthèse. Un cas très spécifique où l’ingérence pouvait s’exercer hors des clous de la légalité internationale stricte car, après tout, les Européens intervenaient « chez eux », en Europe, et non pas dans d’anciens protectorats ou colonies. Mais la leçon de la Bosnie, à vingt années de distance, est aussi que le moment finit par arriver où il faut répondre aux appels à l’aide. On s’aperçoit alors que le temps perdu fut un gâchis, que les belligérants les plus actifs, les plus extrémistes, ont pris le dessus, et que, pour la population civile, il est tout simplement trop tard. Des dizaines de milliers de morts trop tard.